Pour que vivent les jeunes...

Nous avons trop caricaturé notre jeunesse. Nous l'avons décrite comme une génération superficielle, tout entière fascinée par la médiocrité médiatique, singeant les « stars » de la télé-réalité, obsédée par Internet, pendue en permanence au téléphone portable et s'abreuvant d'une musique abrutissante et mondialisée. Nous avons stigmatisé sa « légèreté », son incapacité à se fixer durablement dans ses engagements, son inconstance affective. Nous avons dénoncé l' « adulescence » dans laquelle les 18-25 ans se vautreraient lamentablement, de colocation en voyages à l'étranger, repoussant toujours le moment de s'impliquer vraiment dans quoi que ce soit. Nous avons critiqué une génération apolitique qui, après un premier vote lors de l'accès à la majorité, s'abstient massivement pendant plusieurs années lors des consultations électorales. Certains ont même longuement décrit le comportement individualiste, voire autiste, de jeunes tout entier voués à la consommation...

Il y a, sans aucun doute, quelques vérités dans ce tableau... Mais il faut se méfier des simplifications abusives. Et si, en réalité, cette vision de la jeunesse n'était qu'une projection fantasmatique de la génération de leurs parents ? Et si les adultes voyaient surtout dans leurs enfants, avec un brin de mélancolie, une certaine conception de la jeunesse... celle à laquelle ils aspirent eux-mêmes plus ou moins consciemment ? Et si les quadras et quinquagénaires d'aujourd'hui prêtaient à leurs fils et à leurs filles leurs propres rêves secrets ? S'ils ne critiquaient l' « adulescence » que pour mieux s'aveugler sur leurs propres désirs ? Si c'était eux, surtout, qui avaient un peu de mal à tenir leurs engagements et désiraient s'échapper, enfin, vers un monde où assouvir leurs caprices ?

Car les jeunes générations viennent de démontrer politiquement ce que bien des travailleurs sociaux, des éducateurs et des parents avaient constaté depuis quelque temps : elles aspirent d'abord à trouver une place dans une société pacifiée... Et, loin de chercher à camper systématiquement dans le provisoire, les jeunes veulent que nous leur donnions les moyens de s'installer. Pas forcément pour se replier sur un groupuscule fusionnel et se planter devant des jeux vidéos, mais pour trouver des repères un peu fixes dans l'espace et dans le temps. Pour tenter se stabiliser des relations avec un compagnon ou une compagne, d'arrêter d'être en situation de dépendance à l'égard de toutes les formes d'assistanat familial et social... et de se consacrer à un métier sans risquer à chaque instant d'être remercié et de devoir tout recommencer.

Les jeunes se sont fait entendre. Ils ne veulent rien d'autre que vivre dans des conditions décentes. Ils expriment là leur droit fondamental. Et rappellent ainsi, à nous adultes, quel est notre devoir envers la jeunesse.