Natacha Polony et les étranges repentirs de MARIANNE

 

Dans son édition du 11 au 15 juillet, l'hebdomadaire MARIANNE a publié six lettres de lecteurs protestant contre les articles excessifs, injustes et partiels de Natacha Polony sur les questions éducatives. Parmi ces lettres, l'une d'elles était signée de Danièle Manesse, auteur avec Danièle Cogis de l'ouvrage Orthographe : à qui la faute ? (ESF, 2007). Vous trouverez ci-dessous le texte complet de la lettre envoyée à MARIANNE. Les passages en rouge sont ceux qui n'ont pas été reproduits dans l'hebdomadaire (censurés par qui ?)... MARIANNE fait donc dans un pluralisme... très relatif... et qui ne l'empêche pas de donner à tout va des leçons de probité. On pourrait espérer plus de rigueur de la part des détracteurs du "pédagogisme" accusé d'avoir sabordé toute exigence intellectuelle dans l'école française. (Ph. M.)

 

"Bonjour ! Je demande très instamment que cette lettre soit publiée dans le courrier des lecteurs. C’est en quelque sorte un droit de réponse.

Dans sa contribution du dossier de Marianne 578 (17-23 mai 2008), consacré à la « nouvelle pensée unique » Natacha Polony évoque un certain « rapport Manesse » qui atteste de la baisse de la grammaire (sic) et de l’orthographe.

Je porte à sa connaissance qu’il n’y a jamais eu de rapport Manesse, qu’elle évoque vraisemblablement un livre qu’elle n’a pas ouvert, mais dont elle a eu vent par un bref article du Monde  maintes fois repris par ceux des journalistes qui n’ont pas le temps de lire ni d’élargir leurs sources.

Ce livre L’Orthographe : à qui la faute (ESF, 2007) rend compte d’une recherche que j’ai dirigée en compagnie de Danièle Cogis ; il atteste en effet une baisse de l’orthographe notable et à coup sûr préoccupante, chez les adolescents dans les vingt dernières années.  Les résultats de cette enquête occupent 30 pages sur les 250 qu’en comporte ce livre. L’essentiel de cet ouvrage est en effet consacré à l’examen en profondeur des difficultés orthographiques des élèves, pour en comprendre les ressorts,  à l’analyse des problèmes bien réels de l’école d’aujourd’hui à l’enseigner et des tensions qui traversent depuis un siècle cet enseignement hautement valorisé dans le corps social.

On ne demande pas aux journalistes d’être des chercheurs, mais pour le moins qu’ils comprennent ce qu’ils citent, et qu’ils citent à bon escient. Les sympathies de Natacha Polony pour une association qui fonctionnent comme un lobby puissant ne sont pas un mystère, et je regrette pour ma part depuis longtemps que le champ de l’éducation dans Marianne soit accaparé par un point de vue partisan et étroit. De cette association, Natacha Polony adopte le ton prophétique, outrancier et injurieux, à l’égard entre autres de Philippe Meirieu, dont elle ne sait évidemment pas que le livre cité ci-dessus a paru dans une collection qu’il dirige."

Danièle Manesse, professeur de sciences du langage à l’Université Paris 3-Sorbonne Nouvelle.

Voir aussi le texte de Philippe Meirieu sur l'ouvrage de Natacha Polony, Nos enfants gâchés.