POUR CHANGER (VRAIMENT) LĠECOLEÉ ET CONSTRUIRE UN SYSTEME SCOLAIRE A LA HAUTEUR DES ENJEUX DE NOTRE DEMOCRATIE

 

 

 

Christophe Chartreux

 

 

Quelques thses qui traversent cette contribution :

 

1-    Il nĠ y a pas eu dĠage dĠor de lĠEnseignement

2-    Les tenants de lĠ Ç Ecole dĠhier È nous mentent

3-    Les Enseignants actuels, dans leur immense majoritŽ, ne fabriquent pas de crŽtins

4-    Les programmes actuels nĠont rien ˆ envier ˆ ceux dĠ hier

5-    LĠEducation nĠa pas fait sa RŽvolution (et cĠest dommage)

6-    La recherche pŽdagogique nĠest pas entendue, et ceci depuis des dŽcennies (On ne peut donc lĠaccuser des maux et dŽfauts de notre enseignement)

7-    Tout ne va pas bien pour autant et une rŽforme profonde de la formation des Professeurs est ˆ mettre en place en y associant la recherche pŽdagogique

8-    LĠorientation, notamment post-bac, est inexistante de fait. CĠest une erreur de croire que lĠavenir de nos futurs Žtudiants se trouve dans les brochures de lĠONISEP

 

 

I – Analyse de lĠƒcole et de son contexte

(cette partie s'appuie partiellement sur l'ouvrage de C. Guigon, N. Gauthier, M.-A. Guillot, Les instits, Paris, Le Seuil, 1986)

 

1-   Ç LĠ ECOLE NĠEXISTE PAS ! È

 

QuĠest ce que lĠ Ecole ? Si la question para”t simple, la multiplicitŽ des rŽponses en rŽvle en fait la difficultŽ sous-jacente. On entend dĠailleurs tout et le contraire de tout!

 

Depuis quelques annŽes, la mŽchante humeur a trouvŽ ses porte-parole: SOS Education, Sauver les Lettres ou Jean Paul Brighelli, auteur de La Fabrique du CrŽtin et gourou auto proclamŽ Ç spŽcialiste È dĠˆ peu prsÉtout, sĠŽpoumonent contre ceux quĠils appellent les PŽdagogues ou, pire encore, les Ç pŽdagogistes È, quand ce ne sont pas les Ç pŽdagogos È, responsables ˆ leurs yeux des maux, rŽels, supposŽs et inventŽs, qui frappent notre Ecole. Rien de bien nouveau dĠailleurs dans leurs protestations. Ils rejoignent la mre de famille qui, aprs telle ou telle Žmission de tŽlŽvision, dŽclare, outrŽe : Ç Mais ma fille nĠapprend pas tout a ˆ lĠŽcole ! Sa prof est nulle ! È CQFD !... ; mais aussi cette institutrice ˆ deux ans de la retraite et qui se souvient ou croit se souvenir de ses premiers Žlves : Ç Ah mais ils Žtaient bien meilleurs ! Et bien plus polis parce que bien mieux ŽlevŽs ! È ; et encore le politicien, de droite comme de gauche, faisant de lĠEcole une cible facile : ÇLe gaspillage financier est intolŽrable ! Les enfants ne  savent plus rien ! È ; enfin le syndicaliste participe lui aussi, ˆ sa manire, au concert : ÇIl manque des moyens, des postes et des sous ! È. Une cacophonie sans nom !

 

Dans le mme temps, on entend le discours exactement inverse : Ç Ce que font mes enfants aujourdĠhui ˆ lĠŽcole est extraordinaire ! Comme jĠaurais aimŽ pouvoir en faire autant, de mon temps ! Mme de lĠinformatique ! Et ils lisent de beaux livres ! È sĠŽmerveille une maman. Ç Mes Žlves sont polis et leur niveau est bien plus ŽlevŽ que celui auquel je mĠattendais ! È renchŽrit ce professeur dĠŽcole tout ŽtonnŽ de ne pas avoir ˆ mater une horde de sauvages. JusquĠau Ministre qui promet, ˆ son entrŽe en fonction : Ç Je nĠattacherai pas mon nom ˆ une nouvelle rŽforme. DĠailleurs, tout ne va pas si mal ! È. LĠeuphorie gŽnŽrale!

 

Mais alors lĠEcole, quĠest ce que cĠest ? Bien difficile ˆ dire, nĠest ce pas ?É En fait, jĠaffirme ici que lĠEcoleɍa nĠexiste pas ! Elle a toujours ses quatre murs, une cour de rŽcrŽation, des salles de classes et parfois une devise rŽpublicaine ˆ son fronton mais elle nĠest que DIFFERENCES :

 

-       lˆ une b‰tisse bŽtonnŽe ou Ç ferraillŽe È surgie au milieu des HLM

 

-       ici une bonne vieille Žcole de village jouxtant la Mairie et b‰tie de plain-pied, en pierres, avec ses fentres donnant sur les platanes de la cour et juste aprs le muret, la campagne qui commence.

-       enfin lĠŽcole parisienne, souvent de briques rouges, dont lĠentrŽe surmontŽe du Drapeau tricolore donne sur un escalier de bois blanchi par lĠeau de Javel des lavages.

 

Et dans chaque classe, des ma”tres et des ma”tresses tous diffŽrents par lĠ‰ge, lĠorigine et la formation. Et dans chaque classe, des enfants diffŽrents par leur culture, leur milieu et leurs capacitŽs. Et tout ce petit monde DOIT travailler ensemble, au mme rythme si possible, pour atteindre toujours ensemble lĠobjectif assignŽ ˆ lĠEcole depuis la IIIme RŽpublique et toujours en vigueur : Ç Apprendre ˆ lire, Žcrire et compter È.

 

Peut tre est-elle lˆ, la cause de tous ces maux, rŽels et imaginaires. Aprs la Seconde Guerre Mondiale, lĠEcole change de r™le et de fonctions, et ceci plusieurs fois de suite. Des rŽformes nombreuses voudront la transformer ; bien peu seront effectivement appliquŽes. Aucune, de fond ni dĠimportance, ne le sera sur des durŽes excŽdant 5 ans. Elle conserve des rites et des manies immuables. Sa Ç clientle È sĠest diversifiŽe et massifiŽe. Les parents et quelques autres en font le bouc Žmissaire dĠune sociŽtŽ post industrielle mal dans sa peau. Pourtant elle garde des rgles de vie et des pratiques pŽdagogiques hŽritŽes du sicle dernier. LĠŽchec scolaire a bon dos ! Il rŽsume tout et nĠexplique rien ! (Voir paragraphe 3 du prŽsent travail)

 

 

2-  EDUQUER ET INSTRUIRE

 

Les professeurs dĠŽcole, mais aussi lĠensemble de la profession enseignante, sĠassignent des objectifs trs souvent divergents :

 

-       1977 : Etude SOFRES/Monde de lĠ Education :

 

  • 61% des professeurs privilŽgient lĠŽpanouissement de la personnalitŽ des Žlves
  • 29% privilŽgient lĠacquisition des connaissances
  • 1% ne se prononcent pas

 

-       Septembre 1984 : Etude IPSOS/Le Monde

 

  • 41% des professeurs privilŽgient lĠŽpanouissement de la personnalitŽ des Žlves
  • 30% privilŽgient lĠacquisition des connaissances
  • 20% ne se prononcent pas

 

La synthse des deux missions, Eduquer/Instruire, avait ŽtŽ Žtablie par Jean Marc Favret en 1985 pour le CNDP :

 

Ç Education et Instruction sont insŽparables (É). LĠenfant doit apprendre ˆ bien lire, Žcrire et compter et, dans le mme temps, ˆ se situer dans le monde qui lĠentoure. (É)  QuĠon le veuille ou non, quĠon en prenne conscience ou non, toute classe est une classe hŽtŽrogne. Les origines culturelles et sociales, les diversitŽs linguistiques et techniques croisent ˆ lĠenvi les diffŽrences dĠapparences et de comportements. Le public de lĠŽcole est variŽ mais sa mission reste unique. Or le systme scolaire doit permettre ˆ chacun de sĠoutiller pour la vie. È.

 

Concilier la vie des enfants et les objectifs assignŽs ˆ lĠŽducation -instruction comprise- est le lot commun de TOUS les enseignants. Mme les inconditionnels des Ç savoirs È ne peuvent pas contourner cette donnŽe. Celui qui affirme Ç Je nĠai aucun problme de discipline È nĠexplique en fait que son autoritŽ, son influence, son pouvoir de sŽduction permettant dĠobtenir de ses Žlves les conditions qui permettent de travailler. Et ce travail qui conditionne lĠinstruction, cĠest lĠŽducation.

 

MalgrŽ (ou ˆ cause de) cette querelle Instruction/Education, lĠŽvolution de lĠEcole me semble paradoxale. On pourrait facilement dŽmontrer que, contrairement aux affirmations de certains tenants du fameux Ç cĠŽtait mieux avant È, rien nĠa fondamentalement changŽ : le tableau noir o sont encore trs souvent inscrits les incontournables exercices du BLED, Bible de lĠorthographe ; lĠestrade ; les boites de craies ; parfois mme les paquets dĠimages, tout est encore lˆ. La configuration des tables a ŽtŽ ˆ peine revue et corrigŽe en collge  et lycŽe aprs mai 1968. Et tout cela aussi bien en milieu rural quĠurbain. Seules fantaisies concŽdŽes ˆ la tradition : des murs repeints et un micro ordinateur (plus imposŽ que choisi), maisÉle bureau du ma”tre toujours face ˆ ses Žlves ! (CĠest symbolique car jĠai parfaitement conscience que ce nĠest pas en supprimant ou en changeant le bureau de place quĠon Žvoluera plus vite.)

 

SĠil fallait une autre preuve de cet immobilisme, la lecture du Code Soleil (recueil de tous les textes administratifs concernant lĠenseignement primaire) y suffirait. Entre 1929(1re Ždition) et 1999, seules deux parties ont disparu : celle concernant les devoirs et droits des membres de lĠenseignement public et celle qui prŽsentait la lŽgislation de lĠenseignementÉprivŽ ! On a Žgalement dŽbaptisŽ le Conseil SupŽrieur de lĠInstruction Publique en celui de lĠEducation Nationale et les Inspecteurs Primaires sont devenus Inspecteurs de lĠEducation Nationale (IDEN). Rien de plusÉ

 

Je conseille Žgalement la lecture du Dumas utilisŽ dans tous les Cours Moyens de France pendant des annŽes (JĠai sous les yeux, au moment o jĠŽcris ces lignes, lĠŽdition originale de 1931 : L. Dumas, Le Livre Unique de Franais, Hachette Paris 1931). En laissant de cotŽ la prŽsentation, Žvidemment dŽpassŽe et vieillotte, tous les exercices (Lecture ; Grammaire ; Vocabulaire ; Orthographe ; Composition Franaise) sont contenus dans le mme ouvrage et ont pour fondement un seul et mme texte. Textes qui pour 108 dĠentre eux- sur 120-  nĠont aucune Ç valeur littŽraire È. Cela ne rappelle-t-il rien ˆ ceux qui dŽnoncent les contenus dĠapprentissages actuels. 1931É2006ÉCĠŽtait mieux avant ? Non bien sžr !

 

En prs dĠun sicle, la Ç rŽvolution pŽdagogique È responsable de TOUS les maux de lĠŽcole nĠa pas eu lieu ! Au contraire, lĠEcole reste prisonnire de son Histoire.

 

(Voir Žgalement le paragraphe 9 de cette Žtude)

 

 

3- A PROPOS DĠECHEC SCOLAIRE

 

A quelques exceptions prs, les professeurs dĠŽcole, de collge et de lycŽe travaillent ! Beaucoup mme, parmi les Ç instits È sĠacharnent, seuls devant le tableau noir avec leurs 27 heures hebdomadaires et leurs 7 disciplines. Tous sont confrontŽs ˆ des problmes difficiles dont le plus dramatiquement mal vŽcu est sans contestation lĠŽchec scolaire.

 

Echec ? Certains rŽfutent le terme, comme Jean Pierre Chevnement car il met en cause lĠŽcole et elle seule estimait lĠancien Ministre de lĠEducation Nationale. Il lui prŽfŽrait son contraire, le mot Ç rŽussite È. DĠautres sĠinsurgent contre lĠinfamie du mme mot qui relgue aux oubliettes les oubliŽs du systme. Et pourtantÉ

 

LĠŽchec scolaire est aussi vieux que lĠŽcole obligatoire. Il nĠa en effet jamais existŽ dĠage dĠor de lĠenseignement. Les ma”tres des annŽes 1960 exerant devant les classes de fin dĠŽtudes qui menaient au Ç certif È tŽmoignent du dressage infligŽ ˆ leurs Žlves pour les mener au jour de lĠexamen. Voici ce que me disait un vieil instituteur poitevin, aujourdĠhui retraitŽ : ÇLe plus important de lĠannŽes, cĠŽtait de faire moins de 5 fautes ˆ la dictŽe du Certificat dĠŽtudes, parce que 5 fautes, cĠŽtait Žliminatoire. Quinze jours avant, il nĠŽtait pas prts et 15 jours aprs, ils avaient quasiment tout oubliŽ È. Quant ˆ ceux quĠon ne prŽsentait mme pas au Ç certif È et qui quittaient lĠŽcole ˆ 14 ans sans dipl™me, ils sont enfouis dans la chronique enthousiaste des grandes et riches heures de lĠEcole La•que.

 

LĠŽchec scolaire a aussi une f‰cheuse tendance ˆ rŽvŽler impitoyablement les inŽgalitŽs sociales. Sans dire que lĠEcole les crŽe, force est de constater quĠelle les fortifie. Entre 1978 et 1984 puis entre 2001 et 2005, les chiffres nĠont quasiment pas variŽ : 93% des enfants de cadres supŽrieurs et professions libŽrales ont effectuŽ une scolaritŽ primaire Ç sans fautes È ; 36% seulement dĠenfants dĠouvriers/employŽs sont dans le mme cas. Le profil type de lĠŽlve en Žchec scolaire est bien connu : fils ou fille dĠouvrier/employŽ ; pre ch™meur ; famille monoparentale suite ˆ un divorce ; famille surendettŽe ; fils ou fille dĠimmigrŽs. Dans ces cas lˆ, apprendre ˆ lire, Žcrire et compter nĠest pas ressenti comme une prioritŽ. Les habitudes sŽlectives se prennent dĠailleurs trs t™t puisque 91% des Žlves ayant redoublŽ le CP nĠatteindront jamais la seconde.

 

LĠŽchec scolaire a souvent ŽtŽ expliquŽ, en partie, par les pŽdiatres (Docteurs Courtecuisse, Vermeil et Guran). ExtŽrieurs ˆ lĠinstitution, ceux-ci nĠont pas ŽtŽ entendus. Leur Žtude nĠa dĠailleurs jamais ŽtŽ publiŽe ! Il faut dire que leur discours Žtait direct :

 

-       la moitiŽ des Žlves dĠune classe dĠage nĠatteint pas le baccalaurŽat

-       40% seulement des Žlves accdent ˆ la terminale

-       le systme Žducatif porte une large responsabilitŽ de ces Žchecs

-       le systme Žducatif fonctionne en imposant une norme et un rythme auxquels TOUS les Žlves doivent sĠadapter ou se soumettre

-       les rythmes biologiques des enfants ne sont pas pris en compte :

 

  • Tous les enfants de 6 ans nĠont pas la mme taille. Pourquoi parleraient ils et liraient ils TOUS au mme age ?
  • LĠage idŽal pour apprendre ˆ lire se situe entre 5 et 8 ans. Or, pour le systme Žducatif, un enfant qui ne sait pas lire ˆ 6ans et demi est considŽrŽ comme perdu !

 

Le systme Žducatif tranche dans le vif. CĠest ˆ 6 ans que lĠon trie les Ç bons È et les Ç mauvais È. La lenteur et les retards sont ŽrigŽs en maladies chroniques. Voila sans doute pourquoi 1 enfant sur 8 parcourt sans fautes la totalitŽ du cursus dĠenseignement gŽnŽral, du CP au BaccalaurŽat.

 

 

4- Ç LE NIVEAU BAISSE ! È

 

Ç Le niveau baisse ! È. Ce cri est devenu le leitmotiv des dŽtracteurs de lĠEcole: parents dŽsespŽrŽs parce que  mal informŽs, professeurs aigris se consolant dans la lecture ou lĠŽcriture de pamphlets mensongers, mais trs Ç tendance È, inspecteurs irascibles. Mme la presse, en particulier tŽlŽvisuelle, embo”te le pas aux Ç anti pŽdagogues È. LĠinterview de Jean Paul Brighelli sur France 2 par une Franoise Laborde plus que complaisante fut ˆ cet Žgard rŽvŽlatrice de lĠaudience accordŽe ˆ tous les poncifs vŽhiculŽs, dont ce trop fameux Ç le niveau baisse ! È.

 

Rien de nouveau sous le soleil pourtant. En 1938, voila ce quĠŽcrivaient les collaborateurs de Jean Zay, Ministre de lĠEducation Nationale du Front Populaire (assassinŽ par les nazis avec la complicitŽ de Vichy) : Ç On constate que la lecture courante nĠest pas acquise ˆ 10 ans par la moyenne des Žlves. Dans les premire et deuxime annŽes du primaire supŽrieur (aujourdĠhui 6me et 5me), nombre dĠŽlves nĠont pas la perception rapide et globale des mots et des phrases qui seule permet une lecture courante et intelligente È.

 

Toujours en 1938, ces propos sont devenus Ç Instructions du 20 septembre relatives aux arrtŽs du 23 mars 1938 È et concernant lĠapprentissage de la lecture (Bibliothque pŽdagogique EDSCO, Editions scolaires, ChambŽry 1950, Edition Originale, page 30)

 

Ç LECTURE ET RECITATION. –  (É) Des constatations faites dans de nombreuses Žcoles, il rŽsulte que Ç la lecture courante È nĠest pas compltement acquise ˆ 10 ans par la moyenne des Žlves. (É) Dans la deuxime annŽe du Cours supŽrieur et mme dans la premire annŽe des Žcoles primaires supŽrieures, on voit encore des Žlves qui nĠont pas cette perception rapide et globale des mots et des phrases qui seules, permet une lecture courante intelligente È

 

Enfin, jĠai pris le plaisir de comparer les programmes de Franais suivants :

 

-       Programmes et Instructions de lĠEnseignement Primaire È en rapport avec lĠenseignement du Franais : 1923, 1938, 1945, 1946, 1947

 

                                                                   ET

 

-       Instructions officielles Ç Cycle des approfondissements Cycle 3, Bulletin Officiel de lĠEducation Nationale hors sŽrie NumŽro 1 du 14 fŽvrier 2002 (Instructions en vigueur actuellement)/Toujours uniquement en ce qui concerne lĠenseignement du Franais

 

  • Rien que sur le plan quantitatif, les instructions 2002 sont TRES NETTEMENT plus denses que celles de 1947 et antŽrieurement, contrairement ˆ toutes les idŽes reues qui courent les salles de professeurs.

 

  • Concernant lĠenseignement de lĠHistoire en Ecole Primaire/Cycle 3, lˆ encore CONTRAIREMENT AUX IDEES RECUES, cet enseignement est CHRONOLOGIQUE !

 

BOI 14 FEVRIER 2002, page 21 : Objectifs : (É) Le respect du dŽroulement chronologique, jalonnŽ par des dates significatives, y est donc essentiel et constitue lĠune des bases de lĠapproche historique.

 

                                                                      Programme : (É) La programmation (É) doit respecter lĠordre chronologique et ne nŽgliger aucune pŽriode, y compris la plus rŽcente.

 

                                                          

                                                                      CompŽtences (devant tre acquises en fin de cycle)/Page 23 : Etre capable de distinguer les grandes pŽriodes historiques, pouvoir les situer CHRONOLOGIQUEMENT (É).

 

Je pourrais encore apporter bien des preuves, par un travail comparatif, que les programmes actuels et leur application nĠont strictement rien ˆ envier ˆ ceux de 1947. La crainte de la dŽgradation de la qualitŽ de lĠenseignement est plus vieille encore que lĠEcole gratuite, la•que et obligatoire. Ces textes montrent si besoin est ˆ quel point les Ç adorateurs È dĠun age dĠor de lĠEducation Nationale se trompent et nous trompent.

 

(JĠaccuse au passage, ˆ la lumire de mes propres recherches et ˆ la lumire des recherches prŽsentŽes plus avant, tous ces enseignants aigris, vŽritables rŽvisionnistes du passŽ, mensongers sur le prŽsent et uniquement soucieux de leur petite part de Ç gloire È au travers de leurs Žcrits mŽdiocres, de nĠagir quĠˆ des fins politiciennes.)

 

Curieusement, il existe trs peu dĠŽtudes scientifiques sur les niveaux comparŽs des Žlves du dŽbut du XXme sicle et dĠaujourdĠhui. Quelques indications nŽanmoins :

 

-       1973 : Franois Ters, Orthographe et vŽritŽs, Paris, ESF, 1973 : Celui-ci a comparŽ les rŽsultats sur une mme phrase dictŽe aux Žlves des cours moyens en 1904 et 1965. LĠavantage revient ˆ ces derniers.

-       LĠINRP (Institut National de la Recherche PŽdagogique) sĠest intŽressŽ aux performances en MathŽmatiques des enfants de cours moyens 1957, 58 et 61 dĠune part, 1970, 77, 78 dĠautre part, 1997, 98 et 99 enfin. La conclusion est sans appel : Ç Les enfants savent aussi bien faire des opŽrations quĠil y a 20, 30 et 50 ans. En gŽomŽtrie, ils sont trs nettement plus performants È

-       Louis Legrand, Chercheur en Sciences de lĠEducation, a observŽ quĠun enfant de 1990 devait en savoir et en assimiler beaucoup plus que son petit camarade de 1900, tout programme comparŽ.

 

La prŽtendue Ç baisse de niveau È est bien un fantasme engendrŽ par une sociŽtŽ inquite de son avenir et de son Ecole. Depuis les annŽes 1975/80, les rumeurs persistantes sur le thme Ç France, ton enseignement fout le camp ! È sont vŽhiculŽes paralllement ˆ la mise en place de la dŽmocratisation de lĠEcole et ˆ la baisse du prestige social du corps enseignant. Les ma”tres ne sont plus les notables considŽrŽs dĠavant guerre. Plus grave mme, plut™t que dĠavouer leurs faiblesses, pourtant comprŽhensibles, plut™t que de confronter leurs difficultŽs pour les rŽsoudre EN EQUIPES, beaucoup dĠenseignants en rejettent la responsabilitŽ sur leurs Žlves ou sur les PŽdagogues dont, il faut le dire et le redire, un nombre infime de propositions a ŽtŽ effectivement appliquŽ.

 

En retour, les parents lŽgitimement sensibles ˆ ces difficultŽs, accusent lĠEcole. Professeurs dĠEcole, Professeurs de collges et lycŽes, parents, tous se renvoient la balle, convaincus ˆ la longue que Ç le niveau baisse È. Longtemps, encore aujourdĠhui dĠailleurs, on a cru que ces difficultŽs dĠapprentissage, rŽelles pour certaines, fantasmŽes pour dĠautres, rŽsultaient dĠune querelle de mŽthodes pŽdagogiques et quĠune fois lĠaffaire rŽglŽe, on nĠen parlerait plus ! Malheureusement aucune lumire nĠa jamais jailli des disputes entre tenants de la mŽthode globale de lecture (jamais appliquŽe) et tenants de la mŽthode alphabŽtique ou syllabique (B-A- BA).

 

 

 

5- Ç VA FAIRE TES DEVOIRS ! È

 

Bulletin Officiel de lĠ Education Nationale No 1, 3 janvier 1957 

 

ÇAucun devoir Žcrit, soit obligatoire, soit facultatif, ne sera demandŽ aux Žlves hors de la classe. Cette prescription a un caractre impŽratif et les Inspecteurs DŽpartementaux de lĠEnseignement du 1er degrŽ sont incitŽs ˆ veiller ˆ son application stricte È.

 

MalgrŽ cette Instruction officielle toujours en vigueur, les devoirs ˆ la maison, oraux et Žcrits, restent le lot commun de la quasi-totalitŽ des Žlves de lĠŽcole primaire. La rŽsistance active dĠune majoritŽ de professeurs dĠŽcole ˆ une directive vieille de 50 ans a de quoi surprendre. LĠintention du Ministre Žtait et reste louable : ne pas surcharger les Žlves de travail et ne pas introduire de discrimination entre les enfants Ç aidŽs È et ceux qui ne le sont pas. Or depuis un demi-sicle, des gŽnŽrations dĠenfants nĠont jamais ressenti le moindre effet dĠune semblable intention.

 

DĠaprs une Žtude de lĠ INRP, dŽjˆ ancienne (1985) mais toujours dĠactualitŽ, quatre constats ont ŽtŽ Žtablis :

 

-       83% des professeurs dĠŽcole donnent des devoirs (oraux et Žcrits), au minimum quatre ˆ cinq fois par semaine, ˆ faire ˆ la maison. 81% des Žlves sĠen acquittent avec dĠautant plus de zle que leur non exŽcution nĠest pas admise.

-        Contrairement ˆ ce qui se dit, le travail ˆ la maison nĠest absolument pas destinŽ ˆ compenser les lacunes de tel ou tel Žlve, ni ˆ rattraper les retards pris en classe puisque 82% des professeurs dĠŽcole donnent LE MEME travail ˆ faire ˆ TOUS les Žlves de la classe.

-       Plus lĠŽlve avance dans sa scolaritŽ primaire, plus il doit sacrifier au rituel du travail ˆ la maison. Au CM2, lĠenseignant exige des dossiers, des interviews, des rŽdactions, prŽfigurant ainsi les devoirs de collge.

-       Peu dĠenseignants du primaire ont une notion claire de la charge de travail infligŽe aux jeunes Žlves. Une demie heure de travail en plus par jour reprŽsente cinq heures hebdomadaires supplŽmentaires, tout cela pour constater que les bons Žlves sontÉbons, que les Žlves moyens sontÉmoyens et que les Žlves en difficultŽ ont dŽcidŽment bien desÉdifficultŽs.

 

(A noter : nombreux sont les enseignants qui se plaignent des contraintes imposŽes par leur IDEN, leur Conseiller PŽdagogique ou leur Ma”tre formateur IUFM. Curieusement, ce sont ces mmes enseignants qui se fichent comme dĠune guigne de lĠInstruction Officielle du 3 janvier 1957É Comme quoi, quand on veut, on peutÉ)

 

Mais si les devoirs/maisons rŽsistent aussi bien aux instructions officielles, cĠest aussi parce que les parents en redemandent. Ce sont dĠailleurs souvent les parents les moins instruits qui rŽclament du travail ˆ la maison. Trois raisons ˆ cela :

 

-       Ils pensent que les devoirs/maisons permettent de mieux retenir ce qui est appris dans la journŽe ˆ lĠŽcole

-       Ils esprent que les devoirs/maisons empcheront leurs enfants de tra”ner dans la rue

-       CĠest souvent leur seul lien avec lĠŽcole

 

Les devoirs/maisons suscitent donc un double paradoxe. DĠune part, ils constituent un facteur de sŽlection sociale puisque certains enfants ne sont jamais aidŽs ou ne peuvent pas travailler correctement chez eux. DĠautre part, ils sont rŽclamŽs par ceux auxquels ils profitent le moins. En revanche, les Ç milieux aisŽs È sont plus discrets sur ce chapitre. Trs exigeants vis-ˆ-vis de lĠEcole, ils trouvent des subterfuges pour administrer la Ç pilule vespŽrale È : Ç Fais tes devoirs ou je te prive de judo ! È. A dŽfaut, la sŽance de calcul peut devenir un moment de jeu en famille. Privilge bourgeois que de ne pas avoir tout ˆ apprendre et ˆ attendre de lĠ Ecole.

 

LĠEcole est lĠunivers de bien dĠautres paradoxes qui expliquent le prŽcŽdent :

 

-       Les professeurs veulent transformer lĠEcole mais ils refusent de dŽmŽnager leur classe pour transfŽrer leur cours prŽparatoire du 2me Žtage au rez-de-chaussŽe parce quĠil est plus facile ˆ des enfants de 6 ans dĠaccŽder de la cour de rŽcrŽation ˆ leur sale de classe.

-       Les professeurs dĠŽcole vous expliquent en permanence quĠil leur est difficile de sĠen sortir seuls mais ils se mŽfient du travail en Žquipe et ne veulent voir personne dans leur classe. (Le fait est encore plus remarquable en collge/Le travail en Žquipe est en revanche souvent exemplaire en ZEP et il donne des rŽsultats)

-       Toutes et tous trouvent leurs classes trop exigu‘s mais nĠutilisent pas tout lĠespace, en sortent encore moins et concentrent leurs activitŽs sur le tableau.

 

Beaucoup de Professeurs, dĠŽcole, de collge et de lycŽe sont avant tout conservateurs. Autant par routine que par conviction profonde. Si la demande de changement est Žnorme, les classes se suivent et, souvent, se ressemblent. Les devoirs/maisons ont encore de beaux jours devant euxÉ

 

De lĠimagination pŽdagogique et des innovations naissent le malheur et le scandale, dit on ici et lˆ ! On leur prŽfre donc un sicle de savoir-faire rŽcrit au gožt du jour ! JusquĠ ˆ lĠennuiÉ

 

 

6- DISCOURS SUR LA METHODE

 

Instructions du 20 juin 1923 relatives au nouveau plan dĠŽtudes des Ecoles Primaires ElŽmentaires (Bibliothque pŽdagogique EDSCO, Editions scolaires, ChambŽry 1950, (Edition originale,  page 10) : LECTURE : Ç Nous ne prŽconisons aucune mŽthode : la meilleure sera celle qui donnera les rŽsultats les plus rapides et les plus solides. Entre la mŽthode dĠŽpellation et la mŽthode syllabique ou la mŽthode globale, nous ne faisons aucun choix. È

 

Si lĠenseignement de lĠŽcriture nĠa gure changŽ ˆ lĠexception de lĠart et la manire de former les Ç anglaises È, si celui du calcul sĠest transformŽ dans la lettre mais pas dans lĠesprit, lĠenseignement de la lecture reste lĠŽpicentre des plus violentes polŽmiques qui ont secouŽ les 50 dernires annŽes du XXme sicle et les premires annŽes du sicle qui commence.

 

A notre droite, les tenants de la mŽthode alphabŽtique qui, pensent ils, a fait ses preuves depuis la IIIme RŽpublique auprs de ceux qui accŽdaient ˆ lĠinstruction. A notre gauche, les tenants de la mŽthode dite Ç globale È, ŽlaborŽe par Ovide Decroly. En caricaturant et pour faire court, la mŽthode alphabŽtique permet de mŽmoriser les lettres puis de les combiner entre elles. La mŽthode globale permet de mŽmoriser des mots. Dans cette querelle, on retrouve les durs et les mous, les croyants et les athŽes, plus quelques intŽgristes fanatiques. Et encore ! Pour le grand public, la querelle nĠoppose que deux mŽthodes. Mais lĠaffaire se complique singulirement quand on sait quĠil existe beaucoup dĠautres faons dĠapprendre ˆ lire ! Une seule chose est sžre : aucune mŽthode nĠa su garantir ˆ 100% la rŽussite des enfants en lecture.

 

 

Ceci est dĠautant plus vrai que la querelle sĠest accompagnŽe dĠimprŽcations, dĠimprŽcisions, de non-dits, dĠinterprŽtations, de mensonges mme. NĠa-t-on pas accusŽ la mŽthode globale de provoquer des troubles de la mŽmoire et de rendre certains enfants dyslexiques ? On sait aujourdĠhui quĠil nĠen est rien mais la rumeur a laissŽ des traces indŽlŽbiles. Trs rŽcemment, on a mme eu le culot dĠexpliquer les rŽvoltes des banlieues par cette mme mŽthode globale ! Les enfants lisent mal, cĠest la faute ˆ Decroly, donc ils bržlent des voitures ! Ah bon !

 

En 2006, il nĠest en tout cas pas un seul ma”tre en France pour prŽtendre nĠutiliser QUE la mŽthode globale. En revanche, tous ou presque mŽlangent les genres : un zeste dĠalphabŽtique, trois gouttes de globale et une sauce toute personnelle. Le cocktail fut dĠailleurs officialisŽ lors dĠun colloque organisŽ en 1979 par Christian Beullac, Ministre de lĠEducation Nationale. Devant une assistance mŽdusŽe et regardant le bout de ses chaussures, Colette Chiliand, psycholinguiste, concluait en ces termes :

Ç On ne peut pas rŽellement savoir si une mŽthode est bonne ou mauvaise. Quand le ma”tre qui lĠapplique est convaincu, il y a toujours un taux exceptionnel de rŽussite. Quand il ne lĠest pas, quand il obŽit ˆ untel ou untel, ˆ une mode du moment, cĠest lĠŽchec ! È

 

QuĠon se le dise !.... en relisant les instructions officielles de1923 !

 

 

 

7- PETIT TOUR EN MATERNELLE

 

Ç Depuis que je suis enseignante, je me suis trs souvent remise en question È ; Ç Il est nŽcessaire dĠavoir des idŽes biodŽgradables en pŽdagogie. Il faut se dŽbarrasser des stŽrŽotypes È ; JĠadore inventer des situations nouvelles pour vois comment vont rŽagir les enfants È ; Ç Mes lectures ? Des livres de pŽdagogie, de linguistique, de psychologie de lĠenfant, et pas seulement du DoltoÉ È.

 

Mais quel est ce Professeur dĠEcole qui sĠexprime aussi librement, avec autant dĠenthousiasme ? Certainement une Ç mordue È qui ne dŽcrochera plus.

 

Oui mais seulement voilaÉCĠ est une veinarde : elle enseigne en maternelle, la section Ç chouchoute È, lĠunivers clos, protŽgŽ, ˆ lĠŽcart des conflits et du dŽmon de lĠŽchec scolaire. En maternelle, ni examen, ni sanction. De plus, cĠest la vitrine de la recherche pŽdagogique. Bref la maternelle est une oasis, un lieu dĠexpression et dĠŽpanouissement ŽpargnŽ par les contraintes.

 

Coin-poupŽes, coin-cuisines, coin-livresÉDes images aux couleurs vives accrochŽes partout aux mursÉUn cochon dĠInde dans une cage, la mascotte des enfantsÉLĠŽnorme calendrier o sont notŽs les anniversairesÉEn rouge et en gros caractres le di-manche...Des bouts de moquette de toutes les couleurs o lĠon sĠassoit pour lire, en puisant ˆ pleines mains dans de grands paniers remplis de livresÉNathalie sĠest mise ˆ part ; elle prŽpare la cuisine des poupŽesÉTout ˆ lĠheure sera Ç le temps des mamans È o chacune dĠelles viendra dans la classe chercher son enfant, en prenant tout le temps qui lui sera nŽcessaireÉCĠ est quĠelle a bien changŽ lĠŽcole maternelle. Hier on y exŽcutait les ordres au sifflet ; aujourdĠhui elle est le salon de lĠinnovation pŽdagogique, enviŽe par le monde entier ! Lentement mais sžrement, la scolarisation des tout-petits (2 ans) progresse. Personne ne conteste plus les apports dĠune Žcole maternelle vivifiŽe par les recherches pŽdagogiques et par lĠapplication de mŽthodes nouvelles :

 

-       elle permet de repŽrer trs t™t les handicaps

-       elle offre de meilleures chances pour la rŽussite scolaire ultŽrieure

 

Il convient nŽanmoins de nuancer ces indiscutables rŽussites. LĠŽcole maternelle nĠefface pas la tare indŽlŽbile du systme Žducatif, ˆ savoir la reproduction des inŽgalitŽs sociales. Le fils dĠouvrier/employŽ qui rentre ˆ lĠŽcole ˆ trois ans nĠa gure dĠespoir, statistiquement parlant, de mieux rŽussir sa scolaritŽ primaire que son camarade fils de cadre, lequel ne lĠaura pourtant rejoint quĠen CP. Et la crŽativitŽ des professeurs dĠŽcole en maternelle nĠest pas encore pour eux un passeport pour la rŽussite scolaire. HŽlas !

 

A ce sujet, il est nŽcessaire de souligner que les professeurs dĠŽcole exerant en maternelle pratiquent un militantisme pŽdagogique hors du commun. La liste des Ç charmes È de lĠŽcole maternelle, trop longs ˆ ŽnumŽrer, est le rŽsultat de ces rŽflexions en commun, de ces permanentes remises en question, de lĠŽbullition pŽdagogique qui font envier notre Žcole maternelle partout dans le monde :

 

-       Le dialogue parents/enseignants y est plus quĠencouragŽ. Les parents ont le droit dĠentrer dans les classes, de sĠattarder avec les autres parents et enseignants

-       Certains parents mettent la main ˆ la p‰te et participent ˆ lĠanimation de lĠŽcole

-       Les heures dĠaccueil peuvent tre modulŽes en fonction du rythme des enfants

-       La sonnerie est trs souvent supprimŽe

-       Dans les Žcoles o sont scolarisŽs les Ç 2 ans È, ceux-ci entrent aprs les Ç gŽants È de 5 ans afin dĠŽviter les bousculades

-       LĠenfant est astreint au code collectif de vie mais il peut choisir ses activitŽs, avancer ˆ son rythme

-       LĠenseignant est dŽlivrŽ de programmes imposŽs trop contraignants,  des carnets de notes et des devoirs

-       LĠenseignant peut prendre son temps, observer, Žcouter et attendre tel ou tel bambin.

 

Mais les premiers sombres nuages commencent ˆ sĠaccumuler au dessus de nos Žcoles maternelles. On a dit et rŽpŽtŽ aux parents quĠelles prŽparaient, quĠelles conditionnaient lĠavenir scolaire des enfants. DŽsormais la maternelle est de plus en plus intŽgrŽe dans la stratŽgie scolaire. (En particulier dans les milieux aisŽs). Certains vont jusquĠˆ se persuader quĠintŽgrer le CP ˆ 5 ans offrira plus de chances ˆ leur progŽniture pour Ç faire È Normale Sup. ou Polytechnique.  Les professeurs dĠŽcole maternelle font lĠobjet dĠune cour (dĠune pression ?) insistante de la part des parents qui souhaitent voir leur enfant savoir lire ˆ 5 ans, voire 4. On veut dŽsormais une maternelle performante, mieux organisŽe, bref qui Ç produise È des effets visibles rapidement. Et la maternelle se mue, peu ˆ peu, en antichambre du CP. CĠest une erreur formidable !  Mais elle rŽsulte :

 

-       de la pression que dĠaucuns font peser sur les parents par un discours lamentablement alarmiste et non dŽpourvu dĠarrires pensŽes politiques.

-       dĠune pŽriode incertaine o Ç avenir È rime souvent avec Ç ch™mage È.

 

Il est ˆ craindre que dĠautres demandes croissantes pesant sur cette Žcole ne fassent voler en Žclats ce qui assurait les belles heures de la maternelle :

 

-       la libertŽ pŽdagogique

-       lĠinventivitŽ et la prise en compte des innovations pŽdagogiques

-       lĠabsence de contraintes

-       la prise en compte du dŽveloppement de lĠenfant sanctionnŽe par son Žvolution et par elle seule

Tout ce qui nĠexiste plus en primaireÉ

 

 

 8- LES CHOSES EN FACE

 

Il est vain de vouloir apprŽcier un tableau global de lĠensemble des professeurs dĠŽcole, encore moins ˆ fortiori de lĠensemble du corps enseignant. Il existe dĠexcellents ma”tres, dĠautres qui par routine, laisser-aller ou manque de curiositŽ grent leur classe au jour le jour, dĠautres encore totalement incompŽtents. Mais cette simplification est trompeuse. Telle ma”tresse adorŽe de ses Žlves peut leur inculquer lĠamour de la lecture et faire des fautes dĠorthographe ou dire des btises au cours dĠune sŽance de sciences ou de technologie. Tel autre ma”tre, tout juste sorti de lĠ IUFM, pourra rŽaliser des prodiges en petite section de maternelle lˆ o une collgue plus confirmŽe aura ŽchouŽ, par fatigue, lassitude ou dŽgožt.  Les Ç profs È travaillent avec plus ou moins de succs, plus ou moins de talent, plus ou moins de bonheur mais lĠimmense majoritŽ est motivŽe et conserve cette motivation tout au long de sa carrire.

 

Ce nĠest pas le laxisme qui menace lĠŽcole primaire mais la mŽdiocritŽ. La Ç dŽrive È de lĠ Ecole Publique exprime les fantasmes des nostalgiques de lĠordre et de la discipline dĠantan. Le vrai scandale est ailleurs. Il est dans lĠimpunitŽ o sont maintenus les fauteurs de troubles et dans la manire dont lĠinstitution se fait tacitement complice de lĠenseignant. Pour tre limogŽ de lĠEducation Nationale, il faut y mettre une volontŽ sans limite ou Ç dŽraper È de manire gravissime. (A dŽfaut, on Ç suspend de cours ÈÉ). Le dilettantisme devient alors une denrŽe difficile ˆ quantifier. Ceci dit, et pour une vingtaine dĠ IDEN interrogŽs, la proportion de Ç fumistes È invŽtŽrŽs et de Ç fauteurs de troubles È ne reprŽsente quĠ 1 ˆ 2% du total des enseignants. Bien entendu, on peut citer tel ou tel cas pour le moins troublant : (les noms citŽs ont ŽtŽ changŽs et sont inventŽs ; toute ressemblance avecÉetc. /les cas sont rŽels, directement constatŽs ou rapportŽs par des personnes de toute bonne foi).

 

-       ClŽmence Picard dicte un texte ˆ ses gamins, le walkman installŽ sur ses oreilles

-       Florence GrŽau joue au Sudoku ou lit ses magazines prŽfŽrŽs  pendant que ses Žlves sont supposŽs sĠatteler ˆ des exercices de calculs dont elle nĠa pas pris la peine dĠexpliquer les donnŽes

-       Fabrice Dumont sĠŽmerveille devant les dessins de ses Žlves. Soit, mais ils recopient le mme depuis la rentrŽe et on est enÉ fŽvrier !

-       Caroline Frot a trouvŽ un moyen agrŽable de Ç se faire de lĠargent de poche È (Je cite) dans cette petite Žcole de campagne, proche de chez elle et du cabinet de son mari chirurgien-dentiste. Elle regarde sa montre toutes les 5 minutes, attendant une rŽcrŽation qui durera une heure. Ç Je ne sais jamais quoi leur faire faire È avoue-t-elle ingŽnument et sans honte aucune.

 

Mme sĠils existent et sont graves, ces Ç exemples È restent heureusement trs rares ! La dŽsinvolture, le je-mĠen-foutisme, lĠidŽologie sur la base Ç A bas lĠEcole bourgeoise ! È ont peu cours dans lĠenseignement, quoi quĠen pensent ses dŽtracteurs. Un chiffre est tout ˆ lĠhonneur des professeurs dĠŽcole, celui du taux dĠabsentŽisme : 5,7 %, soit lĠun des plus bas, toutes professions confondues. CĠest pourtant lĠabsentŽisme Ç Žnorme È, dixit certains parents et autres archa•sants de tout poil, qui sert de premier indice ˆ la Ç dŽgradation È de lĠenseignement.

 

On travaille dans les Ecoles de France et dĠOutre Mer. Le professeur dĠ Ecole ne peut Žchapper ˆ ses Žlves : 37 semaines par an, ils se connaissent, se supportent, sĠaiment et se dŽtestent. Rien nĠest plus important que la dimension affective  de lĠenseignement du premier degrŽ parce que les enfants y sont dans leur plus jeune age et que la tte de lĠenseignant ne change pas toutes les heures. Une classe de maternelle, de CP ou de CM, cĠest aussi une ambiance de travail, de confiance ou de dŽfiance, de sympathie ou dĠinimitiŽs, dĠincomprŽhensions et de complicitŽs. Une annŽe scolaire est rythmŽe par des exercices, certes, mais AUSSI tissŽe de mille points de repres entre les gamins et leur ma”tre(sse). Il nĠ y a dĠailleurs rien de contradictoire entre cela et leur obsession commune : apprendre ˆ lire, Žcrire et compter.  Jean Pierre Chevnement en son temps, Gilles de Robien plus rŽcemment, nĠont rien inventŽ. Ils ont formulŽ, plus ou moins adroitement, lĠune des hantises du Professeur dĠŽcole, comme me lĠa dit spontanŽment cette Institutrice (32 ans) landaise : Ç Faire classe, cĠest apprendre ˆ lire È. HŽlas on raconte, ici et lˆ, que les Professeurs dĠŽcole ont perdu de vue cet objectif en laissant de cotŽ les apprentissages fondamentaux. Or, TOUTES les Žtudes prouvent que les ma”tres passent leur temps, bien au-delˆ des horaires officiels, ˆ faire du Franais et du Calcul et, plus prŽcisŽment, de la lecture et des opŽrations.

 

Il est nŽanmoins tout aussi incontestable que, comme de tout temps, certains professeurs sĠen sortent plus ou moins bien. IsolŽ dans sa classe, lĠenseignant a trop souvent tendance ˆ se Ç couper du monde È. Il ne peut pourtant sĠabstraire, contrairement ˆ ce quĠaffirme Jean Paul Brighelli par exemple, de lĠenvironnement de son Žtablissement. Ç  Faire classe È, cĠest aussi comprendre pourquoi Mathieu ne desserre plus les dents depuis 15 jours, pleure prs de la fentre et sĠisole en rŽcrŽation. CĠest veiller ˆ ce que Julie, dont les parents viennent de divorcer, quitte bien lĠŽcole avec son pre (ou avec sa mre) qui en a la garde. (Se tromper par ignorance peut vous valoir la visite de la Police et des ennuis trs graves, en maternelle en tout cas !). CĠest surveiller les rŽsultas de Mohammed, inexplicablement en chute libre ce trimestre ; cĠest prendre le temps dĠexpliquer au pre de Nassira que les filles ne sont pas irrŽmŽdiablement vouŽes au mariage ˆ lĠage de 11 ans ; cĠest se demander pourquoi Olivier refuse dĠ™ter son anorak avant de sĠapercevoir quĠil a les bras marquŽs de traces de bržlures de cigarettes ; en collge, sĠisoler du monde extŽrieur, sanctuariser ˆ lĠextrme lĠEcole dans son ensemble, cĠ est ne pas savoir entendre lĠadolescente paniquŽe qui demande ˆ son professeur ce quĠ elle doit faire aprs sa premire nuit passŽe sans protection avec son petit copain. (JĠai personnellement vŽcu cette situation dĠŽcoute dŽlicate). Si nous, les enseignants, ne savons pas nous pencher sur ces cas, qui le fera ?

 

LĠ Ecole est aux prises avec des conflits qui ne lĠŽpargnent pas. Les Žtablissements scolaires ne sont pas des Ambassades qui bŽnŽficieraient dĠune situation dĠexterritorialitŽ.  Ils forment une entitŽ, encore trop souvent un monde clos, qui ne peut rester sourd aux Žchos qui lui parviennent de lĠextŽrieur.

 

 

9      -MORCEAUX CHOISIS

 

Les extraits suivants proviennent tous des Dossiers Documentaires, NumŽro spŽcial de Mars 1966 consacrŽ ˆ lĠexpression orale et Žcrite. Ils prouvent :

 

  • que les dŽbats mŽthodologiques nĠont rien de nouveau
  • que les idŽes reues sont nombreuses de nos jours, notamment sur un Ç age dĠor È supposŽ de lĠEnseignement
  • que les pŽdagogues nĠont jamais ŽtŽ entendus, hier comme aujourdĠhui et quĠon ne peut, de ce fait, leur imputer les dŽfauts supposŽs de lĠ Education Nationale
  • que Ç ce nĠŽtait pas mieux avant È mais aussi que les idŽes Ç novatrices È dĠaujourdĠhui (non appliquŽes) sont dŽjˆ bien anciennes.

 

 

Aucun texte nĠest postŽrieur ˆ 1966 ; le dernier date deÉ 1904

 

Suggestions mŽthodologiques :

 

Ç LĠenfant de huit ans garde encore une certaine fra”cheur, une spontanŽitŽ qui se manifestent volontiers dans ses premiers Žcrits. Retrouvez le ˆ onze ans, il nĠest capable, le plus souvent, que dĠŽcrire dix lignes cohŽrentes de banalitŽs impersonnelles È F. Ters, Education EuropŽenne NumŽro 34, novembre-dŽcembre 1964

 

Ç A voir les rŽsultats quĠil donne souvent, en particulier ˆ lĠexamen du Certificat dĠŽtudes, on considre volontiers lĠenseignement du franais ˆ lĠŽcole primaire comme un enseignement dŽcevant, quand il sĠagit de lĠexpression Žcrite des idŽes.

 

Les Instructions Officielles elles-mmes portent la marque de lĠinquiŽtude que soulve la mŽdiocritŽ des rŽsultats gŽnŽraux dans le domaine de la rŽdaction. LĠinsuccs relatif de cet enseignement est un fait ; les efforts des ma”tres ne sont pas rŽcompensŽs È R. Brandicourt, LĠEnseignement du franais

 

 

Ç On ne saurait trop y insister : ce nĠest pas le seul professeur de franais, ce sont les professeurs de toutes les disciplines qui ont ˆ exercer un contr™le attentif sur les mots et les tours dont use lĠŽlve en parlant et en Žcrivant È P. Clarac, LĠEnseignement du franais, PUF

 

Ces conseils nous sont donnŽs, presque mot pour mot, ˆ chaque rentrŽe scolaire par nos Chefs dĠŽtablissement, comme celui qui suit :

 

Ç Il nĠy a pas de sujets nobles et de sujets vulgaires, tout sujet est bon pourvu que les enfants en parlent avec chaleur. Pourquoi, dĠailleurs, ne pas exploiter leurs connaissances dans dĠautres matires ?

 

Nous pouvons puiser largement dans la riche substance que nous offrent lĠhistoire, la gŽographie, les sciences naturelles, lĠŽtude du milieu. NĠest ce pas le moyen de remŽdier ˆ cette pauvretŽ de vocabulaire qui nous dŽsole chez nos enfants ? È LĠEducation Nationale, NumŽro 19, 21 mai 1964

 

La langue parlŽe/Importance de la parole

 

Ç Nos enfants ne savent plus parler. Tout le monde en est dĠaccord. Il faut leur apprendre cet art. È La Voix des Parents, FŽvrier 1957

 

 PŽdagogie de lĠŽlocution

 

Ç LĠimpŽratif de lĠŽducation, ce nĠest pas le silence, mais lĠattention, et celle-ci est de meilleure qualitŽ lorsque les enfants prennent une part active au travail commun, parlent, questionnent, rŽpondent. Cette activitŽ ne va pas sans agitation ; il ne faut pas sĠen effrayer au point dĠexiger des bouches closes et des bras croisŽs. Il nĠest pas vrai que le silence et lĠimmobilitŽ soient les conditions de lĠattention, ce sont les conditions du sommeil. Il faut dŽtruire cette foi aveugle dans la vertu du silence, si prŽjudiciable, en particulier, au perfectionnement du langage enfantin È G. Villard, LĠExpression orale ˆ lĠŽcole primaire, Bourrelier 1960

 

 PŽdagogie de la rŽdaction

 

Ç Pourquoi tant de cours et de discours, surtout dans les petites classes ? Au lieu dĠexiger des enfants quĠils Žcoutent ou feignent dĠŽcouter, mettons les au travail. Apprenons leur de bonne heure ˆ regarder le monde qui les entoure et ˆ dŽcrire dans une relation sincre ce quĠils auront su voir È. P. Clarac, LĠEnseignement du franais, PUF

 

PŽdagogie de la correction

 

Ç Calculez lĠobstacle de faon que lĠenfant puisse le franchir ; et ne soulignez pas dĠabord toutes les fautes. Peut tre faudra t il louer ce qui est bien et nŽgliger le reste, nĠen point parler. (É). Il faudrait apprendre ˆ se tromper aussi de bonne humeur. Les gens nĠaiment pas penser ; cĠest quĠils ont peur de se tromper. Penser, cĠest aller dĠerreur en erreur È. Alain, Propos sur lĠEducation, XXXII, PUF

 

Ç Oui, cĠest lĠenfant quĠil faut corriger, non la copie. Avec notre systme de corriger toutes les fautes dĠune copie, la copie devient pour vous une fin. La copie vous cache lĠenfant. Au lieu de chercher en elle un dŽfaut de lĠenfant et de rŽflŽchir aux moyens de corriger cet enfant de ce dŽfaut, vous couvrez cette copie dĠencre rouge. LĠenfant sĠen moque et il a raison È. J. Payot, Les idŽes de M Bourru, Colin 1904                    

 

 

10  - ET APRES LE BAC ?

 

La jeunesse de notre pays, dans sa grande majoritŽ, a perdu confiance en lĠavenir et le progrs social. Les manifestations anti CPE sont rŽvŽlatrices du malaise dĠune jeunesse incomprise, peu soutenue et craintive devant un systme de formation inefficace et inŽgalitaire. LĠascenseur social est Ç au mieux È en panne, au pire bloquŽ sur sa fonction Ç descente È ! Quant aux formations, elles sont souvent inadaptŽes

 

Tour dĠhorizon en quelques chiffres :

 

-       2004 : 60% des Franais se dŽclarent confiants dans leur propre avenir, mais ils ne sont que 34% ˆ lĠtre pour leurs enfants

-       1975 : 70% des bacheliers sont assurŽs de devenir cadres. Ils sont 25% dans le mme cas en 2006

-       Entre 1975 et 2000, lĠage moyen de fin dĠŽtudes a augmentŽ de trois ans. LĠimmense majoritŽ des jeunes entre mieux armŽe quĠauparavant sur le marchŽ du travail

-       Pour autant, 160 000 jeunes quittent lĠŽcole sans aucun dipl™me du second cycle (BEP/CAP/BAC).

-       Parmi eux, 1/3 (soit 8% dĠune gŽnŽration) ne peut se prŽvaloir dĠaucune qualification. Ces jeunes (mais pas seulement eux) sont Žvidemment les premires victimes de la prŽcarisation et du ch™mage.  

-       LĠinŽgalitŽ liŽe au dipl™me est particulirement discriminante en France. 5 ˆ 10 ans aprs la fin de leurs Žtudes, 30% des non dipl™mŽs sont ch™meurs (17% pour les peu dipl™mŽs ; 6% pour les BAC + É)

 

La France a Ç oubliŽ È dĠaccompagner sa jeunesse. CĠest criant ˆ lĠUniversitŽ o notre pays investit quatre fois moins que sur ses lycŽens. La Suisse, le Danemark, les Etats-Unis, la Norvge, le Royaume-Uni font de leur enseignement supŽrieur universitaire une prioritŽ.

 

En outre et enfin, nos jeunes investissent en masse, au nom de la sacro-sainte libertŽ de choix universitaire, des filires parfaitement inadaptŽes aux besoins de lĠŽconomie, filires sŽduisantes certes, mais qui sont donc autant de culs-de-sac pour ceux qui sĠy inscrivent. Citons entre autres la psychologie, la sociologie, lĠhistoire de lĠart ou le sport (STAPS). CĠest le refus de toute Ç orientation È ˆ lĠentrŽe de lĠUniversitŽ qui autorise ces choix, catastrophiques la plupart du temps pour les Žtudiants et, ˆ terme, pour la France.

 

LĠun des enjeux majeurs de la Nation sera dĠinvestir sur sa jeunesse pour remporter la grande bataille du savoir. Ce sont des dŽcisions politiques courageuses et ˆ contre-courant de ce qui prŽvaut depuis des dŽcennies qui permettront la victoire. 

 

LĠEcole nĠest pas sous lĠinfluence, comme certains auteurs veulent nous en persuader, des pŽdagogues. JĠespre lĠavoir ici dŽmontrŽ. Pour autant, aprs un Žtat des lieux, il convient de proposer quelques unes des pistes ˆ emprunter de manire urgente pour amŽliorer lĠEcole

 

 

 

II- Quelques pistes pour amŽliorer lĠEcole

 

(Le mot Ç Ecole È recouvre plus particulirement ici la maternelle, lĠŽcole primaire et le collge. A un degrŽ moindre le lycŽe et trs peu lĠuniversitŽ ou les grandes Žcoles)

 

 

1- Peut on diminuer les inŽgalitŽs sociales ˆ lĠŽcole ? : DĠaprs les recherches de Marie Duru-Bellat (Professeur, Institut de Recherche sur lĠEducation/IREDU-CNRS UniversitŽ de Bourgogne)

 

Cette question nĠa de sens que si elle est rapportŽe aux objectifs que la sociŽtŽ fixe ˆ lĠŽcole :

 

-       sĠagit il dĠintŽgrer les jeunes gŽnŽrations pour une socialisation commune et une culture partagŽe ?

-       sĠagit  il  de les doter de formations leur permettant de sĠinsŽrer dans les places inŽgales de la sociŽtŽ ?

 

Historiquement, lĠŽcole a longtemps eu une fonction Ç intŽgrative È. Les transformations Žconomiques ont donnŽ plus de poids ˆ cette autre fonction, former pour des places inŽgales. Ceci modifie fondamentalement la manire dont se pose la question des inŽgalitŽs. Si, face ˆ des objectifs communs, la visŽe dĠŽgalitŽ sĠimpose, il en va tout autrement si cĠest lĠutilitŽ des formations qui prime. Dans une telle perspective, lĠŽcole produit des hiŽrarchies, des inŽgalitŽs, mme si, mŽritocratie oblige, elle doit le faire de manire juste.

 

  • Quand les Žlves inŽgaux de fait abordent lĠŽcole

 

Les inŽgalitŽs sociales de Ç carrire scolaire È sont trs fortes en France. Parmi les enfants entrŽs en 6me en 1989, 85% des enfants dĠenseignants ont obtenu un BaccalaurŽat gŽnŽral ou technologique contre 23% dĠenfants dĠinactifs, sachant en outre quĠil ne sĠagit pas des mmes BaccalaurŽats. Ces inŽgalitŽs sont Žvidemment dŽjˆ en germe ˆ lĠentrŽe de lĠEcole maternelle. Rien de surprenant dans ces chiffres pour une sociŽtŽ dont les familles sont inŽgales, donc inŽgal lĠenvironnement dans lequel se dŽveloppent les enfants. Or ds la premire heure, on le sait sans toujours vouloir se lĠavouer, le dŽveloppement culturel de lĠenfant est SOCIAL, avec pour consŽquence que les pratiques Žducatives parentales exercent une trs forte influence.  Ces Ç socialisations diffŽrenciŽes È entra”nent immanquablement une inŽgale prŽparation des enfants ˆ ce quĠexige lĠEcole et des inŽgalitŽs de dŽveloppement dans le domaine des connaissances et des compŽtences. (Voir J Lautrey, Classe sociale, milieu familial, intelligence, Paris, PUF, 2002)

 

LĠEcole maternelle pourtant sĠavre bŽnŽfique pour TOUS les enfants, quel que soit le milieu social. Vient ensuite le primaire o le caractre cumulatif des apprentissages est trs net. Mme si lĠeffet spŽcifique du milieu social sĠavre tŽnu sur les progressions, ˆ lĠŽchelle dĠune annŽe scolaire, il est intŽgrŽ au Ç niveau È de lĠŽlve, niveau qui sera lĠingrŽdient principal, voire unique, de la progression et de ses consŽquences par la suite.

 

Lors du passage dans le secondaire (entrŽe en 6me), lĠaccumulation des inŽgalitŽs sĠaccŽlre et pse de plus de poids. Les Žlves initialement les meilleurs et/ou de milieu social favorisŽs tirent le meilleur profit des annŽes de primaire et de la 1re annŽe de secondaire. On a constatŽ quĠen deux ans (5me/4me surtout), autant dĠinŽgalitŽs Ç socio/scolaires È se crŽent que pendant TOUTE la scolaritŽ primaire.

 

  • Des stratŽgies familiales qui dŽmultiplient les inŽgalitŽs de rŽussite

 

A partir du secondaire sĠajoutent les possibilitŽs de choix dĠoptions ou dĠorientation. Les enfants des milieux populaires visent Ç forcŽment È moins haut que leurs camarades de milieux favorisŽs, y compris ˆ niveau scolaire Žgal. Ils se rallient aux conseils, souvent plus prudents, de leurs enseignants. En fait, ils sĠ Ç auto sŽlectionnent È. Au total, il est aujourdĠhui dŽmontrŽ que les inŽgalitŽs sociales de carrire scolaire sĠexpliquent pour une part Žquivalente :

 

-       par les inŽgalitŽs de rŽussite acadŽmique

-       par les inŽgalitŽs de choix scolaires et dĠorientation

 

Les familles se mobilisent par rapport ˆ lĠŽcole. Les objectifs poursuivis dŽpassent la scolaritŽ immŽdiate pour inclure une visŽe dĠinsertion sociale. Il faut donner ˆ son enfant ce que les autres nĠont pas afin de le placer au mieux dans la compŽtition scolaire. Donc non seulement, comme nous lĠavons vu auparavant, les inŽgalitŽs sociales sĠinvitent ds le CP mais encore elles interviennent dans la capacitŽ inŽgale des familles ˆ faire prŽvaloir leur stratŽgie dĠoptimisation dans la carrire scolaire de leur enfant.

 

  • Le contexte scolaire fait des diffŽrences

 

Mais la rŽussite acadŽmique et le dŽroulement de la carrire scolaire prennent place dans un contexte, un systme, un Žtablissement, une classe. Or la qualitŽ de ce contexte est variable : on progresse mieux avec certains ma”tres, ou dans certains Žtablissements, ou encore dans certains systmes scolaires. Ceci est particulirement visible et valable pour les Žlves les plus en difficultŽs (souvent aussi de milieux dŽfavorisŽs). AmŽliorer lĠefficacitŽ de lĠŽcole, ds lors que ce sont les moins favorisŽs qui sont les plus sensibles ˆ son influence, est donc une manire de rŽduire les inŽgalitŽs entre Žlves et aussi les inŽgalitŽs sociales.

 

On sait aussi que face ˆ des publics identiques, certains Žtablissements ou certains ma”tres sĠavrent plus efficaces que dĠautres et on constate aussi quĠen moyenne, les Žlves de milieux populaires frŽquentent les contextes les moins efficaces, o se concentrent les enseignants les moins expŽrimentŽs, face ˆ un public Ç difficile È. LĠenseignant est alors tentŽ de sĠadapter en abaissant le seuil de ses exigences. (Voir A Van Zanten, LĠ Ecole de la PŽriphŽrie, PUF 2001). De fait, on progresse Žvidemment moins dans ces Žtablissements. Les consŽquences sont doubles :

 

-       les familles les mieux informŽes peroivent ces inŽgalitŽs entre contexte et vont rechercher pour leurs enfants les contextes les plus efficaces

-       une part de lĠavantage dont bŽnŽficient les enfants de milieu favorisŽ ne sĠexplique pas par des facteurs individuels mais par le fait quĠils frŽquentent des contextes scolaires plus propices ˆ la rŽussite.

 

Enfin, le fonctionnement mme des classes fabrique et reproduit certaines inŽgalitŽs sociales (Voir F Dubet et M Duru-Bellat, QuĠest ce quĠune Ecole juste ? Revue Franaise de PŽdagogie, NumŽro 246, p 105 ˆ 115, 2004). LĠenseignant est un acteur social comme les autres. Il aborde les Žlves avec des reprŽsentations sociales qui lĠincitent ˆ tre plus ambitieux avec les Žlves appartenant ˆ des milieux o la rŽussite scolaire appara”t comme une Žvidence. Quant ˆ lĠinstitution Ç Ecole È, elle fonctionne comme une microsociŽtŽ, sans Žchapper aux reprŽsentations qui sous-tendent et entretiennent les rapports sociaux. Mais la portŽe de ce qui sĠy passe :

 

-       est limitŽe en amont car elle reoit des Žlves de fait inŽgaux

-       est limitŽe en aval parce quĠelle est instrumentalisŽe par des acteurs qui lĠutilisent au mieux de leurs intŽrts, tout cela pour des fins qui la dŽpassent

 

  • Des politiques centrŽes sur les inŽgalitŽs entre familles

 

Les familles sont impliquŽes dans lĠŽducation de lĠenfant. Donc, tout un pan de la lutte contre les inŽgalitŽs sociales passe par une Ç formation È des parents. Ces programmes de formation existent dŽjˆ en Belgique et au Canada o ils ne sont pas dŽpourvus dĠeffets mais dont la lourdeur oblige ˆ des actions trs ciblŽes sur les familles en trs grandes difficultŽs, du mme coup stigmatisŽes. On peut leur prŽfŽrer le dŽveloppement de structures Žducatives de garde pour trs jeunes enfants (et parents) en difficultŽs, sans espŽrer pour autant sĠattaquer aux conditions matŽrielles de vie de ces familles, conditions matŽrielles qui affectent aussi la scolaritŽ des enfants.

 

La prioritŽ est de lutter directement contre les inŽgalitŽs sociales plut™t que de les attaquer indirectement par le biais de lĠŽcole. La Sude a rŽduit POLITIQUEMENT les inŽgalitŽs face au risque Žconomique par des politiques variŽes et de long terme. Faut il alors conclure que la rŽduction des inŽgalitŽs sociales ˆ lĠŽcole ne peut venir que de politiques sociales gŽnŽrales de lutte contre la pauvretŽ, de lĠemploi ou de la ville ? Les comparaisons historiques et internationales invitent ˆ des rŽponses plus nuancŽes.

 

  • Une voie pour dŽmocratiser : ouvrir le systme

 

De prime abord, la voie la plus efficace pour dŽmocratiser les carrires scolaires serait dĠouvrir lĠaccs ˆ lĠŽducation, de rŽduire la sŽlectivitŽ des cursus. En France, la dŽmocratisation est purement Ç mŽcanique È :

 

-       tous les Žlves entrent en 6me

-       pratiquement tous parviennent en 3me

-       les inŽgalitŽs sont moins fortes en ce qui concerne lĠobtention dĠun BaccalaurŽat

 

Ouvrir le systme dŽbouche donc sur une distribution moins inŽgalitaire de lĠŽducation et conduit plus de jeunes vers plus de savoirs.

 

Mais lĠŽducation sert aussi ˆ se classer par rapport aux Ç concurrents È. Et au fur et ˆ mesure que les scolaritŽs sĠallongent, les Žcarts sociaux se dŽplacent plus avant en prenant par exemple la forme de lĠaccs ˆ telle ou telle filire ; cĠest la Ç dŽmocratisation sŽgrŽgative È (Voir P Merle, La DŽmocratisation de lĠenseignement, Paris, La DŽcouverte, 2002). En outre, si lĠexpansion des systmes Žducatifs ne sĠaccompagne pas dĠun dŽplacement vers le haut de la pyramide des emplois, ce qui est donnŽ dĠun cotŽ (accs plus ouvert ˆ lĠŽducation) se paie de lĠautre par une moindre valeur des dipl™mes.

 

LĠexamen des politiques dĠouverture montre donc bien quĠil nĠest pas aisŽ, par cette voie, de rŽduire les inŽgalitŽs. Celles-ci peuvent Žvoluer sans que lĠŽcole se mobilise. Dans les annŽes 60/70 par exemple, les filles ont rattrapŽ leur retard de scolarisation sur les garons parce que le marchŽ du travail offrait aux femmes (instruites) de rŽelles opportunitŽs alors quĠaucune politique scolaire spŽcifique nĠŽtait mise en place ˆ ce sujet. Mais rŽciproquement, lĠEcole peut mettre en place des politiques que les stratŽgies des acteurs vont mettre en Žchec. Est-ce ˆ dire quĠil nĠ y a rien ˆ attendre de rŽformes visant le cÏur du fonctionnement de lĠŽcole ?

 

  • DiffŽrencier et rŽguler le systme, uniformiser la qualitŽ de lĠoffre

 

La rŽponse est Žvidemment et heureusement nŽgative. On peut agir sur certaines caractŽristiques. Dans les pays de lĠOCDE, lĠampleur des inŽgalitŽs sociales est dĠautant plus forte quĠon passe des systmes entirement indiffŽrenciŽs (pays scandinaves ou asiatiques) aux pays ayant conservŽ des filires distinctes ds 11, voire 10, ans (Allemagne ; Luxembourg). Des politiques dĠallongement du tronc commun ou le dŽveloppement des passerelles entre filires sont susceptibles dĠattŽnuer les inŽgalitŽs sociales.

 

On sait aussi aujourdĠhui quĠune part importante de lĠavantage des jeunes de milieu favorisŽ passe par lĠaccs ˆ des Žtablissements de meilleur qualitŽ. Une politique visant ˆ rŽduire les inŽgalitŽs sociales doit Žtablir une Žgalisation de la qualitŽ de lĠoffre pŽdagogique et des ressources entre Žtablissements ainsi quĠune uniformisation de leur public via une plus grande mixitŽ sociale. Ceci requiert une discrimination positive rigoureuse pour que les inŽgalitŽs scolaires ne viennent pas redoubler les inŽgalitŽs sociales.

 

CĠest nŽanmoins DANS LES CLASSES que se jouent les acquisitions des Žlves. Il est nŽcessaire de laisser lĠinitiative au terrain A CONDITION, via des programmes nationaux et des Žvaluations standardisŽes, de se prŽmunir des dŽrives de lĠadaptation aux Žlves. Ceci est dĠautant plus Žvident quĠaucune Žtude ne dŽsigne aucune mŽthode comme dotŽe dĠune efficacitŽ pŽdagogique intrinsque. Il FAUT aller vers une attitude plus expŽrimentale o enseignants ET chercheurs concevront et Žvalueront les effets prŽcis de tel dispositif sur tel public. Car contrairement aux MENSONGES des pamphlŽtaires actuels, JAMAIS la recherche pŽdagogique nĠa trouvŽ toute sa place dans lĠEcole et nĠa donc pu exercer la moindre influence.

 

Etudions Žgalement de trs prs le mode de groupement des Žlves et la mixitŽ sociale dans les Žtablissements. Les familles aisŽes, dont les enfants sont en gŽnŽral de bons Žlves, ont tout intŽrt ˆ tre Ç entre elles È dans des Žcoles o le climat est propice aux Žtudes. Mais lĠexistence de ces Žcoles produit inŽvitablement des Žcoles et/ou des classes ˆ la tonalitŽ opposŽe. Or lĠhŽtŽrogŽnŽitŽ rŽduit extrmement peu le niveau de lĠŽlite en augmentant bien plus le niveau des plus faibles. LĠEtat devra trancher ces conflits dĠintŽrt en fonction de lĠ INTERET GENERAL, qui maximise les acquis moyens dĠune classe dĠage.

Il ne sera pas aisŽ, hŽlas, de convaincre les familles des enfants qui y perdront si peu que ce soitÉ

 

La question de la rŽduction des inŽgalitŽs socio-scolaires est fondamentalement POLITIQUE. Mais cela nĠassigne pas ˆ lĠimpuissance les acteurs qui font vivre lĠŽcole. A eux dĠaccepter lĠouverture, lĠauto critique, la modestie parfois

 

2-    La lutte contre la violence ˆ lĠEcole : sommes nous condamnŽs ˆ la dŽmagogie ? DĠaprs les recherches dĠEric Debarbieux (Professeur, Directeur de lĠObservatoire International de la violence scolaire, UniversitŽ Victor-Segalen Bordeaux II)

 

La violence ˆ lĠŽcole est depuis les annŽes 90 en France un sujet politique. En parler sereinement est difficile et le sujet attire les diatribes antipŽdagogiques les plus fumeuses. LĠŽcole est soit une forteresse assiŽgŽe par les sauvages du quartier, soit le jouet des enseignants Ç soixante-huitards È et dĠun supposŽ laxisme tenant lieu dĠexplication universelle. Pourtant un savoir positif sĠest construit en France et ˆ lĠŽtranger ˆ propos de Ç ce qui marche È et de Ç ce qui ne marche pas È.

 

  • Contre quelle violence lutter ?

 

Commenons par tre sŽrieux : ce qui a retenu lĠattention en France (et dans le monde) par lĠintermŽdiaire des mŽdias, ce sont les meurtres de masse survenus dans des Žcoles amŽricaines, dont le tristement fameux Ç Massacre de Colombine È. On en conserve lĠidŽe que ces meurtres ont ŽtŽ commis par des jeunes. Or il convient de rappeler que la plupart dĠentre eux Žtaient le fait dĠadultes :

 

- PŽriode 1964-2004

- 15 faits criminels (dont 5 aux Etats-Unis)

- 177 morts

- 128 de ces 177 victimes (70%) ont ŽtŽ tuŽs par des adultes aux motivations trs diverses : terrorisme ; idŽologie sexiste ; dŽmence

- A cela sĠajoute le massacre survenu en Russie en 2004 et dont le bilan exact nĠa jamais ŽtŽ publiŽ. On parle de 250 enfants tuŽs par des terroristes lors dĠun assaut des forces de lĠordre russes.

 

Cette violence extrme est heureusement marginale. En revanche, que ce soit en France, en Angleterre, en Australie ou au Canada, toutes les recherches considrent que la violence ˆ lĠŽcole est constituŽe de faits tŽnus, mais rŽpŽtitifs et nerveusement usants, du genre Ç incivilitŽs È, Ç harclements È ou Ç micro-violences È. (Denise Gottfredson, une des meilleures spŽcialistes mondiales du problme, affirme aprs enqutes que le vŽritable problme tient ˆ la haute frŽquence des Ç victimisations mineures È ou Ç incivilitŽs/indignities en anglais). Nous sommes trs souvent ˆ la marge du dŽlit plus que dans la dŽlinquance ouverte.

 

  • DĠo vient la violence ?

 

Le simplisme des analyses sur les causes de la violence ˆ lĠŽcole serait dĠun comique involontaire sĠil nĠŽtait souvent ˆ vomir. Deux exemples :

 

-       Ç La violence ˆ lĠŽcole a une cause : la dŽcadence pŽdagogique liŽe au laxisme spontanŽiste des pŽdagogies nouvelles mais aussi des parents, ces parents qui furent Žlves en mai 68 et Ç salis È par sa luxure dŽbridŽe sĠopposant ˆ lĠascŽtisme nŽcessaire ˆ la transmission des savoirs, causant une dŽfaite de la pensŽe È. Risible !

-        La mŽtaphore de lĠŽcole assiŽgŽe : la violence DANS lĠŽcole est rabattue sur la violence urbaine, violence dĠintrusion, ce qui appelle une stratŽgie dĠenfermement de lĠŽcole dans ses murs afin de la protŽger des Ç sauvageons È de quartiers. Affligeant !

 

Le problme est que cĠest beaucoup moins simpliste que cela. La violence dĠintrusion reprŽsente 2,84% (Chiffre Ministre Education Nationale) de la totalitŽ des faits recensŽs. (Allons jusquĠˆ 5% si lĠon ajoute les faits avŽrŽs mais non dŽclarŽs). La violence ˆ lĠŽcole est spŽcifique ˆ ce lieu, elle nĠest pas assimilable ˆ une simple violence urbaine. Les rŽsultats de toutes les Žtudes ˆ ce sujet sont trs clairs :

 

-       aucun facteur pris isolŽment nĠest ˆ lui seul explicatif

-       la Ç violence È juvŽnile nĠest pas le rŽsultat dĠun processus biologique ni dĠun processus de socialisation, fut il familial

 

(Voir L Fortin et M Bigras, Les facteurs de risque et les programmes de prŽvention auprs dĠenfants en troubles de comportement, QuŽbec, Behaviora Eastman 1996)

 

En fait, cĠest la combinaison de certains facteurs de risques qui peut expliquer ce que lĠon appelle la Ç violence juvŽnile È. LĠŽtude la plus sŽrieuse ˆ ce sujet est sans contestation The Cambridge Study in Delinquent Development, Farrington 1997. Celle ci dŽmontre que le pourcentage des jeunes mis en cause pour crime violent passe de 3% de jeunes sans facteurs de risques ˆ 31% de ceux qui combinent les quatre facteurs de risque suivants :

 

-       Bas statut social de la famille

-       Famille nombreuse

-       Faible coefficient intellectuel

-       Socialisation familiale dŽfectueuse

 

La recherche a Žgalement dŽmontrŽ clairement que les rŽsultats Žtaient diffŽrents suivant les Žcoles et le Ç climat scolaire È. (E Debarbieux, La violence en milieu scolaire-1, Paris, ESF 1996). La pŽdagogie pratiquŽe (style coopŽratif) et le style de gestion de la Direction (participatif) sont des facteurs de protection bien identifiŽs.

 

Enfin la recherche la plus impressionnante est celle de Christine Eith, professeur ˆ lĠUniversitŽ du Delaware (USA). Son Žchantillon de travail Žtait de 7203 Žlves, ce qui est exceptionnel. Les rŽsultats de son Žtude sont trs clairs : lĠexistence des classes de niveau (les Ç Ability Grouping È) est un facteur majeur de risques, deux fois plus explicatif que la monoparentalitŽ par exemple. La sŽgrŽgation scolaire est LE danger rŽel.

 

  • Ce qui  ne marche pas et ce qui marche

 

Ce qui ne marche pas, cĠest le traitement Ç extŽrieur È de la violence scolaire :

 

-       La protection matŽrielle des sites scolaires peut tre nŽcessaire lorsque les problmes dĠintrusion deviennent importants, lorsque toutes les autres solutions ont ŽchouŽ. Mais elle ne traitera jamais en profondeur le problme. Pire mme : elle crŽera un Ç effet cible È sur lĠŽcole Ç protŽgŽe È conue alors comme une ennemie avec pour corollaire les violences anti-scolaires : dŽgradations, agressions contre les biens du personnel, agressions physiquesÉ

-       La simple prŽsence de la Police ne suffit Žvidemment pas surtout lorsquĠil sĠagit de fouilles de cartables et autres mesures aussi spectaculaires quĠinefficaces. Quant aux apports de la technologie de surveillance (camŽras), pourquoi pas mais elles ne constituent pas la panacŽe

 

Deux Žtudes, amŽricaines (USA), ont montrŽ ce qui marchait et ce qui ne marchait pas en terme de lutte contre la violence scolaire. Ces Žtudes ont pour avantage de porter sur un trs grand nombre de cas :

 

-       Travail compilŽ et traitement de 221 Žtudes prŽcŽdentes : les programmes dŽveloppŽs ont montrŽ que sur les 15% des Žlves engagŽs dans une bagarre, 8% ne rŽcidivaient jamais aprs application dĠ un des programmes ci aprs

-       Une autre Žtude, compilŽ aprs examen minutieux de 83 Žtudes a prŽcisŽ lĠ efficacitŽ des programmes ci aprs :

 

Interventions centrŽes sur lĠenvironnement :

 

Interventions sur lĠŽcole et la gestion de la discipline : Fonctionne dans tous les cas suivants : Crime/Abus de substances/Comportement agressif/DŽcrochage et absentŽisme

 

Interventions pour Žtablir des normes ou des attentes : IDEM

 

Gestion de la classe : Fonctionne en cas de crime/Abus de substance/DŽcrochage et absentŽisme

 

RŽorganisation des classes : Fonctionne en cas de Comportement agressif/DŽcrochage et absentŽisme

 

 

Interventions centrŽes sur les individus :

 

Entra”nement au self-control utilisant des mŽthodes cognitivo-comportementales : Fonctionne dans tous les cas

 

Entra”nement au self control ou ˆ la compŽtence sociale sans mŽthodes cognitivo-comportementales : Ne fonctionne pas

 

Interventions cognitivo-comportementales pour modification du comportement : Fonctionne dans les cas de Comportement agressif/DŽcrochage et absentŽisme

 

Conseils, dialogues, travail social et autres interventions thŽrapeutiques : Ne fonctionne pas

 

Tutorat et soutien scolaire : Fonctionne en cas de Comportement agressif/DŽcrochage et absentŽisme

 

Service communautaire et activitŽs de loisir : Ne fonctionne pas ; prometteur en cas de dŽcrochage et absentŽisme

 

Denise C. Gottfredson, immense chercheuse amŽricaine reconnue partout pour la qualitŽ de ses travaux, affirme :

 

Ç Les Žcoles dans laquelle le corps enseignant et lĠadministration communiquent et travaillent ensemble pour planifier le changement et rŽsoudre les problmes ont des enseignants avec un meilleur moral et p‰tissent de moins de dŽsordre. (É)

 

Les Žcoles dans lesquelles les Žlves peroivent des rgles claires, des actions valorisantes et des sanctions sans ambigu•tŽs bŽnŽficient Žgalement de moins dĠindisciplines. 

 

Les Žcoles gouvernŽes par un systme de valeurs partagŽes et dĠattentes quant au comportement, dans lesquelles des interactions sociales profondes sĠŽtablissent et dans lesquelles les Žlves dŽveloppent un fort sentiment dĠappartenance, ont lĠimpression que les adultes se soucient dĠeux, bŽnŽficient Žgalement de moins de dŽsordre. È (Voir Gottfredson, P 71, in Sherman et Al., Evidence-based Crime Prevention, London and New York Routledge 2002)

 

HŽlas lĠopinion franaise et les responsables politiques doutent encore trop de lĠefficacitŽ des programmes de prŽvention. Pourtant TOUTES les recherches et leurs APPLICATIONS sur le terrain ont dŽmontrŽ et dŽmontrent leur force. Elles sont fondŽes sur lĠencouragement et non sur la rŽpression, ce qui ne signifie en aucun cas le laxisme. Les stratŽgies purement behavioristes (style Ç camp de redressement È) nĠont aucun effet. En revanche, dans les cas les plus Ç lourds È, un encadrement strict (militaire ou autre, lˆ nĠest pas le problme) ACCOMPAGNE dĠun travail Žducatif et culturel avec projet porte TOUJOURS des fruits.

 

  • Des mutations nŽcessaires

 

Il serait bon que les Politiques offrent les moyens aux chercheurs ET aux enseignants, ainsi quĠaux institutions associŽes, pour que ces programmes ne soient plus seulement des expŽriences ou des Ç objets È de recherches universitaires. Citons Egide Royer lors de la premire confŽrence mondiale sur la violence ˆ lĠŽcole (Voir citation dans E Debarbieux et C Blaya, Violences ˆ lĠŽcole et Politiques publiques, Paris, ESF 2001)

 

Ç Nous savons ŽnormŽment de choses sur la violence ˆ lĠŽcole et sur les conditions dĠefficacitŽ  des programmes, mais la redescente de ces informations sur le terrain nĠa pas suivi la montŽe du problme. CĠest dĠabord une question de formation des enseignants, mais sans doute aussi de socialisation professionnelle. Il ne sĠagit pas de trouver des programmes efficacesÉmais de les accepter. ÈÉpuis de les appliquer ! (Note de lĠauteur)

 

Ces problmes de comportement et la recherche de leurs solutions ne doivent pas tre considŽrŽs comme une charge supplŽmentaire au travail des enseignants mais comme une partie intŽgrante de celui-ci. Ceci implique des changements de perspectives dans la dŽfinition des charges dĠenseignement, dans la formation des enseignants, dans lĠaide aux enseignants, dans lĠŽvaluation des enseignants. Une telle redŽfinition de la politique de la formation se heurte souvent :

 

-       ˆ lĠirresponsabilitŽ des Žlus/dŽcideurs

-       aux syndicats

-       ˆ une partie des enseignants eux-mmes

-       aux anti pŽdagogistes

 

La simple existence dĠune formation des enseignants du secondaire hors de la discipline qui les dŽfinit (Franais/Maths/Langues/Etc.) est sans cesse remise en cause. En fait, dans la plupart des lieux de formation des enseignants, on apprend surtout ˆ ne pas travailler en Žquipe et ˆ ne pas prendre au sŽrieux la pŽdagogie. Le combat contre la violence ˆ lĠŽcole est aussi un combat politique, un combat contre la dŽmagogie.

 

 

3-    Quand les parents choisissent lĠEcole. DĠaprs les recherches de Christian Maroy, Professeur, GIRSEF (Groupe inter facultaire de recherche sur les systmes dĠŽducation et de formation), UniversitŽ de Louvain, Belgique

 

Rappelons tout dĠabord que la France a adoptŽ une Ç carte scolaire È, c'est-ˆ-dire que le lieu de rŽsidence de lĠŽlve dŽfinit lĠŽcole publique dans laquelle il va tre scolarisŽ. En Belgique, le choix est laissŽ aux parents ET aux Žtablissements. Mais depuis une dŽcennie, les politiques Žducatives de nombreux pays Žvoluent :

 

-       Australie ; Angleterre ; Nouvelle ZŽlande : des logiques de Ç quasi marchŽs È se substituent ˆ lĠencadrement de lĠEtat

-       France ; Portugal ; Finlande ; Sude : Assouplissement des politiques de Ç zonages È ou de Ç sectorisations È.

 

Des auteurs et politiciens nŽo libŽraux ont donc promu un rŽgime de Ç quasi marchŽs È qui combine le libre choix avec davantage dĠautonomie des Žtablissements scolaires et un financement public liŽ au nombre dĠŽlves. Les effets positifs supposŽs de ce Ç marchŽ scolaire È sont largement discutŽs aujourdĠhui :

 

-       Tous les Ç consommateurs dĠŽcole È sont loin dĠtre Žgaux

-       Le libre choix favorise principalement les classes moyennes

-       Ce systme substitue ˆ la valorisation dĠune Žducation humaniste et Žgalitaire la promotion de la rationalitŽ instrumentale et de la compŽtition.

-       Le Ç marchŽ È accentue la sŽgrŽgation scolaire et la hiŽrarchisation des Žcoles

 

  • Les controverses sur les effets du libre choix

 

La promotion du libre choix comme facteur dĠamŽlioration du systme scolaire a particulirement ŽtŽ dŽfendue par Chubb et Moe ds 1980 (Repris dans Education, Culture Economy, Society Oxford University Press 1997). Leur argumentation se rŽsume en trois points

 

-       Il faut changer le systme institutionnel de Ç contr™le È des Žcoles pour promouvoir des pratiques favorables ˆ lĠefficacitŽ

-       Si les Žcoles (amŽricaines) sont de qualitŽ Ç moyenne È, cĠest en raison dĠun systme de rŽgulation fondŽ sur un contr™le politique et bureaucratique qui limite leur autonomie. Il en rŽsulterait u manque de cohŽrence dans les buts ˆ atteindre, un faible leadership des directions

-       A lĠopposŽ, le systme fondŽ sur le marchŽ favoriserait lĠŽmergence de caractŽristiques pŽdagogiques favorables ˆ lĠefficacitŽ scolaire. Dans un tel systme, les Žcoles disposeraient dĠune autonomie tout en Žtant indirectement contr™lŽes par la sociŽtŽ via le marchŽ.

 

Chubb et Moe appuient leur thŽorie sur une comparaison Ecoles Publiques/Ecoles PrivŽes (aux Etats-Unis). Les meilleurs rŽsultats de ces dernires seraient liŽs ˆ une autonomie plus grande, un moindre contr™le politique, une rŽgulation du marchŽ.

 

 Les effets positifs de la mise en place dĠun systme de marchŽ vont tre trs largement controversŽs au fur et ˆ mesure que les politiques publiques les dŽvelopperont fin 1980, surtout dans les pays anglo-saxons comme lĠAngleterre (1998), la Nouvelle-ZŽlande (1991) et lĠAustralie.

 

  • Des choix de classe

 

La premire critique du systme de Ç marchŽ È porte sur le choix de lĠŽcole : seules certaines familles sont en mesure dĠexercer ce choix. Celui-ci est trs largement sous-tendu par les conditions matŽrielles et culturelles dans lesquelles vivent les familles. On distingue deux groupes :

 

-       Les parents issus des classes populaires, impliquŽs dans un Žcheveau de contraintes matŽrielles et culturelles (Travail/Distance perue de lĠŽcole/Organisation familiale) qui aboutissent ˆ des Ç choix È locaux

-       Les parents des classes moyennes, plus libŽrŽes de ces contraintes, sĠengagent dans le marchŽ scolaire de manire stratŽgique, prenant en compte un horizon plus long  et davantage de considŽrations Žducatives.

 

La promotion du Ç marchŽ È en matire scolaire est bien une politique de classe.

 

(Voir les recherches dĠAgns Van Zanten ˆ ce sujet et S Gewirtz, J Ball et R Bowe, Markets, Choice and Equity in Education, Buckingham and Philadelphia, Open University Press 1995)

 

La seconde critique montre que les politiques favorisant le Ç marchŽ scolaire È affectent les valeurs et les conceptions Žducatives des professionnels de lĠenseignement. Au sujet des chefs dĠŽtablissement, les Etats-Unis ont parfaitement identifiŽ et ŽtudiŽ les manires de fonctionner des Ç Welfarist headmaster È et des Ç managers È.

 

-       Le Ç Welfarist È est le Fonctionnaire de lĠEtat, mž par la recherche de lĠintŽrt gŽnŽral, une logique de dŽcision imprŽgnŽe de valeurs professionnelles Ç humanistes È (EgalitŽ des chances, EquitŽ, Ç Care È), le respect des relations collectives de travail et des organisations syndicales, la coopŽration (participative) des enseignants et le fait dĠavoir ŽtŽ socialisŽ aux valeurs spŽcifiques du champ de lĠŽducation

-       Le Ç Manager È est orientŽ par la Ç satisfaction du client È. Leurs dŽcisions sont prises en fonction dĠune recherche dĠefficacitŽ. Ils valorisent les relations professionnelles individuelles et les techniques de gestion de ressources humaines. Ils sont plut™t directifs (relativement sourds au dialogue). Enfin ils valorisent la compŽtition  et ont ŽtŽ socialisŽs aux valeurs du Ç management È plut™t quĠˆ celles du champ scolaire. Dans TOUS les cas ŽtudiŽs par S. Gewirtz aux USA, la montŽe de la logique marchande et Ç managerielle È est sensible trs rapidement aprs lĠouverture de ces Žcoles. Enfin, les prŽoccupations professionnelles des enseignants dans ces Žtablissements entrent trs vite en conflit (larvŽ et/ou ouvert) avec les attentes de Ç performativitŽ È promues par les politiques scolaires nŽo-libŽrales. (Voir S.J. Ball, Journal of Education Policy, 2003)

 

La troisime critique concerne lĠaggravation des risques de sŽgrŽgation scolaire. V Vandenberghe (Reflets et Perspectives de la Vie Žconomique, 1998) a dŽmontrŽ (pour la Belgique) que plus la diversitŽ de lĠoffre scolaire est importante, plus le choix accentue la sŽgrŽgation.

 

En fait, en Belgique, en Angleterre, aux Etats-Unis, lĠintroduction de politiques de Ç financement ˆ lĠŽlve È (Open enrolment) ou la publication (pour utilisation) dĠindicateurs de performance standardisŽs produisent des effets nŽgatifs et une spirale du dŽclin pour les Žcoles peu favorisŽes socialement et scolairement. Ces dernires perdent peu ˆ peu leurs Žlves les Ç meilleurs È, puis toute crŽdibilitŽ. A lĠinverse les Žcoles Ç favorisŽes È le sont de plus en plus, jusquĠˆ filtrer leur clientle sur le plan ethnique. (Voir la trs probante Žtude de Lauder et Hugues, Trading in Futures. Why Markets in Education DonĠt Work, Buckingham and Philadelphia, Open University Press, 1999. Celle-ci parvient aux conclusions suivantes :

 

-       Le choix dĠaller hors de sa zone est plus frŽquent parmi les catŽgories les plus aisŽes de cette zone

-       La sŽgrŽgation sociale entre Žcoles sĠest accentuŽe plus que ne le laissait prŽvoir la sŽgrŽgation rŽsidentielle.)

 

CĠest la Belgique qui a le plus progressŽ sur ce sujet. Les Ç politiques È travaillent sur la notion de Ç bassin scolaire È dans lesquels diffŽrents Ç rŽseaux dĠenseignement È publics et privŽs sĠaccorderaient sur diverses normes institutionnelles de fonctionnement (en matire dĠinscription ou dĠoffre scolaire) pour lutter contre la sŽgrŽgation et en faveur de lĠŽgalitŽ et de lĠefficacitŽ scolaire. Une instance inter rŽseaux de bassin scolaire dŽciderait de lĠŽcole ˆ laquelle lĠŽlve serait affectŽ,  en fonction des prŽfŽrences des parents, des places

disponibles et des critres communŽment reconnus et acceptŽs par tous les rŽseaux si lĠŽcole est Ç sur-demandŽe È.

 

 

4- Comment les enseignants et les Žlves font-ils pour vivre ensemble ? DĠaprs les recherches dĠAnne Barrre, Professeur, PROFEOR (Interactions professions, Žducation et orientation), UniversitŽ Lille III

 

La relation Professeur/Elve est CENTRALE dans la vie quotidienne de lĠinstitution scolaire. (Rappelons quĠun enfant scolarisŽ passe plus de temps par jour avec ses professeurs quĠavec ses parents.) :

 

-       Pour lĠŽlve, tre bien traitŽ et bien considŽrŽ par lĠenseignant est une composante majeure de lĠexpŽrience scolaire ; en mme temps, Žprouver lĠindiffŽrence ou le mŽpris enseignant est ˆ la fois banal et potentiellement redoutable.

-       Pour lĠenseignant, le contact avec les Žlves est dŽcrit  comme la plus grande difficultŽ ET comme une des plus grandes satisfactions du mŽtier.

 

Des travaux rŽcents ont mis en miroir les deux cotŽs de la relation pŽdagogique. (Voir Anne Barrre, Travailler ˆ lĠŽcole, Rennes, PUR, 2001). Cette recherche sĠest concentrŽe

 

- sur les transformations du cadre institutionnel des relations Professeur/Elve :

- sur lĠimportance que prennent le verdict scolaire et lĠŽvaluation

- sur les accords et tensions entre cultures scolaires et cultures juvŽniles.

 

 

  • A la recherche de la bonne distance

 

Les relations entre enseignants et Žlves dans lĠespace scolaire ne peuvent se comprendre que dans leur cadre institutionnel, affectŽ rŽcemment de deux grandes transformations :

 

-       la massification, en allongeant le temps moyen de formation initiale, conduit les Žlves ˆ frŽquenter les enseignants plus longtemps autour dĠenjeux importants, le classement scolaire ayant un poids dŽcisif dans les trajectoires ultŽrieures.

-       la remise en question dĠune distance et mme dĠune mŽfiance historiquement construites de lĠenfance et de lĠadolescence, dans lĠinstitution scolaire. Cette distance nĠa certes pas disparu mais sĠest affaiblie depuis les annŽes 1970 au fur et ˆ mesure que lĠŽcole Žtait considŽrŽe comme un Ç lieu de vie È et que lĠadolescent Žtait mis au centre du systme, comme lĠindique la Loi dĠorientation de 1989.

 

DĠune relation pŽdagogique dŽfinie par son impersonnalitŽ, structurŽe uniquement par le savoir et des normes de comportement bien plus que par lĠattention ˆ lĠenfant, on est passŽ ˆ la  volontŽ de voir lĠŽlve sĠŽpanouir et/ou sĠexprimer ˆ lĠŽcole tout autant que de le voir apprendre et obŽir. Pour enseigner :

 

-       il faut comprendre, motiver, encourager et sanctionner lĠŽlve/LĠenseignant doit LUI AUSSI se faire comprendre de lĠŽlve

-       il faut conna”tre des ŽlŽments de sa vie en dehors de lĠŽcole

-       il faut rompre avec le cours magistral et encourager la participation et lĠactivitŽ des Žlves dans la classe, en particulier les inciter ˆ pratiquer lĠ Ç Žcriture rŽflŽchie È pour rompre le spontanŽisme des SMS ou des Ç blogs È 

 

Elves et enseignants se dŽfient moins quĠauparavant des affinitŽs ou de lĠaffectivitŽ. Dans ses MŽmoires, Simone de Beauvoir raconte comment, enseignante en lycŽe, elle avait adressŽ un petit geste dĠamitiŽ ˆ un Žlve, geste qui lui Žtait apparu totalement transgressif ! AujourdĠhui, le cadre de cette relation Enseignants/EnseignŽs sĠŽlargit ˆ lĠoccasion de voyages, de projets interdisciplinaires, de rencontres. CĠest lˆ un but Žducatif ˆ part entire dans les Žtablissements dont la communautŽ doit tre chaleureuse et Ç civique È. (Voir JL Derouet, Ecole et Justice, MŽtaillŽ 1992). Pourtant ce mouvement est moins fort en France quĠailleurs en Europe, notamment au Danemark et en Angleterre.

 

NŽanmoins les diffŽrentes Žtudes menŽes en France, par P. Rayou par exemple (La CitŽ des LycŽens, LĠHarmattan, Paris 1999), notent une rŽticence des Žlves ˆ entrer trop personnellement dans le jeu scolaire, y compris dans la relation avec les adultes, sans doute  pour prŽserver son quant-ˆ-soi juvŽnile mais aussi, tout simplement, pour Žloigner du regard des adultes leurs amours, leurs amitiŽs, leur manire de sĠhabillerÉ

Quant aux enseignants, ils sĠinterrogent sur leur identitŽ professionnelle quĠils dŽfinissent :

 

-       par opposition aux risque dĠtre transformŽs en Ç travailleurs sociaux È dans le cadre dĠune relation trop dŽgagŽe des apprentissages

-       par esprit de protection face ˆ une trop grande affectivitŽ relationnelle qui entrerait en tension avec les exigences de justice scolaire

 

Mais pour la majoritŽ des enseignants, il faut le dire, le cours satisfaisant est avant tout celui o les relations ont ŽtŽ paisibles et coopŽratives, au-delˆ mme des rŽsultats probables.

 

 

  • La relation pŽdagogique ˆ lĠŽpreuve du verdict scolaire

 

 

Il est entendu que la relation Enseignants/EnseignŽs est conditionnŽe par la rŽussite scolaire des Žlves. Les Ç mauvais Žlves È manifestent une agressivitŽ impuissante ˆ lĠencontre des professeurs qui nĠest en fait quĠune contestation impuissante de leur place scolaire, que cette contestation provienne de la mauvaise rŽputation de lĠŽtablissement ou du rang quĠils y occupent. De la contestation ˆ la violence, il nĠ y a quĠun pas comme le dŽmontrent de nombreuses recherches : la problŽmatique de lĠŽchec (au sens large) et celle de la violence (au sens large) sont intimement liŽes. Mme les phŽnomnes ŽloignŽs des enjeux scolaires, comme le racket, sont plus frŽquents dans les classes de niveau et, Žvidemment, dans les classes du niveau le plus Ç bas È.

 

LĠŽvaluation scolaire est donc porteuse de tensions potentielles. Ce qui ne signifie en aucun cas quĠil faille la supprimer mais, lĠ aborder autrement, lĠ utiliser autrement, lĠ expliquer et la justifier seraient certainement une Çvaleur ajoutŽe È, aussi bien pour les Ç bons È que pour les Ç mauvais È Žlves dĠailleurs. Au lieu de a, le Ç rabaissement scolaire È est encore trop souvent utilisŽ :

 

-       passage au tableau vŽcu par le couple Prof/Elve comme un moment de punition, punition dĠautant plus humiliante pour lĠŽlve quĠil la vit devant ses pairs.

-       utilisation de sobriquets divers

-       rendu de copies classŽes en ordre dŽcroissant avec commentaires ˆ caractre vexatoire (Grand Ç classique È)

-       apprŽciations humiliantes dans les bulletins

-       confusions des registres entre jugement sur le travail et jugement sur la personne.

 

(Voir lĠexcellent ouvrage de P Merle, LĠŽlve humiliŽ. LĠŽcole, un espace de non-droit ? Paris, PUF 2005)

 

Le jugement scolaire est porteur dĠenjeux relationnels dĠautant plus dŽlicats quĠil est dŽniŽ :

 

-       par lĠŽlve dĠabord, qui fait semblant dĠy tre indiffŽrent ou en rajoute dans lĠostentation de la Ç nullitŽ È scolaire, mme si cette mise en scne cache quĠil se sent trs responsable de ses rŽsultats scolaires.

-       par lĠenseignant ensuite qui trouve lĠŽlve trop consommateur, trop Ç comptable È, calculant sa moyenne ˆ la dŽcimale prs, laissant de cotŽ des matires peu Ç rentables È au brevet ou au BAC. (Mais les Žlves nĠont-ils pas ŽtŽ initiŽs en amont depuis la 6me, parfois avant, ˆ ces Ç savants È calculs ?).

-       Et le malentendu est ˆ son comble lorsquĠon sĠaperoit que les Žlves trouvent eux aussi les enseignants trop Ç instrumentaux È, leur reprochant de ne les juger quĠau travers de leurs notes et leurs rŽsultats gŽnŽraux.

 

Donc en fait lĠŽlve en appelle au RESPECT MUTUEL, conu ˆ la fois comme un critre de justice et comme une manire de le reconna”tre dans sa diffŽrence et son authenticitŽ dĠadolescent. (Voir F Dubet, LĠEgalitŽ et le MŽrite dans lĠEcole DŽmocratique, AnnŽe sociologique 2000, NumŽro 50, Pages 383 ˆ 409). Lorsque cĠest le cas, mauvaises performances scolaires et bonnes relations peuvent co•ncider. LĠidŽal serait de placer sur le mme plan relations positives et exigences en termes dĠapprentissages.

 

  • Culture scolaire, culture juvŽnile

 

Pour vivre ensemble, enseignants et Žlves doivent gŽrer, dans les collges et lycŽes, lĠarrivŽe dĠune culture juvŽnile de plus en plus lŽgitime, en phase avec des technologies et des rŽfŽrences propres ˆ un univers mŽdiatique qui se dŽveloppent indŽpendamment de lĠunivers scolaire. (Voir ˆ ce sujet D Pasquier, Cultures lycŽennes, revue AUTREMENT, 2005).

 

LĠenfance est dĠabord crŽative et ludique ; lĠadolescence lĠest aussi, MAIS les aspects ǎnergŽtiques et transgressifs sĠy ajoutent. Les Ç jeux È de langage des adolescents, obscnes et/ou provocateurs, en particulier sur les thmes les plus dŽrangeants pour lĠinstitution (EthnicitŽ, sexualitŽ et racisme/antisŽmitisme) visent ˆ dŽranger les tabous adultes. Peu ˆ peu, ils deviennent un systme de communication avec ses codes, ses plaisanteries, ses fausses injures, ses automatismes langagiers.

 

Par ailleurs, le Ç groupe adolescent È est le troisime larron de la relation pŽdagogique. Selon quĠil est opposant ou adhŽrent ˆ lĠŽcole, il exclura, dans le premier cas le Ç collaborateur È, dans le second le Ç nul È.  Au milieu de tout cela , lĠenseignant, souvent critique des mŽdias, rŽtif ˆ lĠŽphŽmre des modes, soucieux dĠun langage normalisŽ jugent les Žlves incapables dĠopinion personnelle, c'est-ˆ-dire dans la dŽfinition lŽgitime de lĠinstitution, ŽclairŽe par des connaissances et des Ç bons È auteurs.

 

Pourtant certains professeurs nĠhŽsitent pas ˆ jouer de ces codes en feignant de sĠapproprier les codes juvŽniles pour rŽduire les distances et amener une classe ˆ sĠinvestir dans des conventions plus classiques. Ils parlent souvent de ce travail de motivation o il sĠagit dĠexploiter des ŽlŽments proches de la culture juvŽnile : films, textes de chansons par exemple. La chose nĠest pas facile car trs rapidement montrŽe du doigt par les collgues, dŽnoncŽe par les Ç traditionalistes È, caricaturŽe par les mŽdias. Or une pŽdagogie dŽmocratisante ne doit elle pas passer par lĠutilisation des supports quotidiens de la jeunesse pour les amener vers autre chose Žvidemment, pour dŽvelopper leur esprit critique, bref pour peu ˆ peu les inciter ˆ partager dĠautres supports dont ils sauront apprŽcier les qualitŽs et les dŽfauts ? Amener ses Žlves ˆ apprŽcier Villon, Hugo ou Aragon en passant par des textes de rap est il dŽvalorisant pour un professeur ? Evidement pas.

 

En rendant impraticables les Ç bonnes relations È, lĠenseignant doit alors faire face  une multiplication dĠincidents qui le coupent dĠune source importante de satisfaction et de motivation professionnelles en mme temps quĠelle hypothque le cÏur de la transmission pŽdagogique. Trois compŽtences relationnelles apparaissent aujourdĠhui fondamentales pour lĠenseignant :

 

-       la capacitŽ dĠinterprŽter les langages et codes de conduite des adolescents. (ce qui nĠempche nullement de les corriger)

-       le tact qui permet de comprendre le contexte exact du jugement scolaire que lĠon porte

 

 

5- Les quatre conditions pour la ma”trise dĠun socle commun par tous. DĠaprs les travaux de Claude ThŽlot, Conseiller ma”tre ˆ la Cour des Comptes, ancien PrŽsident de la Commission du dŽbat sur lĠavenir de lĠŽcole

 

Le travail de Claude ThŽlot et de son Žquipe Žtant bien connu, je me contenterai dĠen rappeler ici les grandes orientations. Il est souhaitable que les prŽconisations de cette Commission puissent tre approfondies pour une mise en place progressive, mais rapide.

 

LĠidŽe de socle commun nĠest pas nouvelle mais la Commission prŽsidŽe par Claude ThŽlot, ˆ la demande de Jean Pierre Raffarin, lĠavait mise au centre de ses prŽoccupations en insistant sur la nŽcessaire ma”trise par TOUS les Žlves dĠun Ç socle commun de connaissances, de compŽtences et des rgles de comportements indispensables È.  CĠŽtait et cela reste une noble et grande ambition

 

(La nouvelle Loi votŽe en 2005 par le Parlement franais dispose dans son article 9 de ce que le socle doit contenir).

 

Rappelons dĠabord les 8 programmes dĠactions dŽfinis dans le Ç rapport ThŽlot È pour permettre la rŽussite de tous les Žlves :

 

-       La scolaritŽ obligatoire : chaque Žlve devra ma”triser le socle commun des indispensables pour trouver la voie de sa rŽussite

-       Repenser la dŽfinition et lĠŽquilibre des voies de formation au lycŽe

-       Aider les Žlves ˆ construire un projet ŽclairŽ et le respecter le mieux possible.

-       Favoriser la mixitŽ sociale sur tout le territoire

-       Renforcer la capacitŽ dĠactions et la responsabilitŽ des Žtablissements scolaires

-       RedŽfinir le mŽtier dĠenseignant (Suivi des Žlves/Relations avec les parents/Travail en ŽquipesÉ)

-       Construire une Žducation concertŽe avec les parents

-       Former avec des partenaires (les communes ; les services mŽdicaux et sociaux ; les entreprises, les associations)

 

Quatre conditions sont absolument nŽcessaires ˆ la ma”trise du socle commun :

 

1-    DŽfinir un socle opŽrationnel : pour le moment, cette dŽfinition nĠexiste pas car le Ministre de lĠEducation Nationale semble craindre les rŽactions des reprŽsentants des matires qui nĠen feraient pas partie (sur la base dĠailleurs dĠun malentendu dramatiquement stupide et dommageable)

 

2-    Mettre en Ïuvre une personnalisation des apprentissages : Chaque Žlve devrait pouvoir progresser de faon diffŽrenciŽe, personnalisŽe. Or pour cela il faut revoir la formation des enseignants de manire profonde. Pour le moment, rien nĠest fait car non prŽvu par la Loi

 

 

3-    Diversifier fortement les moyens dĠenseignement au sein des Žcoles primaires et des collges : Il faut OFFICIELLEMENT reconna”tre que la rŽussite Žducative est diversement difficile ˆ atteindre selon lĠenvironnement des Žcoles et des collges. Il faut donc mettre en place une trs forte diversification qualitative et quantitative des moyens dĠenseignement.

 

 

4-    Etablir les conditions de passage dĠun cycle ˆ lĠautre : Seuls les Žlves ma”trisant les compŽtences et savoirs du socle commun intgreront le CYCLE suivant. Cette condition devra tre annoncŽe et rŽpŽtŽe ds les rentrŽes successives composant chaque cycle : Primaire/Secondaire (Collge/LycŽe). Ces avertissements ne seront efficaces quĠˆ la condition dĠtre accompagnŽs de diagnostics individuels permettant de passer trs rapidement aux remŽdiations nŽcessaires. Pour cela, il faudra former les enseignants et leur donner des moyens dĠactions.

 

 

Pour rappel : ces quatre conditions sont, soit trop timidement prŽsentes, soit totalement absentes de la Loi votŽe au printemps 2005. Le mot Ç rŽussite pour tous les Žlves È a bien ŽtŽ repris, MAIS la Ç chose È nĠexiste pas dans les faits sur le terrain. Pour le moment, lĠengagement de la Nation envers sa jeunesse nĠest pas tenu

 

 

5-    Quelle pŽdagogie pour les Žlves en difficultŽs scolaires ? DĠaprs les travaux de Marcel Crahay, Professeur, DŽveloppement, apprentissage et intervention en situations scolaires, UniversitŽ de Genve et UniversitŽ de Lige

 

La synthse de TOUTES les recherches, notamment amŽricaines (Etats-Unis) mais pas seulement, dŽmontrent que le redoublement a fait la preuve de sa totale inefficacitŽ. (Voir les travaux de Jackson, Review of Educational Research, 1975 et S.R. Jimmerson, Meta-analysis of grade retention for practice in the 21st century, School Psychology Review, 2001, NumŽro 30-3 pages 420 ˆ 437).

 

En France, il existe peu dĠŽtudes comparables. Signalons nŽanmoins deux enqutes trs dŽtaillŽes :

 

Suisse : G. Bless, P. Bonvin, M. SchŸpbach, Le redoublement scolaire : ses dŽterminants, son efficacitŽ, ses consŽquences, Berne Haupt, 2005

 

France : T. Troncin, Le redoublement : radiographie dĠune dŽcision ˆ la recherche de sa lŽgitimitŽ. Thse de Doctorat non publiŽe, UniversitŽ de Dijon, 2006

 

Toutes ces Žtudes parviennent aux mmes constats et conclusions : les Žlves faibles qui redoublent progressent moins que les Žlves faibles qui sont promus. Quant aux Žlves Ç prometteurs È qui redoublent pour Ç mieux rebondir È, le risque de dŽcrochage et les Žchecs sont majoritairement constatŽs.

 

Il est donc impŽratif de chercher dĠautres moyens dĠactions comme par exemple la composition et gestion des groupes ainsi que les dispositifs dĠindividualisation. Beaucoup dĠenseignants sont convaincus que le composition et la taille des classes constituent des dŽterminants de lĠefficacitŽ pŽdagogique. Celle-ci pourrait sĠaccro”tre, pensent-ils, face ˆ des classes homognes de faible effectif. Alors, composition des classes ? Effectif rŽduit ? Organisation de Ç groupes de besoin È ?

 

  • Classe homogne/Classe hŽtŽrogne

 

LĠidŽe sous-jacente ˆ la composition de classes homognes se dŽcompose comme suit :

 

-       le professeur peut aisŽment trouver des activitŽs dĠapprentissages

-       le professeur peut aisŽment trouver un rythme dĠapprentissage convenable ˆ tous

-       le professeur nĠira jamais trop vite ou trop lentement comme dans une classe hŽtŽrogne : trop vite pour les plus faibles ; trop lentement pour les plus forts

 

QuĠen est il dans la rŽalitŽ ? La constitution de classes homognes a des effets prŽjudiciables sur le plan socio affectif, et ceci pour les Žlves placŽs dans les groupes les plus faibles. Par ailleurs, il sĠavre que les enseignants exerant dans les classes les plus faibles ont tendance ˆ adopter majoritairement une attitude fataliste. LĠenseignement reu dans les groupes faibles est le plus souvent de moindre qualitŽ (Temps allouŽ ˆ lĠenseignement rŽduit ; nombre moindre dĠunitŽs de contenus enseignŽes ; encouragements plus rares ; exercices de rŽpŽtition beaucoup plus nombreux). (Voir V. Dupriez et H. Draelants, Classes homognes versus classes hŽtŽrognes. Les apports de la recherche ˆ lĠanalyse de la problŽmatique, Revue Franaise de PŽdagogie 2004, NumŽro 148, Pages 145 ˆ 165 et lĠ Žtude sur le mme sujet menŽe par Duru-Bellat et Mingat en 1997).

 

La conclusion majeure de TOUTES les Žtudes est la suivante : les Žlves forts ne souffrent jamais de la prŽsence dĠŽlves faibles ; les Žlves faibles bŽnŽficient de la prŽsence dĠŽlves forts.

 

  • Faut-il rŽduire le nombre dĠŽlves par classe ?

 

Toutes les Žtudes, notamment amŽricaines (Etats-Unis) montrent que la rŽduction du nombre dĠŽlves par classe favorise tous les Žlves, faibles et forts. Mais ceci ˆ une condition : que cet effectif soit dĠun maximum de 10 Žlves, ce qui ne peut se faire ˆ lĠheure actuelle en France de manire gŽnŽralisŽe, mais est possible de manire ponctuelle et ciblŽe. Il est prouvŽ que retirer 5 Žlves sur un effectif de 25 nĠaura aucun effet ; en revanche, retirer 5 Žlves sur un effectif de 15 est porteur dĠexcellents rŽsultats. (Voir School Class Size de Glass, Cahen, Smith et Filby paru en 1982).

 

Les recherches menŽes au Etats-Unis (et en France notamment par Piketty) lĠont ŽtŽ de la manire suivante : les Žlves ont ŽtŽ affectŽs de manire alŽatoire dans des classes ˆ effectif rŽduit ou dans des classes ˆ effectif plus nombreux. Les chercheurs ont ensuite vŽrifiŽ que les Žlves composant les deux types de classes prŽsentaient des caractŽristiques comparables du point de vue de lĠethnie, du sexe et du statut socio professionnel des parents. Les rŽsultats des Žlves des deux groupes ont ŽtŽ comparŽs ˆ des moments diffŽrents de leur scolaritŽ et ˆ travers des indicateurs diversifiŽs : tous confirment lĠintŽrt des classes ˆ effectif rŽduit (10 ou moins de 10 Žlves/Jamais moins de 8).

 

  • LĠintŽrt des groupes de besoin

 

LĠidŽe de Ç groupes de besoin È nĠest pas nouvelle. Claparde la prŽconisait enÉ1920. Aux Etats-Unis, dans le cadre beaucoup plus rŽcent du plan Joplin, les Žlves sont attachŽs en fonction de leur age ˆ une classe hŽtŽrogne. Ils la quittent pour certains apprentissages (Lecture et mathŽmatiques principalement) qui se dŽroulent en groupes homognes. Cet assouplissement respecte ˆ la lettre trois rgles immuables :

 

-       le temps passŽ en groupes homognes est nettement infŽrieur au temps passŽ en classes hŽtŽrognes, ce qui a pour consŽquence que le groupe auquel les enfants sĠidentifient reste ce dernier

 

-       la constitution des groupes homognes repose sur lĠŽvaluation dĠune compŽtence spŽcifique et non plus sur celle dĠune aptitude gŽnŽrale

 

-       les groupes sont flexibles ; en fonction des progrs des Žlves, ils peuvent tre rŽorganisŽs

 

Le plan Joplin a fait lĠobjet de plusieurs Žvaluations :

 

-       lĠeffet positif est particulirement sensible pour les Žlves faibles, sans affecter le niveau des Žlves forts

-       les rŽsultats en lecture des Žlves du programme Joplin sont nettement supŽrieurs ˆ ceux des Žlves frŽquentant des classes Ç traditionnelles È.

-       aucune Žtude dĠŽvaluation nĠa  abouti ˆ des rŽsultats nŽgatifs ˆ propos du plan Joplin

 

Il est donc nŽcessaire, puisque cela Ç marche È, de constituer des classes hŽtŽrognes ˆ petits effectifs, surtout dans les premires annŽes de lĠŽcole primaire, dŽterminantes pour lĠavenir. Sur cette unitŽ de base, il sera utile de greffer un fonctionnement par groupes de besoin en respectant les trois rgles ŽnoncŽes ci-dessus.

 

6-    Rendre la vie professionnelle plus attractive (DĠaprs le livre citŽ ci-dessous)

 

Marie Duru-Bellat le dit avec justesse dans son livre, LĠInflation Scolaire, Seuil, Paris 2006, Page 97 :

 

Ç AujourdĠhui, lĠŽcole sĠefforce de tout faire : trier les plus mŽritants, mais aussi doter une fois pour toutes les jeunes des compŽtences requises dans une vie professionnelle DONT ELLE RESTE LARGEMENT COUPEE. CĠest sans doute trop : comment nier quĠil y a mille choses quĠon apprendrait mieux ailleurs ? È

 

Mais dans une sociŽtŽ avant tout mŽritocratique, on comprend les rŽsistances corporatistes du milieu scolaire pour conserver le monopole de la certification. Il est pourtant URGENT que lĠEcole, au sens le plus large, soit plus modeste et plus curieuse, quĠelle sĠintŽresse au Ç continent mŽconnu È des salariŽs et des professionnels, Ç continent È o lĠon trouve AUSSI de lĠintelligence, des expŽriences et des pratiques justes. Il nĠest plus possible aujourdĠhui, pour lĠenseignant, de se draper dans sa seule puretŽ acadŽmique (Voir F. Dubet et M. Duru-Bellat, LĠHypocrisie scolaire, Seuil, Paris 2000) sans pour autant limiter la formation ˆ ce qui serait jugŽ utile et apprŽciŽ sur le marchŽ du travail. Cet Žquilibre, difficile certes, doit pourtant tre recherchŽ et trouvŽ. Car pour le moment :

 

-       lĠinsertion des jeunes Žchappe largement ˆ lĠemprise de lĠEcole

-       lĠEcole nĠest responsable ni  de la rŽpartition des emplois, ni de lĠŽvolution des compŽtences dans le monde professionnel

-       lĠEcole ne peut Žluder sa responsabilitŽ dans lĠorientation progressive des jeunes, dŽbouchŽ normal de son action Žducative

 

ResponsabilitŽ qui lui semblerait moins lourde si le monde du travail apparaissait aux jeunes plus attractif. Quant ˆ la sŽlection, la question serait moins bržlante si la rŽpartition des Ç places È Žtait seulement technique. Or la concurrence rgne pour accŽder ˆ lĠemploi et il est certains emplois que personne ne veut occuper. Ils le seront nŽanmoins, par des femmes, des immigrŽs, des jeunes moins bien pourvus en mŽrite scolaire. Les enjeux de la formation seraient moins dramatiquement vŽcus si les emplois eux-mmes Žtaient moins inŽgaux. Mais nombre dĠemplois sont aujourdĠhui jugŽs inacceptables par un ensemble de jeunes dont le niveau scolaire est ŽlevŽ :

 

  • Sur tous les jeunes aujourdĠhui, 50% sĠinsrent comme ouvriers ou employŽs vers 20 ans mais tous sont bien plus instruits que leurs a”nŽs qui en faisaient autant dans les annŽes 1950 ˆ 14 ans.

 

Une chose est certaine : on ne peut dŽcrŽter la revalorisation des mŽtiers manuels et de lĠapprentissage dĠun cotŽ et, de lĠautre, dŽfendre des politiques dĠabaissement du cožt salarial des jeunes tout en encourageant lĠŽlŽvation forte de leur niveau dĠŽtudes. (Voir E. Verdier, Politiques de formation des jeunes et marchŽ du travail, in Formation Emploi NumŽro 50, 1995 Pages 19 ˆ 40). La dŽsertion actuelle de certains emplois sĠexplique par le fait que les jeunes font tout pour les Žviter. Enfin, les discours rŽcurrents sur la diversification des formes dĠexcellence ou la revalorisation des formations professionnelles sont condamnŽs ˆ rester purement incantatoires tant que les emplois sur lesquels dŽbouchent les formations en question demeurent aussi inŽgalement attractifs.

 

  • Une logique mŽritocratique est sans doute fonctionnelle pour lĠattribution des emplois : il parait raisonnable de se fonder sur les compŽtences, ds lors quĠon apprŽhenderait celles-ci sur une assise large ; ds lors aussi quĠon nĠoublierait pas que lĠorigine des compŽtences manifestŽes ˆ un moment donnŽ peut tre fort peu mŽritocratique.

 

Alors, le mŽrite ? Pour lĠheure, il est convoquŽ afin de justifier la stratification sociale et les inŽgalitŽs. CĠest un vernis moral. En clair, lĠŽgalitŽ des chances proclamŽe justifie des inŽgalitŽs de situations rŽelles : croire en la mŽritocratie rend plus tolŽrant aux inŽgalitŽs existantes puisque tout le monde a eu sa chance (en principe) et ce sont les meilleurs qui ont gagnŽ. Or lĠŽgalitŽ des chances nĠest quĠune composante de la justice sociale ; mais la justice ne consiste pas seulement ˆ assurer ˆ tous des chances Žgales dĠatteindre des positions inŽgales. Elle doit aussi limiter les inŽgalitŽs entre positions.

 

RŽduire les inŽgalitŽs entre les situations des adultes (donc entre parents), cĠest en mme temps rŽduire les inŽgalitŽs entre les milieux o grandissent les enfants, et donc entre les chances de ces derniers. LĠŽgalitŽ des chances, ds lors que la sociŽtŽ est inŽgale, restera Žternellement une aporie.

 

  • AujourdĠhui, les rapports rŽcents sur la pauvretŽ et les analyses de lĠŽvolution des social-dŽmocraties europŽennes soulignent que la lutte contre lĠinŽgalitŽ des chances passe par des politiques de lĠemploi et de redistribution ainsi que par le dŽveloppement de structures de garde homogŽnŽisant les conditions de dŽveloppement des tout jeunes enfants. (Voir ˆ ce sujet Conseil de lĠemploi, des revenus et de la cohŽsion sociale/CERC, Les enfants pauvres en France, Rapport numŽro 4, 2004, La Documentation Franaise).
  • On ne saurait nŽanmoins Žcarter toute responsabilitŽ de lĠEcole mais la t‰che lui serait plus facile si les enfants lui arrivaient moins inŽgaux.

 

 

En guise de conclusionÉ provisoire :

VERS DES ECOLES EFFICACES, EQUITABLES ET JUSTESÉ

 

 

EfficacitŽ, ŽquitŽ, absence dĠhumiliations et de violences sont des objectifs complŽmentaires et non pas concurrents. Les pays scandinaves, comme souvent en matire sociale, montrent la voie. Par ailleurs, les usagers du systme scolaire adhrent aujourdĠhui ˆ ces trois objectifs :

 

-       plus aucun groupe social ne dŽdaigne ni ne rejette lĠŽcole

-       plus aucun enseignant (ˆ part quelques uns qui Žcrivent des livres de ressentiment) ne pense que lĠŽcole est quitte de lĠobjectif dĠenseigner le plus de compŽtences possible au plus grand nombre

 

  • VERS UN IDEAL

 

Imaginons, avec Ga‘tane Chapelle et Denis Meuret, le scŽnario (optimiste) suivant :

 

La Nation devra se persuader (ou devra lĠtre par les politiques) que :

 

-       lĠŽducation est un des moyens de faire face aux dŽfis dĠune Žconomie ouverte

-       lĠŽducation  est un des moyens dĠaccro”tre les capacitŽs des individus ˆ faire face ˆ un environnement instable.

 

Deux objectifs sont ˆ en dŽduire, de manire REELLE ET URGENTE :

 

-       accro”tre la ma”trise des compŽtences de base en ne laissant personne quitter le systme sans un socle commun de compŽtences ET de connaissances

-       donner aux Žlves la capacitŽ de faire face au nouveau, ˆ lĠinattendu avec la mobilisation de TOUTES les disciplines pour favoriser la prise dĠinitiative, le travail collectif, la critique, lĠinvention, lĠexpŽrimentation.

 

Dans un tel projet, les personnels dĠŽducation adhreraient car les compŽtences favoriseraient la construction de la citoyennetŽ, de lĠhumanitŽ des individus. Les enseignants nĠabandonneraient en outre pas leur discipline mais retrouveraient au contraire, en rejetant tout encyclopŽdisme, le sens de leur prŽsence dans UN PROJET GLOBAL DĠ EDUCATION. Ce projet devra tre portŽ aussi par les chefs dĠŽtablissement dont la responsabilitŽ pŽdagogique devra tre accrue dans des Žtablissements disposant de plus de libertŽs dans le choix des programmes pŽdagogiques.

 

Certains modes de scolarisation, dĠorganisation, sont plus efficaces que dĠautres :

 

-       il ne faut pas mettre ˆ part les Žlves faibles : faire redoubler, orienter dans des filires spŽcialisŽes les Žlves Ç ˆ lĠesprit pratique È (bel euphŽmismeÉ), former des classes ou des Žtablissements homognes, tout cela est nuisible aux plus faibles sans profit pour les plus forts.

-       Les dispositifs scolaires qui fonctionnent partagent certaines caractŽristiques :

 

  • une dŽfinition, non de ce quĠon doit enseigner, mais de ce que lĠŽlve doit rŽussir ˆ apprendre
  • un enseignement structurŽ
  • lĠalternance entre travail en petits groupes (homognes ou pas) et en classes hŽtŽrognes
  • lĠintervention de tuteurs avec les Žlves ˆ risques (je lĠai personnellement testŽ. Ca marche !)

 

Dans notre scŽnario, il faudra mettre en place un environnement pŽdagogique exigeant, stimulant et aidant o les Žquipes enseignantes seront encouragŽes ˆ essayer, ˆ Žvaluer et ˆ apprendre de leurs erreurs. Deux aspects possibles ˆ un tel environnement :

 

-       mettre en place des programmes qui fournissent aux acteurs de terrain des outils riches de dispositifs, dĠoutils efficaces, parmi lesquels ils pourront choisir

-       mettre en place des procŽdures de responsabilisation, de compte-rendu, qui incitent les acteurs ˆ choisir ces dispositifs et ˆ en Žvaluer les effets. Un systme dĠincitation est efficace sĠil engage les enseignants ˆ trouver eux-mmes ce qui convient ˆ la situation de leur classe et ˆ exiger de leur tutelle les ressources, la formation et lĠaide qui leur serviront vŽritablement au mieux

 

  • ENSEIGNANTS ET USAGERS

 

-       Les enseignants, dans ce scŽnario, seraient alors plus des experts que des artistes ou des intellectuels :

 

¤ QuelquĠun qui conna”t une grande variŽtŽ de procŽdures complexes et choisit les plus adaptŽes

 

¤ QuelquĠun moins exposŽ personnellement mais plus attentif professionnellement

 

Quant aux Žtablissements, leur autonomie devra tre plus professionnelle quĠadministrative. Des procŽdures dĠŽvaluation devront tre mises en place, non pas pour faire entrer lĠEcole dans un systme concurrentiel mais, entre autres, pour rŽvŽler au public le caractre exigeant de la profession : emmener ENSEMBLE ses Žlves vers un niveau de ma”trise requiert un haut niveau de compŽtences. Ces procŽdures rŽvleraient aux Žlves que le travail des enseignants consiste ˆ les aider ˆ Ç grandir È au moyen de la matire quĠils enseignent. (Grand public, Parents et Elves sont souvent trs loin de ces rŽalitŽs). Les objectifs annexes seraient tout aussi importants :

 

¤ RŽduire le clivage entre enseignants faisant le Ç sale boulot È et les autres

 

¤ RŽunir les deux aspects du mŽtier : relation ˆ lĠŽlve ET ˆ la discipline enseignŽe

 

¤ Trouver les sources dĠune bonne distance ˆ lĠŽlve. LĠinsistance sur la participation, lĠabsence des classes de niveau et du redoublement, la pratique du tutorat, le fait que les enseignants se rŽfrent plus ˆ leur METIER quĠˆ leur STATUT diminueraient les Ç violences È ˆ lĠ Ecole.

 

-       Les usagers pourraient choisir leurs Žtablissements dans des conditions telles que les effets nŽgatifs de choix seraient supprimŽs (je rappelle que je suis ici dans le cadre dĠun scŽnario optimiste).

 

DĠune part, la politique Ç ZEP È doit tre renouvelŽe, en aucun cas supprimŽe ! Ces Žtablissements, ˆ lĠintŽrieur desquels les Žquipes pŽdagogiques accomplissent des prouesses quotidiennes dans lĠanonymat le plus total et lĠabsence de reconnaissance, devront recevoir une surdotation significativement plus forte que celle octroyŽe aujourdĠhui.

 

DĠautre part, Ç lĠampleur de  ces surdotations devra dŽpendre de la proportion dĠŽlves dŽfavorisŽs È (Claude ThŽlot).  Elles reposeront sur des procŽdures simples et ne devront pas reculer devant le fait de privilŽgier, parmi les Žlves dŽfavorisŽs, les plus prometteurs.

 

Quant au choix des Žtablissements, il se fonderait, non pas sur lĠefficacitŽ de lĠenseignement des compŽtences fondamentales, encore moins sur le dŽtournement de la carte scolaire devenu Ç sport national È des familles aisŽes, mais sur la partie non contrainte de lĠenseignement. LĠorientation vers des filires plus ou moins exigeantes se devra se faire, elle, sur la ma”trise des compŽtences fondamentales au moment de lĠentrŽe en lycŽe ou bien, si le LycŽe Žtait intŽgrŽ ˆ la scolaritŽ obligatoire, au moment de lĠentrŽe dans lĠenseignement supŽrieur. Trois consŽquences positives  nos yeux :

 

¤ Un tel systme assurant que les Žlves dĠun mme Žtablissement prŽsentent une forte hŽtŽrogŽnŽitŽ dans la ma”trise des compŽtences (le Banding System ˆ Londres) deviendra alors acceptable par toutes les familles puisquĠune qualitŽ dĠenseignement sera garantie pour tous et par tous. Cette mixitŽ (Forts et faibles ensemble) se traduira par plus dĠefficacitŽ et dĠŽquitŽ

 

¤ La possibilitŽ de choisir son Žtablissement ne pourra plus tre induit par leur hiŽrarchisation provoquant ˆ la fois la sŽgrŽgation urbaine et la sŽgrŽgation scolaire. Au contraire, sĠŽtablira alors une coopŽration entre Žtablissements permettant ˆ ceux-ci dĠoffrir aux Žlves un Žventail maximal dĠactivitŽs et de sĠentraider pour la rŽalisation dĠobjectifs communs.

 

¤ Le choix de lĠŽtablissement donnera alors ˆ tous les possibilitŽs dont profitent actuellement les plus favorisŽs.

 

Ce scŽnario, car ce nĠest quĠun scŽnario, est sans doute caricaturalement optimiste. MAIS il montre des pistes ˆ emprunter. Beaucoup dĠenseignants, de parents et dĠŽlves y sont prts.

 

Travail de recherches et de synthse effectuŽ par Christophe Chartreux

35 rue P Bazin 76370 Neuville les Dieppe

02 35 06 24 83

Petit Ç catalogue È dĠidŽes-forces

 

-       En prs dĠun sicle, la Ç rŽvolution pŽdagogique È, soi-disant responsable de TOUS les maux de lĠŽcole, nĠa pas eu lieu ! Au contraire, lĠEcole reste prisonnire de son Histoire.

 

-       Les Ç adorateurs È dĠun age dĠor de lĠEducation Nationale se trompent et nous trompent !

 

-       Morale et Justice ne sont ni de droite ni de gauche ; elles sont nationales ! Ce que lĠon en fait, en revanche, est soit de droite, soit de gauche, cĠest certain !

 

-       Des rŽformes nombreuses ont voulu  transformer lĠŽcole ; bien peu ont ŽtŽ  effectivement appliquŽes. Aucune, de fond ni dĠimportance, ne lĠa ŽtŽ sur des durŽes excŽdant 5 ans.

 

-       LĠEcoleɍa nĠexiste pas ! Elle nĠest que DIFFERENCES ! 

 

-       LĠŽcole garde des rgles de vie et des pratiques pŽdagogiques hŽritŽes du sicle dernier. LĠŽchec scolaire a bon dos ! Il rŽsume tout et nĠexplique rien !

 

-       Toute classe est une classe hŽtŽrogne.

 

-       LĠhŽtŽrogŽnŽitŽ rŽduit extrmement peu le niveau de lĠŽlite en augmentant bien plus le niveau des plus faibles.

 

-       La constitution de classes homognes a des effets prŽjudiciables sur le plan socio affectif, et ceci pour les Žlves placŽs dans les groupes les plus faibles.

 

-       Education et Instruction sont insŽparables

 

-       LĠŽchec scolaire est aussi vieux que lĠŽcole obligatoire. Il nĠa jamais existŽ dĠage dĠor de lĠenseignement.

 

-       LĠŽchec scolaire a une f‰cheuse tendance ˆ rŽvŽler impitoyablement les inŽgalitŽs sociales

 

-       Le systme Žducatif tranche dans le vif. CĠest ˆ 6 ans que lĠon trie les Ç bons È et les Ç mauvais È.

 

-       La prŽtendue Ç baisse de niveau È est un fantasme engendrŽ par une sociŽtŽ inquite de son avenir et de son Ecole. Ce qui ne signifie pas que tout aille bien.

 

-       Aucune lumire nĠa jamais jailli des disputes entre tenants de la mŽthode globale de lecture (jamais appliquŽe) et tenants de la mŽthode alphabŽtique ou syllabique (B-A- BA).

 

-       Une seule chose est sžre : aucune mŽthode dĠapprentissage de la lecture nĠa su garantir ˆ 100% la rŽussite des enfants.

 

 

-       83% des professeurs dĠŽcole donnent des devoirs ˆ la maison ; leur non exŽcution nĠest pas admise. ( POURTANT ILLEGAL EN ECOLE PRIMAIRE !)

 

-       De lĠimagination pŽdagogique et des innovations naissent le malheur et le scandale, dit on ici et lˆ ! On leur prŽfre donc un sicle de savoir-faire rŽŽcrit au gožt du jour ! JusquĠ ˆ lĠennuiÉ

 

-       Il est nŽcessaire dĠavoir des idŽes biodŽgradables en pŽdagogie. Il faut se dŽbarrasser des stŽrŽotypes.

 

-       Les professeurs dĠŽcole exerant en maternelle pratiquent un militantisme pŽdagogique positif hors du commun.

 

-       Ce nĠest pas le laxisme qui menace lĠŽcole primaire, mais la mŽdiocritŽ

 

-       Le Ç mŽrite È est aujourdĠhui convoquŽ pour justifier la stratification sociale et les inŽgalitŽs. CĠest un vernis moral.

 

-       Rien nĠest plus important que la dimension affective dans lĠenseignement du premier degrŽ

 

-       TOUTES les Žtudes prouvent que les ma”tres passent leur temps, bien au-delˆ des horaires officiels, ˆ faire du Franais et du Calcul et, plus prŽcisŽment, de la lecture et des opŽrations.

-       LĠenseignant a trop souvent tendance ˆ se Ç couper du monde È. Il ne peut pourtant sĠabstraire, contrairement ˆ ce quĠaffirme Jean Paul Brighelli dans ses Ç ouvrages È par exemple, de lĠenvironnement de son Žtablissement.

 

-       Les inŽgalitŽs sociales de Ç carrire scolaire È sont trs fortes en France ; trop fortes.

 

-       Le dŽveloppement culturel de lĠenfant est SOCIAL,

 

-       En deux ans (5me/4me surtout), autant dĠinŽgalitŽs Ç socio/scolaires È se crŽent que pendant TOUTE la scolaritŽ primaire.

 

-       Les inŽgalitŽs sociales de carrire scolaire sĠexpliquent pour une part Žquivalente :

 

  • par les inŽgalitŽs de rŽussite acadŽmique
  • par les inŽgalitŽs de choix scolaires et dĠorientation

 

-       AmŽliorer lĠefficacitŽ de lĠŽcole, ds lors que ce sont les moins favorisŽs qui sont les plus sensibles ˆ son influence, est donc une manire de rŽduire les inŽgalitŽs entre Žlves mais AUSSI les inŽgalitŽs sociales.

 

-       Le fonctionnement mme des classes fabrique et reproduit certaines inŽgalitŽs sociales

 

-       Tout un pan de la lutte contre les inŽgalitŽs sociales passe par une Ç formation È des parents.

 

-       LĠŽducation sert aussi ˆ se classer par rapport aux Ç concurrents È. Et au fur et ˆ mesure que les scolaritŽs sĠallongent, les Žcarts sociaux se dŽplacent plus avant en prenant par exemple la forme de lĠaccs ˆ telle ou telle filire : cĠest la Ç dŽmocratisation sŽgrŽgative È (nŽgative)

 

-       Des politiques dĠallongement du tronc commun ou le dŽveloppement des passerelles entre filires sont susceptibles dĠattŽnuer les inŽgalitŽs sociales.

 

-       Il FAUT aller vers une attitude plus expŽrimentale o enseignants ET chercheurs concevront et Žvalueront les effets prŽcis de tel dispositif sur tel public

 

-       La question de la rŽduction des inŽgalitŽs socio scolaires est fondamentalement POLITIQUE.

 

-       La violence ˆ lĠŽcole est constituŽe de faits tŽnus, mais rŽpŽtitifs et nerveusement usants, du genre Ç incivilitŽs È, Ç harclements È ou Ç micro-violences È.

 

-       Les Ç mauvais Žlves È manifestent une agressivitŽ impuissante ˆ lĠencontre des professeurs qui nĠest en fait quĠune contestation impuissante de leur place scolaire,

 

-       La pŽdagogie pratiquŽe (style coopŽratif) et le style de gestion de la Direction (participatif) sont des facteurs de protection bien identifiŽs.

 

-       LĠexistence des classes de niveau est un facteur majeur de risques, deux fois plus explicatif que la monoparentalitŽ par exemple. La sŽgrŽgation scolaire est LE danger rŽel.

 

-       Les Žcoles, dans lesquelles les Žlves peroivent des rgles claires, des actions valorisantes et des sanctions sans ambigu•tŽs, bŽnŽficient de moins dĠindisciplines. 

 

-       Un encadrement strict (militaire ou autre, lˆ nĠest pas le problme) ACCOMPAGNE dĠun travail Žducatif et culturel AVEC PROJET porte TOUJOURS des fruits.

 

-       Le combat contre la violence ˆ lĠŽcole est un combat politique contre la dŽmagogie.

 

-       La promotion du Ç marchŽ È en matire scolaire est bien une politique de classe.

 

-       La relation Professeur/Elve est CENTRALE dans la vie quotidienne de lĠinstitution scolaire

 

-       Pour vivre ensemble, enseignants et Žlves doivent gŽrer, dans les collges et lycŽes, lĠarrivŽe dĠune culture juvŽnile de plus en plus lŽgitime

 

-       Il faut OFFICIELLEMENT reconna”tre que la rŽussite Žducative est diversement difficile ˆ atteindre selon lĠenvironnement des Žcoles et des collges. Il faut donc mettre en place une trs forte diversification qualitative et quantitative des moyens dĠenseignement.

 

-       Le redoublement a fait la preuve de sa totale inefficacitŽ. 

 

-       Il est prouvŽ que retirer 5 Žlves sur un effectif de 25 nĠaura aucun effet ; en revanche, retirer 5 Žlves sur un effectif de 15 est porteur dĠexcellents rŽsultats.

 

-       Les Žlves faibles qui redoublent progressent moins que les Žlves faibles qui sont promus. Il faut donc explorer dĠautres pistes que le redoublement.

 

-       Le cours magistral (et frontal) en Primaire et en Collge (voire mme en lycŽe) est plus quĠune erreur : cĠest une faute professionnelle.

 

-       Quand le scolaire dŽvisse, le social se lŽzardeÉ

 

-       Travailler dur pour tre rŽcompensŽ, certes mais rŽcompenser chacun ˆ hauteur des efforts fournisÉ