L'accès pour tous aux Technologies de l'Information et de la Communication : entre illusions et réalités

Une politique très volontariste est engagée par les pouvoirs publics ces dernières années afin   de favoriser l'installation de lignes à hauts débits et, ainsi, promouvoir l'avènement de la société de l'information. La révolution numérique est en marche et ses nouveaux zélateurs prophétisent l'avènement de la société   idéale qu'elle ne pourra qu'engendrer(1).  D'autres, en revanche, la dénoncent en évoquant le mythe, l'illusion   techniciste (la techno-utopie)(2) et soulignent qu'elle ne fera qu'accroître les inégalités : (apparition des info-pauvres) (3). Quoi qu'il en soit, cette prolifération scripturaire témoigne, à l'évidence, de l'importance du phénomène; les   applications de «la révolution numérique» ne semblent pas avoir de limites. Mais, le déploiement des matériels et des réseaux ne suffit pas à produire des usages, les plus récentes études en attestent. Cette société de l'information, fruit de toutes les attentions, ne serait-elle pas la résultante d'imaginations particulièrement fertiles ayant réussi à imposer une réalité encore très largement virtuelle ? En ce domaine, les magiciens et les illusionnistes ne manquent pas.

Pourtant, si l'on s'écarte des colloques et des gloses qui révèlent peut-être ce que Péguy nommait une capitulation : « une capitulation est essentiellement une opération par laquelle on se met à expliquer au lieu d'agir » pour chevaucher les chemins de traverse, l'espérance est peut-être au rendez-vous. En effet, comme sur le territoire de la Communauté de Communes Rhône-Sud dans le département du Rhône, http://www.tic-rhonesud.com/ de multiples acteurs inventent et expérimentent les mille et une façons de réduire les fractures numériques. Modestes et pragmatiques, ces actions sont l'oeuvre de pionniers qui n'imposent pas des modèles mais qui modélisent leurs interventions en fonction des expériences et des pratiques qu'ils soumettent à l'épreuve des faits. Ici, les réalités ne subissent pas les déconvenues des illusions.

Quelques questions simples, qui ont été abordées à Lyon, il y a quelques mois, au cours du sommet mondial des villes et des pouvoirs locaux sur la société de l'information, www.cities-lyon.org , ont été   au coeur des débats du Sommet Mondial de la Société de l'Information qui vient de s'achever à Tunis . Qu'en est-il de l'accès pour tous aux Technologies de l'Information et de la Communication ? Les faits ne montrent-ils pas que leurs usages restent encore largement confinés aux classes dominantes ? Dès lors, quelles seraient réellement et pratiquement les conditions qui permettraient un développement des usages auprès de tous les citoyens ? Quelles sont les expériences, les réalisations, les initiatives qui montreraient la voie à suivre ? Les obstacles, avant d'être matériels et technologiques, ne sont-ils pas avant tout culturels ? Comment alors penser l'acculturation du plus grand nombre à cette société de l'information dans laquelle nous sommes immergés ?

C'est en tentant de répondre, notamment, à ces   interrogations, par une confrontation permanente entre praticiens, chercheurs et décideurs, que pourra se construire cette intelligence collective mondiale ; la seule susceptible relever un des défis majeurs du XXIème siècle : l'accès pour tous aux Technologies de l'Information et de la Communication.

Gilles Chabré

http://gilleschabre.typepad.com/weblog

 

(1) « L'informatique n'est plus une histoire d'ordinateurs. C'est un mode de vie. L'ordinateur central géant, le   gros ordinateur, a été remplacé presque partout par des micros. Ces machines ont quitté les énormes pièces à air conditionné qui les abritaient pour s'installer dans des placards, puis sur des bureaux, ensuite sur nos genoux, avant de se ranger au fond de nos poches. Et, ce n'est pas fini. Au début du prochain millénaire, il n'est pas impossible que vos boucles d'oreilles ou vos boutons de manchettes communiquent entre eux par le biais de satellites en orbite basse et qu'ils soient plus puissants que votre micro actuel.» In Nicholas Négroponte   - L'homme numérique - Paris - Laffont - 1995 -291 pages. «(...) Il est temps en effet de donner à nos outils télématiques non seulement une dignité culturelle, mais un certain prestige mythique si l'on veut que tout un chacun ait envie de se les approprier. Ainsi transformera-t-on le gadget utilitaire en instrument de civilisation.» Régis Debray - Le Monde diplomatique - Mars 1997 à propos   du livre de Jacques Perriault - La communication du savoir à distance - Paris - L'harmattan - série Référence -   1996 - 256 pages.

(2) «La société de   l'information est devenue, au cours des toutes dernières années, et à partir des Etats-Unis, la technologie explicative et légitimante du capitalisme mondial. Objectif principal de l'ingénierie sociotechnologique et culturelle des pays les plus développés du monde, elle conforte le véritable objectif du   capitalisme contemporain, à savoir la création de l'espace marchand mondial unique (the global market place),   entièrement laissé au libre jeu des forces privées du marché.» In Ricardo Petrella - « Danger d'une techno-utopie » - Le Monde diplomatique - Mai 1996 - p.19.

(3) Expression utilisée par Philippe Rivière - Quelles priorités pour l'enseignement ? Les sirènes du multimédia   à l'école - Le Monde diplomatique - Avril 1998 - p.21.