L'école et son miroir, entretiens entre Philippe Meirieu et Jean-Bertrand Pontalis, Paris, Jacob Duvernet, 2011

Ce livre est un dialogue entre un des plus grands psychanalystes français et Philippe Meirieu. Ce dernier répond des accusations de "pédagogisme" et s'explique sur ses positions "laxistes" sur l'Ecole.

I - L’école d’hier

II - La fin des rituels anciens

III - La crise de l’autorité et la montée de l’individualisme social

IV - Nouvelles missions de l’école

V - Compétences et autorités

VI - Notes et compétitions

VII - Moins bons qu’avant ?

VIII - De nouveaux défis à surmonter

"De quoi parle-t-on quand on parle de l’École ? Le sait-on vraiment ? N’est-ce pas un sujet sur lequel nous sommes trop impliqués pour prétendre à l’objectivité, fut-elle scientifique ? Car l’École, c’est, tout à la fois, là où nous sommes allés quand nous étions nous-mêmes enfants et là où nous envoyons nos enfants aujourd’hui. L’École, c’est la photo de classe jaunie que nous conservons pieusement et le dernier reportage télévisé sur les violences scolaires. C’est, pour nous-mêmes et nos enfants, le lieu du bonheur d’apprendre et de l’angoisse de ne pas savoir. Ce sont les yeux qui pétillent à l’annonce de la bonne note et la peur au ventre le jour de l’examen. L’École, c’est aussi une immense et très sérieuse machine – la plus grosse entreprise de France – et un quotidien souvent dérisoire à mille lieues des déclarations d’intention, générales et généreuses, des politiques. L’École, c’est le bien commun de la République et la juxtaposition d’histoires singulières et imprévisibles. C’est l’objet de toutes nos colères et espérances collectives comme le réceptacle de chacune de nos ambitions familiales…
Il y a toujours deux écoles et, si nous avons tant de mal à en parler dans le débat public, c’est que, quand quelqu’un parle de l’une, on lui répond toujours en parlant de l’autre. À celui qui dit la nostalgie de l’école de son enfance, répond celui qui souligne la nouveauté radicale de la situation. Au parent qui soutient que l’École ne peut l’ignorer, répond l’enseignant qui craint qu’on vienne empiéter sur ses prérogatives. Au défenseur de la culture humaniste désintéressée, répond le contribuable qui exige une bonne gestion des deniers publics et un « pilotage par les résultats ». Pas d’École sans son miroir. À la fois le même et opposé. En regard et inversé. Droite à gauche. Gauche à droite… À l’infini dans la glace, l’École engendre son reflet, son double.
Il faut pourtant bien sortir de la mise en abyme – pathétique ou dérisoire, c’est selon – pour réinscrire l’École dans notre « monde commun ». Entreprise insensée sans doute, tant il est difficile de sortir des oppositions caricaturales. Mais entreprise de salut public. Modeste et entêtée. Comme le dialogue improbable, ici, d’un pédagogue et d’un psychanalyste." P.M.