Familles démissionnaires ?

Ainsi donc, selon un récent sondage, plus de 70% des Français pointent du doigt, pour expliquer les difficultés que nous vivons, « la démission des parents ». Je crains qu'on ne trouve là, un peu vite, des responsables à bon compte. Certes, il existe des familles - et dans tous les milieux sociaux - où les parents, absorbés par leurs occupations professionnelles ou préoccupés par leurs problèmes sociaux, sont peu disponibles à leurs enfants et ne prennent pas, chaque jour, le temps nécessaire pour parler avec eux, réfléchir sur l'actualité, évoquer leur travail scolaire, discuter de leurs dernières lectures et organiser des projets communs. Certes, il y a des familles où des parents, solitaires et débordés, n'osent pas assumer leur autorité parentale et, devant la menace, le chantage ou, tout simplement, pour avoir la paix, hésitent à poser le moindre interdit...

Mais c'est qu'il est devenu particulièrement difficile d'être parent : il n'y a pas si longtemps encore, ces derniers pouvaient reproduire, à peu de choses près, les comportements que leurs propres parents avaient eus avec eux. Ils disposaient d'une batterie de sanctions largement stabilisées qui faisaient partie d'une sorte de « jeu de rôles » : on privait de repas en cas de d'insolence, d'argent de poche en cas de mauvais résultat scolaire, de sortie en de faute morale avérée... Mais les choses ne fonctionnent plus de manière aussi simple : d'abord, parce que les convenances sociales ont volé en éclats et que beaucoup des parents, dans leur vie personnelle, ne les respectent plus eux-mêmes. Mais, surtout, nous nous trouvons aujourd'hui devant des situations tellement inédites que, passée la toute petite enfance, nous n'avons plus de solution toute prête pour les problèmes que nous rencontrons : à quel âge autoriser le téléphone portable ? On sent bien qu'il ne faut pas céder trop tôt et, en même temps, on est rassuré de pouvoir joindre son fils ou sa fille quand il est dehors... Bien plus grave : comment réagir en face d'un adolescent qui menace de « couper les ponts » si on cède pas à ses demandes : abdiquer et laisser faire... ou prendre le risque d'une rupture qui interdira d'être présent pour l'aider en cas de coup dur ? Bien malin qui peut dire : « Mais je sais ! C'est facile ! »

Il faut se rendre à l'évidence : il est difficile d'être parent aujourd'hui et nul n'a de solution miracle. Et que propose-t-on pour accompagner les familles ? Un suivi social dans les cas dramatiques, quelques vagues conseils psychologiques pour les autres... Rien de vraiment sérieux et qui permette une véritable réflexion éducative. La France, au regard de beaucoup de pays d'Europe, a pris un énorme retard dans l'aide à la parentalité. Elle ferait mieux de s'atteler à ce chantier plutôt que de s'acharner à culpabiliser des parents terriblement démunis.