Orthographe…

De nombreux parents se demandent aujourd’hui si l’usage des outils informatiques et, en particulier, du courrier électronique, des blogs et des textos, ne contribue pas à un relâchement systématique de l’orthographe. Il est vrai qu’il y a de quoi s’inquiéter un peu : les dernières enquêtes montrent, en effet, une baisse significative dans ce domaine. Elle touche essentiellement l’orthographe grammaticale : l’accord des pluriels, la terminaison des verbes, la confusion entre des homonymes comme a et à, ou et , etc. Mais cette dégradation ne touche pas exclusivement les enfants : de nombreux adultes, qui ont appris l’orthographe selon les méthodes traditionnelles, à une époque où les SMS n’existaient pas, se mettent à faire des fautes, y compris sur des  points qu’ils connaissent parfaitement : la distinction des terminaisons / -er  en est un bon exemple. Tout le monde peut réciter la règle élémentaire qui permet de les distinguer… et, pourtant, beaucoup font la faute dans de nombreux écrits, aussi bien à l’occasion de courriels que de textes manuscrits.

Deux explications parmi d’autres. D’une part, la question de l’application des règles d’orthographe s’inscrit dans le rapport ambigu que notre société entretient avec toutes les formes de normes : chacun en voudrait plus pour tout le monde et moins pour lui. On regrette l’effondrement général des règles, mais, pour autant, on revendique le droit de s’en exonérer personnellement, que ce soit dans le domaine des moeurs comme dans celui du code de la route… D’autre part, nous ne distinguons plus clairement les différents niveaux de langues comme les différents usages de l’écrit. Car, ce n’est pas l’existence même de ces différents usages qui fait problème : nos grands-mères envoyaient bien des télégrammes où l’on pouvait lire « Viens chercher gare STOP Baisers STOP » Et le destinataire comprenait parfaitement qu’il ne s’agissait pas d’aller chercher la gare ! De tous temps, les hommes ont utilisé des signaux brefs, capables de transmettre efficacement une information : signaux de fumée, signes de pistes, fanions, sémaphores, etc. C’est là une nécessité fonctionnelle et convenons qu’elle est bien pratique. Mais un signal n’est pas un signe et ce qui est efficace pour donner en quelques secondes une nouvelle brève, ne peut permettre de développer un point de vue ou d’exprimer des sentiments.

Le vrai problème n’est donc pas que nos enfants utilisent des abréviations ou négligent l’orthographe dans leurs communications immédiates, il réside dans le fait que ce type de communication devient hégémonique. La crise de l’orthographe en cache une autre, bien plus préoccupante : la crise du désir d’écrire « pour de vrai », de vrais courriers qu’on prend le temps de relire et de peser et dans lesquels on cherche à atteindre une forme de perfection…