Génériques...

Quoique les enseignants l'oublient souvent et que beaucoup de parents n'y attachent pas d'importance, un phénomène préoccupant se développe depuis plusieurs années chez les enfants : la télé du matin. Certains enfants, de six, huit ou douze ans, se lèvent avant tout le monde pour aller regarder des dessins animés. Parfois pendant plus de deux heures avant de partir à l'école. D'autres prennent leur petit-déjeuner devant le poste allumé et, à peine levés, se frottent les yeux pour bien profiter des images qui leur sont proposées. D'autres, encore, ont obtenu l'autorisation de leurs parents pour un quart d'heure ou une demi-heure de télévision, coincé entre la fin du petit-déjeuner et le départ pour la classe.

Ces pratiques ne sont guère favorables à la réussite scolaire : l'enfant, déjà, se couche plus tard et, avec elles, il diminue encore son temps de sommeil et sa fatigue. D'autre part, alors que les premières heures après le réveil sont, en général, assez favorables à l'attention et à la mémorisation, il les gaspille dans une activité qui ne lui apporte pas grand-chose. Enfin, il commence la journée avec des préoccupations purement récréatives qui rendront difficile la mise au travail... Autant de raisons pour tenter de diminuer ces pratiques ! Pourquoi ne pas imaginer, d'ailleurs, que le Conseil supérieur de l'audiovisuel se penche sur cette question et formule, sinon des interdits, au moins des recommandations ?

Mais, s'il ne veut pas aller jusque-là, je lui suggère de s'intéresser à une question apparemment anecdotique et pourtant, à mes yeux, essentielle : la disparition, en particulier dans ces tranches horaires, des génériques de fin des émissions. Contrairement aux habitudes, en effet, le téléspectateur passe presque directement du dessin animé à la publicité. Un simple carton fugace avec le nom du réalisateur et l'image change de statut : elle vient prescrire un produit laitier quand on était encore, une seconde plus tôt, dans une aventure extraordinaire... Pour l'empêcher de zapper on dispense l'enfant de ce qui sépare les différents moments et lui permettrait se comprendre la nature des différents discours qui lui sont tenus. Ainsi se télescopent, sous ses yeux, les annonces des présentateurs et celles des marques, les recommandations de leurs héros et celles des publicitaires. La confusion s'installe et, avec elle, l'enfant devient une simple cible pour les commerciaux... Une cible d'autant plus disponible que la télévision est regardée le matin sans aucun contrôle familial, alors que les adultes, pressés de se préparer, ne font pas attention...

« Télé du matin, chagrin ! » Il serait temps que nous ayons le courage de regarder en face cette question, plutôt que de chercher, dans les méthodes pédagogiques, d'improbables boucs émissaires pour les difficultés scolaires de nos enfants.