Chroniques d'un chef d'établissement...

par Bertrand Gaufryau

Le 26 novembre 2024

Un chef d’établissement peut-il dire cela... ?

Je me suis longuement interrogé afin de savoir si cette chronique avait sa place sur ce site, pépite pour une pédagogie engagée ; je me suis longuement interrogé afin de savoir si un chef d’établissement pouvait dire ce qui va suivre. Et puis tout compte fait, en répondant à la question de mon engagement de plus de 25 années au service de l’enseignement agricole et dans cette fonction, la réponse a été un oui sans ambiguïté. Alors avant de partager l’essentiel de ce que je souhaitais vous dire, je me suis engagé finalement sur ce chemin de direction car je crois profondément aux valeurs d’émancipation, de citoyenneté, qui constituent la charpente de l’action éducatrice, de formation que je souhaite aider à bâtir pour que les jeunes élèves, étudiants d’aujourd’hui soient demains des citoyens debout, libres et s’engagent sur la construction d’un monde autrement…

Comme chef d’établissement, et encore davantage dans l’enseignement agricole, je crois à une école qui respire avec son territoire, mais aussi qui est un acteur de la société : non que l’école soit une simple éponge des tendances du moment, mais qui fasse du débat, de l’esprit critique, une constante de son ADN.
Alors l’idée de la mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation, idée à la fois novatrice, certes un peu utopique, n’a que tous les atouts pour séduire, me séduire à la fois comme citoyen mais aussi passeur de valeurs comme celle de la solidarité, liant prix accessible, prix juste et prix solidaire. C’est probablement l’économiste que je suis qui à l’intuition que cette idée novatrice peut tout à fait résonner avec la société de demain afin qu’elle soit moins inégalitaire. Mais n’est-ce pas ce que l’on peut, doit transmettre aux jeunes qui demain seront et citoyens et pour certaines et certains agriculteurs ou vivant au cœur du milieu rural ?
Alors, lorsque je tombe par hasard sur un prospectus qui fait l’apologie d’une forme de capitalisme débridé, de violence sociale, mon sang ne fait qu’un tour. Que soit proposé un goûter de Noël hors de prix à près de 100 euros pour des adultes et à 65 euros pour les enfants de moins de 13 ans, dans un palace de la côte basque est une hérésie à la fois économique, sociale mais aussi sociétale. Que ce goûter soit animé par un chef d’orchestre fort réputé, préparé par un pâtissier de talent n’enlève rien à l’image indécente que cela renvoie.

Que des chanteurs bénévoles y participent est une raison de plus de cette colère qui me semble juste. J’ai le sentiment que ces derniers sont un peu les « idiots utiles » de ce retour d’une lutte des classes, « des paillassons » achetés pour un jus de fruit ou une pâtisserie…et cela à leur propre issue. J’ai à travers cet exemple assez caricatural mais malheureusement plus fréquent certainement qu’il n’y paraît, que la lutte des classes, le concept de valeur sont de retour. Peut-être sont-ils encore davantage visibles et plus indécents du fait de la société plus inégalitaire que rarement dans l’histoire économique récente ? Certains diront que je m’éloigne de l’école, de la pédagogie…Et bien je ne le crois pas ! L’école n’est pas un lieu comme un autre, neutre au sens de la vie en société. Oui, certes un lieu protecteur comme la laïcité le permet. Mais non aseptisé, sans saveur, sans valeur. Alors, il est de mon devoir de proposer, de dire, de donner du sens.

Alors oui, un chef d’établissement peut dire cela. Il doit dire cela ! Et s’engager ! C’est ce que je viens de faire, sans cacher ce à quoi je crois. L’école, c’est aussi le temps de préparer les élèves à construire la société dans laquelle ils choisiront de vivre, non avec les yeux d’hier, mais avec les outils d’aujourd’hui pour se projeter dans un avenir qui s’appuie sur des valeurs de solidarité et d’altruisme. Vive la Sécurité Sociale de l’Alimentation et les valeurs qu’elle véhicule au service du bien commun !

Le 17 novembre 2024

Lettre ouverte à Monsieur le Président Nicolas Sarkozy

« Le statut de professeur des écoles, (…) c’est vingt-quatre heures par semaine » et « six mois de l’année », a lancé l’ancien chef de l’Etat, estimant que « nous n’avons pas les moyens d’avoir un million d’enseignants ». Avant d’ajouter ironiquement, sous les rires de l’assistance : « Alors, je sais bien, il faut préparer les cours… Maternelle, grande section… »

Un ancien Président de la République peut-il dire cela ? Vous avez exprimé, Monsieur Nicolas Sarkozy, tout haut ce que vous pensez certainement très profondément, et que vous n’avez pas dit de manière aussi cash jusque-là ! Et finalement, n’êtes-vous le porte-voix de cette pensée de droite libérale qui honnit les services publics, les « nantis » que sont les fonctionnaires et dont les professeurs constituent le corps le plus emblématique ?

Si peu d’heures de cours devant les élèves, des temps de préparation plutôt aléatoires, mais surtout autant de jours de congés ! Voilà ce que traduisent vos mots !

Quel n’est pas non mon incrédulité devant de tels propos de par le manque de hauteur de vue, de recul mais avant tout devant une telle caricature de la vision du métier de professeur !

Car loin d’avoir une vision objective, cet ancien Président de la République que vous êtes n’évoque pas les conditions de travail, les niveaux de salaires et le vide sidéral des inscriptions aux divers concours. Alors effectivement, Monsieur le Président, si vous aviez pris la peine de vous mettre à la hauteur d’homme et en même temps au niveau de réflexion des hautes fonctions que vous avez exercées, vous n’auriez pu prononcer les mots injustes, blessants et violents qui ont été les vôtres.

Êtes-vous entré dans une classe autrement que pour y faire une photo, un sourire à des bambins de 3, 4, 5 ou 6 ans ? Êtes-vous entré dans un collège, dans les quartiers sensibles, ou en milieu rural, dans des lycées professionnels, technologiques autrement que quelques minutes ou davantage pour là encore saisir la réalité de l’investissement de tous les professeurs, qu’ils soient dans des écoles, collèges, lycées ? Pensez-vous aussi aux professeurs « nantis » qui enseignent dans des collèges, lycées dont l’IPS (indice de position sociale) est tel que l’homogamie sociale y règne au mépris de ce qu’est l’école, creuset de la République ?

Oui, la liberté pédagogique est un trésor ; oui l’autonomie des enseignants est à préserver ; oui le temps de face à face n’est que la partie visible de l’iceberg ; oui l’immense majorité des professeurs sont encore des hussards noirs de la République, ceux qui répondent présents lorsque l’essentiel est en jeu. Alors oui, vos mots ont été blessants, violents, déplacés. Oui, vos sourires entendus et votre humour de circonstance face à un public conquis lors de votre intervention font honte à toutes celles et tous ceux qui ont bâti durant des dizaines d’années cette école, certes imparfaite dans son organisation, fonctionnement, participe à l’émancipation et à la construction d’une citoyenneté apaisée.

L’école, Monsieur le Président Nicolas Sarkozy, est un pilier de la République, fière de son histoire, forte de l’ensemble de ses agents, la plupart dévoués, exigeants et incroyablement innovants pédagogiquement pour que les élèves qui croisent leur chemin puissent construire leur projet de vie.

L’école et à travers elle, toutes celles et ceux qui la font vivre chaque jour, mérite que ces derniers soient respectés pour ce qu’ils sont et ce qu’ils font ! Je ne vous proposerai pas de venir faire la classe dans une école maternelle, primaire ou dans un collège ou un lycée ! Vous préférez certainement les conférences et deviser sur le monde, son état, son destin.

Certes, si je m’offrais le luxe de me mettre à la hauteur des propos que vous avez prononcés, je pourrais évoquer le montant de la rémunération que vous réclamez los de vos interventions. Certainement avec un taux horaire « légèrement » supérieur à celui d’un professeur, fusse-t-il professeur des écoles, titulaire d’un diplôme Bac +5 ? Je ne vous ferai pas l’injure de vous demander quels sont ces taux et de les comparer ! Je ne suis ni le professeur et vous n’êtes pas mon élève, à fortiori, un de « mes » enseignants…Et encore moins de les comparer…Je ne suis qu’un serviteur de l’armée des ombres qui participe à la vie de notre école…

Avec l’expression de ma haute considération,

Un chef d’établissement d’un modeste lycée agricole qui participe à l’aventure d’une école pour chacun !

Le 12 novembre 2024

Veillée d’inspection….

Un des temps qui rythme chaque année scolaire est celui de la visite d’inspectrices ou d’inspecteurs. Redouté souvent par les enseignants, il reste comme le témoignage d’une forme d’infantilisation d’adulte à adulte pour beaucoup, et loin d’être une généralité, il demeure ainsi dans l’inconscient collectif du « corps des professeurs ».
Demain, une jeune enseignante « sera visitée » pour une levée de clause suspensive. Recrutée par mes soins il y a 2 ans maintenant, cette inspection rendra son statut de contractuelle de droit public pérenne. Ce n’est pas rien ! Elle a eu 2 années durant lesquelles elle a pu suivre des sessions de formation, être accompagnée par des tuteurs, où j’ai pu prendre des temps pour proposer des outils, des démarches, répondre à des interrogations. Séquences, séances, supports pédagogiques, interrogations sur le métier…

Ces moments d’échanges sont pour le chef d’établissement que je suis, d’une richesse inouïe. Il ne s’agit pas d’un rapport de sachant à « élève », mais d’ex-collègue à nouveau collègue, mais pas davantage de celui qui parle de lui à quelqu’un qui attend bien autre chose qu’une histoire datée, remplie d’anecdotes toutes plus inutiles les unes que les autres, autour d’une mise en scène toujours d’une rare indigence.

Alors, évoquer les concepts de rite, d’évaluation, formative ou sommative, des grilles d’évaluation capacitaires, des démarches pédagogiques « actives » et non univoquement descendantes, bref, de la transmission des savoirs constitue une respiration que je vis comme un cadeau.
L’enseignante que je baptise Lola a préparé ses documents administratifs, ses professions pédagogiques, mis à disposition le cahier de texte numérique, vérifié les supports de ses élèves, s’est assurée que « sa » salle informatique est en état de fonctionnement optimal, que le vidéoprojecteur l’est aussi.
Combien de fois a du-t-elle répéter sa séance dans sa tête, s’est-elle entrainée avec des collègues, a minuté son temps pour être pile-poli dans les clous…Le compte à rebours a commencé depuis bien des semaines. En effet, étant un vieux de la vielle, je connais les calendriers d’inspection parfois bien à l’avance et transmets immédiatement l’information aux enseignant(e)s concerné(e)s. Cela est un moyen de faire retomber la pression inévitable le plus rapidement possible et de mettre l’enseignant(e) concerné(e) dans les meilleures conditions possibles.

Donner du temps au temps, donner du temps utile, laisser se créer un collectif d’accompagnement, de collègues bienveillants. Et proposer, offrir des espaces de dialogue pour préparer au mieux ce moment qui sera « administrativement » fondateur. Car personne n’est dupe ! Une bonne préparation, bien maîtrisée est plutôt la source d’un apaisement bien utile. Même si le jour J, parfois, rien ne se passe comme prévu ou presque ! Panne de courant, alerte incendie…que sais-je ! Donc le plan B doit être activé ! Et plus la collègue sera préparée à l’imprévu, plus cela sera confortable. Car l’insécurité éducative constitue ce qu’il y a de plus précieux dans une démarche pédagogique permettant à l’inattendu de transformer une séquence ordinaire en un temps extraordinaire.
En tous les cas, passer d’une inspection – évaluation formative prend du temps. Car la culture de l’évaluation est toujours balbutiante, même si elle a progressé. Alors que l’émancipation est un des marqueurs de notre école, l’infantilisation – même si je grossis à souhait mon propos » lors de ces temps d’inspection est trop souvent une réalité. Une révolution culturelle s’impose ! Celle d’une véritable école de la confiance qui aille de l’élève au maître en allant jusqu’au corps de l’inspection. Ce serait enfin le gage d’une véritable ambition faisant de ce pilier de la République un outil à haute valeur éducative. Le désir de transmettre, le plaisir de vivre une belle aventure éducative en choisissant de devenir professeur donnerait un nouveau souffle à notre système éducatif. Avec un brin de formation, un soupçon de considération s’appuyant sur des rémunérations décentes, tout pourrait devenir plus évident.

Alors dans quelques heures, j’accueillerai l’inspecteur de Lola. Je sais qu’il sera dans cette démarche trop peu répandue encore d’un accompagnement plutôt que d’une « évaluation du sachant » ! L’enseignement agricole a un peu d’avance sur cette voie. Puisse-t-il être cette petite lumière qui éclaire le chemin et donne encore davantage de sens à tous les acteurs du système éducatif. Pour une véritable école de la confiance, une école qui construit, se construit et retrouve cette forme d’autorité naturelle bien nécessaire. Une école qui retrouve sa boussole…
Bonne chance, Lola !

Le 18 octobre

Appuyez sur la touche pause…

D’ici quelques heures, le lycée va (re)trouver le calme de ces périodes de vacances qui vont faire du bien à chacune et chacun. Les élèves, étudiants, pour certains vont trouver une nouvelle respiration sur leur lieu de stage. Les apprentissages en milieu professionnel viennent conforter, valider, illustrer le travail fait en classe, en ateliers. Ces moments constituent des outils pédagogiques et permettant de favoriser une insertion sociale et professionnelle des élèves qui choisiront de valider un projet muri et partagé, construit.

Cette période sera aussi pour les parents, l’occasion de retrouver leurs enfants, de prendre le temps, un temps plus conséquent de vie avec eux, plus spécifiquement pour les internes. Ce temps de respiration sera aussi celui des professeurs, des personnels qui depuis une dizaine de semaines pour certains déjà, œuvrent pas à pas, pour que les temps de transmission des savoirs, savoirs faire, être aient toujours davantage de sens. Je mesure depuis mon bureau, cabane parfois, agora, souvent ce dévouement. Ce dévouement qui ne se voit pas, ne s’exprime jamais bruyamment, mais qui se vit au quotidien, heure après heure.
Je mesure les trésors d’inventivité pédagogique, les choix muris et concrétisés des apprentissages en dehors des salles de classe : sorties, ateliers, projets entre classes de différents niveaux ou filières…Ce dévouement, c’est aussi celui des éducateurs et éducatrices de la vie scolaire, leur écoute, les rencontres avec les élèves, les parents, les référents, mais aussi l’enseignante référente pour les questions liées au handicap, les auxiliaire de vie scolaire…Je mesure la chance exceptionnelle de cet investissement de chaque instant que je pourrai comparer à la vie d’une ruche. En mouvement en permanence, qui peut sembler parfois « un joyeux bazar » mais si l’on y prend soin de regarder, fort bien coordonné, articulé…

Le temps de pause permettra à chacune et chacun de reprendre son souffle, un peu d’oxygène. Peut-être des petits temps d’analyse réflexive, mais aussi l’occasion de se dire que nous touchons à l’essentiel, loin des modes, de l’air du temps, des caricatures…Un professeur, un éducateur de vie scolaire, un(e) AVS, ce n’est pas rien dans la vie d’un élève, d’un étudiant…Ce sont des rouages essentiels dans la construction d’un parcours de formation, de vie…

Et puis, je vous l’avoue, il y a ce temps pour moi, ce temps que le chef d’établissement va pouvoir s’offrir. Un luxe ? Le silence et un peu de ce qui est si précieux et qui s’appelle le rapport au temps. Un peu de musique en fond sonore, une lecture un peu plus sereine de la presse, des rendez-vous « choisis » et non pas seulement « obligés ». L’occasion de laisser pour quelques jours, un peu de temps au temps…de faire preuve de cette lucidité bien utile pour décortiquer, démêler, les fils de situations parfois complexes, mais qui ont au bout du bout du sens car elles concernent des élèves…

Prendre aussi du temps pour soi, plus seulement pour les autres, mais pour soi et les siens. Ne pas avoir ce sentiment de « voler » du temps aux siens, tous simplement et laisser pour à peine quelques jours, l’actualité dévorante et anxiogène qui tourne autour des moyens, des suppressions de postes, des orientations budgétaires, des questions de sécurité ou d’immigration…Finalement des questions qui renvoient aussi à l’école, une école pour chacun et non plus une école pour tous !
Alors la force du silence, de l’absence, ce sont des bouffées d’oxygène que je vais vivre comme un cadeau précieux ! Parce que cette force me permettra de voir le verre à moitié plein, sans oublier que le 4 novembre, il ne sera qu’à moitié plein…même si l’école est probablement une des plus belles aventures collectives qu’il nous est donné de vivre ! Mais à cet instant, celui où j’achève cette chronique, je souhaite à chacune et chacun pour cette pause automnale, de vivre avec tranquillité cette période de vacances !

Le 10 octobre 2024

Petit éloge des territoires…et de l’enseignement agricole


L’enseignement agricole a ceci de singulier, que par contrat avec l’Etat, tous les lycées se doivent d’assurer des missions, conformément aux lois de 1984, toutes votées à l’époque à l’unanimité par le parlement. Le Ministre en charge de l’enseignement agricole n’était autre que Michel Rocard, futur premier ministre de François Mitterrand. De cette seconde gauche qui croit davantage au contrat qu’à la contrainte.

A cette époque, à la suite de ministres ayant eu aussi des « fulgurances » comme Edgard Pisani qui a mis sur les routes l’éducation socio-culturelle pour réduire l’écart culturel entre milieu rural et urbain dans les années 60 en s’appuyant sur les mécanismes de l’éducation populaire et la pédagogie de projet, Michel Rocard a eu l’intuition juste…Dépasser le débat entre l’élève au centre ou bien le savoir au cœur a été un choix majeur. Et si finalement c’était l’établissement qui était an centre ?

Au centre de quoi me direz-vous ? Et bien des choix : éducatifs, pédagogiques, aussi parce que l’établissement n’est autre que le carrefour des intelligences multiples.
Ces dernières, que ce soient celles portées par les équipes pédagogiques, éducatives, par les élèves et les parents aussi, les acteurs des territoires enfin. Car que serait la raison d’être d’un établissement agricole, inscrit dans une dynamique rurale, s’il n’en était pas un acteur, parfois majeur ? Embarquant dans cette démarche les associations, les collectivités, les secteurs économiques et professionnels, la loi qui régit par contrat les lycées agricoles constitue un point d’appui essentiel pour permettre l’innovation, l’expérimentation, qu’elles soient scientifiques ou bien pédagogiques. La force d’un établissement agricole est d’être ancré sur un territoire : géographique, historique, culturel, un bassin de vie. Si ces dimensions ont pu s’avérer à un moment de l’histoire de l’enseignement agricole comme une évidence, ce concept même de territoire s’est enrichi. Territoire numérique, virtuel, permettant de penser le monde autrement.

Ce n’est pas pour rien que les ministres successifs, d’ailleurs plus récemment, ont employé l’expression de « trésor du système éducatif ». La taille des établissements, la lutte contre le décrochage scolaire, la transmission des savoirs fondamentaux ou plus largement de tous les savoirs, la démarche d’émancipation et d’accompagnement des élèves et étudiants, en formation initiale scolaire ou par apprentissage, sur le chemin d’une citoyenneté réelle en sont des atouts. Ces établissements, ces lycées qui sont des pépites des territoires sur lesquels ils sont encrochés assurent une insertion sociale et professionnelle de grande qualité. Plus singuliers et moins re-connu est la qualité des professeurs qui y enseignent : parfois titulaires de CAP ou bien de doctorats, ingénieurs aussi, cette richesse peut parfois faire pâlir des établissements ayant pignon sur rue et reconnus de l’éducation nationale…Parfois isolés sur leurs territoires, ils pallient cela par une mise en réseau de leurs ressources. Et vivent les défis à relever, comme ceux de l’écologie avec la force des convictions mais aussi de connaissances pointues dans le domaine de l’agro-écologie.

C’est aussi cela la force de ces établissements encore trop peu connus, reconnus du « grand public », et donc leur faiblesse intrinsèque. Prêts à relever de nombreux défis, y compris bien entendu celui de l’inclusion, de l’élévation des niveaux de qualification, leurs espaces d’autonomie maîtrisée par une organisation modulaire intelligente appuyée sur une vraie pluridisciplinarité, l’énergie et la conviction des équipes doivent se doubler de moyens pour assurer ces missions qui doivent permettre de continuer d’assurer une haute qualité éducative.

Et cela d’autant plus que la mixité sociale et scolaire, refusant toute forme de ghettoïsation, d’entre soi bien-pensant, fait partie de l’ADN de ces lycées, hétérogénéité essentielle comme facteur de réussite. Et si l’enseignement agricole demain, pouvait déployer ses réussites au profit de tout notre système éducatif et continuer de se nourrir bien évidemment de celles de son grand frère de l’éducation nationale ? C’est peut-être cela être audacieux au service des apprenants pour les aider à penser demain…

Le 7 octobre 2024

Petit éloge des professeurs

Cela fait maintenant 25 années que j’exerce les fonctions de chef d’établissement et autant d’années que j’ai rencontré, croisé, recruté, accompagné des professeurs ; des centaines de professeurs. Dans toutes les disciplines, de tous les âges, de tout type de formation, diplômés de CAP ou bien encore ingénieur ou docteur…
Le fil conducteur de toutes ces années ? Un soutien inconditionnel à toutes et tous, chacune et chacun ! Un soutien inconditionnel à leur engagement, à leur désir de faire mieux, au mieux ; à leur lassitude, leurs interrogations, leurs colères ! Et au fil du temps, ce soutien pour être toujours inconditionnel s’est épaissi de ce que l’on appelle expérience ou que je préfère nommer lucidité. Alors ces quelques lignes pour partager un « petit éloge des professeurs » pourrait sembler un peu court. Il est empreint de sincérité, de chaleur et de…lucidité !

Car certes, le métier est devenu complexe, exigeant, peu valorisé ou même peu valorisant. Comme si transmettre le savoir était devenu banal, ou même pire, insignifiant. Le savoir ? Il se dégotte sur internet, accessible à chacune et chacun. Mais penser, aider l’élève à penser, à construire une pensée, à « penser le monde », à réfléchir donc, ce n’est pas anodin.

C’est construire une démarche d’émancipation, c’est aider d’élève à devenir un citoyen. C’est préparer la société de demain. C’est aussi susciter le désir d’apprendre, le plaisir d’être à l’école. C’est une certaine idée de la pédagogie, d’un perpétuel recommencement, d’un travail réflexif nécessaire. Ce sont des heures de rencontres, d’échanges, de construction de projets, de travail de pluridisciplinarité, le tout adossé à la pédagogie de projet. Ce sont des centaines de sujets, de copies, de rencontre avec les parents, les élèves. Et tout cela dans un contexte où la reconnaissance n’est pas là ! A fondu comme neige au soleil.

Certes, l’effet loupe a été destructeur. Car des professeurs absents pour un nez qui coule, cela existe ! Des collègues qui se font porter pâle au moment où il faut assurer les surveillances d’examen, faire passer des oraux ? Oui, cela interroge ! Des collègues qui n’ont jamais mais à jour leur cours depuis des années ? Une réalité ! Des appréciations qui sont des jugements mais que ne supporteraient pas ces mêmes professeurs si elles s’adressaient à leurs propres enfants…Des demandes d’emploi du temps qui n’ont que pour objet de combler une heure « de trou » sous couvert d’une fausse ambition pédagogique…Bien sûr tout cela, j’ai pu l’observer, le vivre, avec cette distance qui s’appuie sur une fausse naïveté…mais m’a permis de mesurer jusqu’où le collectif pouvait en être touché et le bien recevoir des élèves, abîmé. Cependant, cet effet loupe, qui ne concerne qu’une part très réduite des professeurs, ne peut et ne doit faire oublier leur dévouement, les exigences, leur investissement malgré tout…et ce tout, ce sont les populismes ambiants qui salissent une noble mission, déconsidèrent inconsciemment Socrates, Jean Baptiste de La Salle, Jules Ferry et tant d’autres ! Ou les Jean-Michel, Laurette, Laurent*, les visibles, portés au Panthéon de la République, devenus peu à peu invisibles, mais redevenus si utiles en période de crise comme celle de la Covid…

Alors certes, les professeurs, comme chaque personne qui joue un rôle essentiel dans la société de la connaissance et de la transmission, ont des défauts ! Professeur moi-même, j’en ai eu ! Mais à côté des immenses qualités nécessaires à l’exercice de ce métier qui est avant tout celui d’artisan de la pédagogie, j’ai la conviction que ce soutien à la fois inconditionnel et lucide, ou inconditionnel parce-que lucide, est un hommage bien naturel à tous ces professeurs qui sont aussi quelque part, le sel de la démocratie, certes fragile mais « trésor » à préserver collectivement.

Ce petit éloge des professeurs, si mérité, empreint d’affection, restera le ciment de mon engagement pour que les élèves deviennent des citoyens habilement et justement éclairés. Ils le seront par cette transmission des savoirs qui est la force de l’engagement de chaque professeur !

* Afin de n’oublier personne, je n’ai indiqué que quelques prénoms imaginaires….ou pas !

Le 3 octobre 2024

"L'école, voilà qui restera la priorité !"….

Avant le discours de politique générale de Michel Barnier, les signaux étaient passés à l’orange bien foncé…La nomination rue de Grenelle, un peu lunaire, d’Anne Genetet, avait déjà fait tousser au vu d’un parcours inexistant sur les questions d’éducation au sens large, hormis sur celles de parents, comme des millions de concitoyennes et concitoyens. De là à imaginer chacune ou chacun d’entre nous entrer rue de Grenelle, il n’y a qu’un pas que je n’ose franchir. De même, l’enseignement agricole, « trésor » de notre système éducatif au dire des ministres successifs de l’agriculture, est passé sous les radars lors du premier discours de passation prononcé par Madame Genevard…

Mais au terme d’une bonne heure et demie de discours, l’école a royalement occupée, allez, soyons généreux, deux petites minutes ? Et pourtant, fort d’un sérieux que certains commentateurs on comparé à celui d’un évêque dans la forme, lorsque le premier ministre a dit « L’école, voilà qui restera la priorité », j’ai presque frémi d’impatience, attendant la suite du propos ! Il faut dire qu’après un long plaidoyer pour une politique budgétaire visant la réduction des dépenses publiques de manière drastique après une envolée sans précédent de la dette et du déficit public, il ne fallait pas s’attendre à des miracles. Reconnaissons à Michel Barnier d’avoir d’emblée, annoncé la couleur. Ce serait l’austérité pour revenir en 2029 au 3% de déficit de la règle commune européenne.

Pas de miracle donc, mais comment faire mieux avec peu ou certainement moins…Comment l’école le pourrait-elle ? Comment les professeurs eux aussi auraient la capacité de réaliser des miracles ? Certes, pour mieux masquer l’indigence d’un discours et des « propositions » dont l’audace est loin d’être le qualificatif le plus approprié, a été évoqué « la fin de l’argent magique, de l’illusion du tout gratuit, de la volonté de tout subventionner ». Nous sommes tellement loin de cette école gratuite chère à Jules Ferry, celle qui coûte chaque année, toujours plus cher aux familles ! Certes, la confiance aux professeurs une fois réitérée, le soutien renouvelé à la fonction, l’à peu près prend le pas sur l’écume et laisse place à une réalité moins flamboyante. En confondant « absence » et « manque de professeurs », le premier ministre montre là toute la méconnaissance du système éducatif et de son fonctionnement.

Cette manière quelque peu inélégante de limiter les vraies questions de l’attractivité du métier en les noyant dans l’océan des questions « d’absentéisme » ne peut qu’aboutir à alimenter un discours populiste ambiant bien condescendant et peu flatteur pour les professeurs, professeurs d’ailleurs moins absents que d’autres corps de métiers ! Alors, limiter les dysfonctionnements du système éducatif à l’organisation dans les établissements, ne pas vouloir évoquer la question des moyens ou de la mixité sociale est une erreur de lecture fondamentale. Si l’on peut donner un bon point au premier ministre sur la pause qu’il envisage concernant les réformes, une réflexion autour de la formation des professeurs, la cerise sur le gâteau concerne l’appel aux retraités !...Pour palier des absences, accompagner les nouveaux professeurs dans le métiers ! Quelle idée saugrenue ! Non seulement, par le passé cet appel n’a jamais fonctionné et puis compter sur des personnes usées par une longue carrière n’est certainement pas une solution pertinente et cela montre la méconnaissance du métier !

Finalement, l’école sera-t-elle une priorité ? L’école sera-t-elle considérée comme un investissement et comme un bien commun à consolider ? Car l’école n’a pas besoin de chocs ! Simplement de confiance, de justes moyens et d’une ambition partagée !

Le 1er octobre 2024

Des maux, des mots…Les prémices d’une démarche pédagogique et éducative !

Vingt-six élèves en 4èmes de l’enseignement agricole. Nombre d’entre eux brisés comme personnes. Trop d’élèves meurtris par ou pour l’école. Avec l’équipe pédagogique et éducative et principalement le professeur principal et la responsable de vie scolaire, j’ai pris le parti de consacrer tout le temps qu’il me semble juste et utile pour accompagner ces élèves sur un chemin au départ chaotique mais qui les conduiront pour la plupart vers de CAP ou autres formations professionnelles. Ecouter, mais de manière active chacun ; comprendre les ressorts de ces parcours abîmés ; trouver les moyens de faire en sorte que demain soit meilleur qu’aujourd’hui ! Accompagner aussi l’équipe en étant attentif à chaque adulte qui peut douter, être parfois en souffrance face à ces jeunes qui en vrac peuvent parfois déraper dans leur expression, dans leur comportement, dans les travaux qui leur sont demandés. Quelques-uns ont une notification pour être accompagnés par une aide humaine, disposent d’une tablette ou d’un ordinateur et maintenant une application MyDys pour les aider tant à l’école que dans leur vie quotidienne à compenser leur(s) handicaps(s) dys !

Alors je suis pleinement conscient de l’exceptionnelle justesse des mots que m’a adressés Eve Ricard, à la suite de la lecture de « la dame des mots ». Ils sont si prégnants qu’ils m’obsèdent au sens premier du terme : « pour qu’une parole d’enfant ne soit jamais oubliée ; pour voir dans son regard s’ouvrir la porte du vaste monde ; pour faire entendre son cœur faire tomber les chaînes de sa souffrance ».  Ces mots qui s’emparent de moi lorsque je cherche les voies les plus simples et appropriées afin de les accompagner vers la réussite, mais ils ont raisonné de manière tout à fait particulière lorsque je me suis interrogé sur mon rapport aux collègues enseignants. Que puis-je faire et comment faire, être, quelle posture adopter face à ces situations qui peuvent être complexes, douloureuses ? Et bien je me suis dit tout simplement que remplacer le mot « enfant » par « adulte », tout cela avait un sens, avait du sens.
Mais ce sont encore les mots, les regards, les rencontres avec l’éminent pédopsychiatre Marcel Rufo, ses écrits, ses « outils », pratiques, démarches, utilisés lors de ses consultations qui résonnent en moi. Humilité et humanité, cette forme d’investissement, de mission qui engagent. Rien n’est laissé au hasard, mais tout finalement peut s’avérer prévisible ou pas ! C’est ce qui fait aussi la noblesse de l’homme de bien qu’est ce connaisseur extra-ordinaire des adolescents. Finalement, je retrouve en mettant tout bout à bout, cette si jolie phrase d’Albert Jacquard « Je n’ai pas à être plus fort que l’autre. Je dois être plus fort que moi…grâce à l’autre ! » comme horizon….

Quelle responsabilité finalement ! Je me retrouve porteur, investi – au sens d’investissement – au premier plan, car à l’articulation de deux mondes faits pour se rencontrer, s’apprivoiser, s’enrichir ! Encore faut-il trouver la clé, ou les clés. La première que j’ai souhaité expérimenter est celle de la rencontre : rencontre des élèves, rencontre des enseignants et éducateurs, rencontre conjointe ou parfois séparée. Cette démarche est pour moi première et exigeante car elle met à nu chacun des participants pour peu que l’on s’implique sans esquiver les vraies questions, que ce soient celles du savoir, savoir-faire et savoir être ; le tout en alliant bienveillance et fermeté, attention et rigueur, respect et vérité. Mais aussi en faisant émerger une solution portée elle-même par l’élève, validée par les parents lorsqu’ils ont cette attention à leur enfant bien nécessaire et dont je dois leur faire toucher du doigt la puissance.
Tout ceci est consommateur : de temps, d’énergie. Tout ceci n’a de sens que si cette démarche se pratique dans la durée. Tout ceci ne peut être qu’un point de départ. Celui de la tortue et non du lièvre ! Ecouter, être attentif, accompagner, encourager mais ne pas leurrer, ne pas trahir ce que l’on est pour se détourner de ce chemin lorsqu’il est plus difficile que prévu, lorsque les résultats se font attendre, lorsque l’immédiateté qui est le mal de notre « temps moderne » doit céder la place à une « slow attitude ». Les confrontations, les frictions, les sanctions, les félicitations, tous ces temps sont les faces d’un même dé. Je suis prêt à tout entendre : pourquoi donner autant de temps aux élèves qui ont un savoir être si éloigné de ce que l’on peut attendre ! Il faut être beaucoup plus virulent sur les sanctions, que sais-je encore…

Je crois simplement que la constance est la mère de toutes les sagesses. Et l’éducation est un bien trop précieux pour ne pas faire attention aux mots, aux clés que l’on utilise afin mettre cette démarche en perspective. Combien de fois j’ai eu le plaisir de retrouver quelques années après, des élèves « compliqués » et qui reconnaissants de ce que nous avions mis en place au prix d’énergie, de sueur, afin de les conduire vers leur avenir que nous avions contribué collectivement à éclairer et à co-construire ?

Plusieurs fois, j’ai été amené à répondre à une question légitime posée par des enseignants sur cette difficulté à accueillir, accompagner certains élèves : comment faire, comment répondre à une forme d’impuissance liée à un manque d’outils pédagogiques ? Certes, le regard ne fait pas tout, loin de là. Mais la nature du regard peut permettre un début de démarche, d’inventivité pédagogique, de travail collaboratif utile et pertinent !  Rien n’interdit l’intelligence collective ! Pour peu que l’on mette en avant l’idée auprès selon laquelle « je n’ai pas à être plus fort que l’autre. Je dois être plus fort que moi…grâce à l’autre ! ». Ainsi, le désir et le « plaisir d’apprendre » pourraient devenir l’alpha et l’oméga des parcours de formation de ces jeunes brisés à l’école !

Le 17 septembre 2024

Uniforme, vous avez dit uniforme ?

Imposer l'uniforme à l'école est-elle une idée juste pour préparer nos enfants à une société faite de diversité ? L’uniforme aujourd’hui est une vielle lune qui veut faire croire que la surface est plus importante que le fond. En effet, et sans caricaturer la position de celles et ceux qui y sont favorables, cette idée de l’uniforme s’appuie sur des circonstances particulières. Comment résoudre la question de l’abaya ? L’uniforme ! Au nom de la défense de la laïcité, l’uniforme donc ! Mais aussi au nom de la lutte contre les discriminations sociales et le harcèlement. Et comme la culture jacobine est encore celle qui irrigue l’administration centrale et nos institutions, cette « solution » doit à terme s’appliquer partout sur l’ensemble du territoire métropolitain. En absurdie, ces questions auraient lieu d’être ! Mais nous sommes bien ici et maintenant, en France et en 2024.  

Qui peut prétendre que la solution pour résoudre la question des inégalités scolaires soit l’uniforme ? Qui peut prétendre que pour résoudre les questions de harcèlement scolaire soit l’uniforme ? Qui peut entendre aujourd’hui que le modèle « jupitérien », jacobin, soit la matrice pour résoudre ces questions éminentes ?
Parfois dans des écoles sous contrat avec l'État, parfois quelques expérimentations dans des établissements publics ou bien encore dans des écoles militaires... Mais l'essentiel, sur les photos jaunies par le temps, ce sont ces blouses portées par les écoliers, à une époque où les encriers étaient les meilleurs amis des élèves et les meilleurs ennemis des mamans qui devaient laver les vêtements de leur progéniture !

Soit, imaginons un uniforme, afin de créer ce sentiment d'appartenance, cet effacement des inégalités sociales. Mais pour ajouter de l'absurde à l'absurde, faudrait-il aussi une uniformité des chaussettes, des trousses, des stylos ? Ou jusqu'où aller au bout du bout de l'ineptie... Mais plus sérieusement, les expériences récentes montrent que l'uniforme dont on dit qu'il "a réussi" relève d'une malhonnêteté intellectuelle manifeste : dans un internat d'excellence ? Mais les élèves avaient été sélectionnés pour leurs capacités de travail, leur appétence de l'école, au-delà de leur milieu social.

Il y avait pour ces jeunes, un ADN commun de ce désir d'apprendre qui dépassait largement la question des inégalités sociales d'origine et donc le port de l'uniforme, dont l'objectif était de contribuer à un climat scolaire serein, n'avait pas de sens. Des collèges et lycées sous contrat avec l'État, de centre-ville dans des quartiers aisés ont parfois mis en œuvre l'uniforme... mais... nous sommes loin de l'hétérogénéité sociale ! Nous sommes plutôt dans une forme d'endogamie opposée à une mixité sociale cœur de la réussite scolaire, et ceux qui prétendent que l'uniforme a comme sens celui de gommer les inégalités sociales se fourvoient !

C'est davantage une volonté d'appartenance à un groupe, un milieu social, une forme d'entre soi excluant et non visant à l'inclusion... Mais au-delà de ce débat, parfois tellement caricatural mis en avant ces jours-ci au nom des valeurs des écoles de la Républiques de manière bien hypocrite, c'est le fond qui manque ! Les questions de transmission des savoirs ? Rien ! Désir et plaisir d'apprendre ? Que nenni... Formation des enseignants ? Diable, non ! Émancipation des élèves et démarche d'esprit critique ? Morbleu... bien entendu pas un mot ! L'autorité des maîtres ? Peut-être mais dans une version "autoritaire"... Économies, réforme du baccalauréat général et étouffement progressif du baccalauréat technologique, "maîtrise des moyens" pour les filières professionnelles... N'est pas Napoléon Ier qui veut, qui en 1808, créait le baccalauréat, la licence et le doctorat afin de former la future élite de la nation...

Ce n'est pas de la nostalgie, mais simplement une mise en perspective de notre patrimoine commun ! Dans ce débat, ceux qui s'opposeront, comme je le fais ici, à la généralisation de l'uniforme, seront taxés de "pédagogo", de nostalgiques des années 68 ! Aucune nostalgie, aucun retour à "un âge d'or" qui n'a jamais existé !
Mais l'histoire de la pédagogie ne peut être balayée d'un revers de main. Donner du sens aux apprentissages, travailler à la transmission des savoirs, faire le choix des pédagogies appropriées, insister aussi et d'abord comme le dit justement Marcel Rufo sur la toute petite enfance... C'est à la racine qu'il faut engager les chantiers de lutte contre les inégalités sociales et d'abord le faire à l'école ! Mais réduire cela à un faux débat pour ou contre le port de l'uniforme dans les établissements scolaires est un non-sens intellectuel et politique.

Il ne faut pas se tromper de bataille, ou utiliser ce débat pour opposer à nouveau l'ancien monde au nouveau monde, les pédagogos de l'ancien monde aux pédagogues moderne d'aujourd'hui, ceux qui, au nom du libéralisme, souhaitent l'explosion d'un modèle certes, imparfait mais qui permet l'innovation pédagogique, au profit d'un "modèle sans règles" et ou la concurrence l'emporte définitivement sur la coopération.

Si enfin le port de l'uniforme est la voie de la standardisation et de l'uniformité, c'est aussi trois fois non ! Les personnels des établissements sont assez responsables pour "gérer" les excentricités "potentielles" au nom desquelles ce débat a aussi vu le jour... Mais depuis quand, les acteurs publics qui ont lancé ce débat, n'ont-ils pas mis les pieds dans un établissement scolaire, une classe, hors d'une visite "ministérielle" préparée au millimètre ?

L'école, creuset républicain, est aussi le lieu de l'apprentissage de la diversité, la conscientisation des jeunes qui sont des citoyens en devenir ! Pour le reste, reconquérir intellectuellement une laïcité malmenée, par-delà des réponses purement circonstanciées et répondant à une fausse urgence ; faire vivre la diversité et la mixité sociale à l’école car lorsque les jeunes quittent leur établissement, cette mixité sociale leur sautera au visage et ils pourraient nous reprocher par la suite d’avoir imaginer les tromper…Que ces élus et décideurs qui n’ont à la bouche que l’autorité, l’uniforme, viennent vivre dans les écoles et ne surfent pas simplement sur l’écume médiatique en répétant les contrevérités s’imposant comme de fausses vérités, relisent ceux que disaient les pères de l’école ! Y compris les pédagogues audacieux des siècles passés ! Ils en seraient surpris et peut-être moins enclin à évoquer ce fameux âge d’or de l’école…

Un soupçon d’humilité, une pincée de lucidité ne feraient pas de mal à l’école. Suffisamment abîmée, elle doit pouvoir se reconstruire dans un processus de résilience…

Le 9 septembre 2024

C’est parti….

Un des charmes de l’enseignement agricole est la taille des établissements ! Il est une des variables clé qui pourrait constituer un point de réflexion utile sur ce que pourrait être l’école demain et constitue, comme e célèbre économiste Ricardo le disait, un véritable avantage comparatif…Le village scolaire plutôt que la cité scolaire, devenue parfois un « monstre » impersonnel et souvent impotent…Alors ce matin, c’est parti ! Comment ?

Un peu comme me l’exprimait avec amitié et malice le pédopsychiatre Marcel Rufo. Certes, le diplôme pour devenir pédopsychiatre est incontournable, mais c’est bien la clinique qui fait LE pédopsychiatre ! Alors effectivement, ce matin c’est parti ! Et c’est bien la rencontre, le lien direct avec les familles, les élèves et étudiants, les collègues qui fait le chef d’établissement…J’ai retrouvé ce matin et plus vite que prévu, une semaine après la rentrée, ces moments uniques. Premier temps, celui du café en salle du personnel.

Il a coulé, chaud et fumant ! Les premiers collègues arrivés, les discussions du week-end viennent sur le tapis ! Elles tournent essentiellement autour du ballon ovale et c’est tant mieux ! La photocopieuse elle aussi est au rendez-vous ! Les sourires, les premiers clins d’œil, quelques blagues et la journée va pouvoir commencer. Il est assez singulier que n’aient pas été abordées des questions sur les cours, sur des situations d’élèves ou autres…L’année débute doucement, tranquillement et c’est bien ainsi. Je ne sens pas de climat anxiogène, de celui qu’évoquent en boucle les médias et plus particulièrement les chaînes d’information en continu.
En tous les cas, tout ce qui fait l’actualité nationale n’est pas au rendez-vous de la salle du personnel…Deux premières rencontres ce matin ! La première concerne un élève et sa grand-mère pour un changement d’orientation. Nous échangeons, dialoguons. Pas de langue de bois. Seconde générale ou seconde professionnelle…pour aller retrouver des camarades connus cet été ? Seconde générale ou bac pro « électricité » ?

Grand-mère un peu perdue, élève assez « fermé »…Prendre le temps, laisser du temps, se donner quelques jours de recul. Il ne s’agit pas pour ce qui me concerne d’asséner des vérités du « vieux sage » qui sait tout sur tout. Trouver, ou du moins essayer de trouver la clé de ce qui permettra à l’élève devant moi de se poser et d’écouter et d’entendre, de laisser l’immédiateté sur le bord du chemin pour tenter de se projeter, un peu. De la sérénité, des mots que j’espère justes, à hauteur d’homme, pas donneur de leçon pour deux sous, mais sans cacher les enjeux. Rien n’est jamais définitif ! Et j’enchaine avec une deuxième rencontre avec un « petit jeune » de classe de 3ème en présence de sa maman et de la responsable de vie scolaire.

En fin de semaine, avec un de ses camarades de classe, il s’est couché avec un de ses camarades devant le véhicule d’une collègue qui entrait au lycée…Elève bien connu, arrivé l’an passé en classe de 4ème de l’enseignement agricole ! Nous parlons, échangeons. Les mots sont clairs, toniques, respectueux, mais sans concession. Quelle signification avait ce geste ? Nous arrivons à un contrat, verbal, certes, mais contrat tout de même. Nous nous serrons la main. Nous avançons. La force des mots, des gestes, la clarté de l’engagement et de la parole donnée. Une démarche éducative exigeante mais qui mérite d’être explorée.

La confiance, c’est la parole donnée. Une ligne de crête juste. Cette démarche est essentielle. Elle me semble éprouvée. Et nous la renouvellerons autant de fois que nécessaire. Parce-que la constance, la cohérence se nourrissent mutuellement. La confiance n’est pas simplement un pari, mais bien une des clés de la construction d’un parcours éducatif. Parce-que la transmission des savoirs passe aussi par un chemin de traverse. Bientôt 10h15, heure de la récréation du matin. En salle des professeurs, un brouhaha amical, convivial. Un gâteau à partager. L’anniversaire de mon adjoint. Cette semaine sera celle des évaluations, celles décidées d’en haut…Au-delà des objectifs, quels moyens pour en faire des outils d’une réussite pour chacune et chacun…Cela est une autre histoire...

Le 2 septembre 2024

De la loi SRU pour l’habitat à une loi SRE pour l’école !

La rentrée passée, une équipe au complet, les élèves et étudiants sur les rails d’une école attentive et exigeante, le calme revient peu à peu en cette première soirée. Soleil éclatant ce matin, ciel gris et qui pleure ce soir…Dans la solitude de ma cabane, je m’offre le luxe de mettre un fond musical, de laisser du temps au temps en me disant que les coups de fil non passés attendront demain. J’ai pris le temps d’écouter le très enrichissant et rafraîchissant « Troubles “dys-”, TDAH, HPI : des singularités scolaires au phénomène de société » où à deux voix Philippe Meirieu et Isabelle Ducos Filippi nous invitent à prendre le temps de nous élever et de nous arrêter pour penser. Le luxe aussi d’avoir pris le temps d’échanger longuement avec Anne Domonnet-Leca, Présidente de VoxDemeter, sur la mixité dans l’agriculture et plus spécifiquement dans l’enseignement agricole. Ces moments rares font du bien, tout simplement. Aident à donner du sens à cette fonction qui ne peut être pas seulement fonctionnelle, heureusement…Tourbillon, farce – si cela n’était sérieux – comico-tragique de la nomination d’un nouveau premier ministre… Lecture de Libé et enfin une bière partagée avec des collègues à l’issue de cette première journée intense. Mais dans ma cabane, je mets des mots sur ce qui a du sens pour aide, contribuer à construire demain, ce que je crois…Et voilà ! Et sur la mixité, un vrai et juste levier de la réussite des jeunes…Certes à rebours des idées reçues…et des populismes en vogues. Une loi SRE comme pendant à la loi SRU ? Et si cela était la première pierre d’une vraie réforme ?

Encore un acronyme donc? Certes mais après la loi de solidarité pour le renouvellement urbain promulguée en décembre 2000 portée par Jean-Claude Gayssot puis renforcée par Cécile Duflot en 2013, pourquoi ne pas réfléchir à une loi de solidarité pour le renouvellement de l’école ? Si un des objectifs de la loi SRU  était la fois la solidarité et la construction de logements sociaux sur l’ensemble du territoire, une loi SRE pourrait s’appuyer sur un corpus de transformation de l’école pour plus d’égalité, un des grands échecs de la massification et démocratisation n’ayant malheureusement pas abouti à une réduction des inégalités sociales dans notre pays, l’ascenseur social si cher à nos principes républicain étant en panne, sans oublier les résultats désastreux en termes de classement internationaux selon les enquêtes PISA.

Contrairement aux idées reçues et véhiculées par une idéologie racontant un roman national d’une école qui « était mieux avant » qu’elle ne soit une école pour tous, la mixité scolaire est un gage de réussite et d’excellence. Le remarquable travail publié dans leur dernier livre « le ghetto scolaire – pour en finir avec le séparatisme » montre que c’est le bien ce dernier qui sclérose l’école et que réinventer la mixité est la voie à privilégier. Alors comment procéder avant que les séparatismes sociaux ne l’auto détruisent ? Une politique publique volontariste doit permettre la mise en œuvre d’outils forts qui permettront une réforme en profondeur du système éducatif, incluant à la fois les établissements publics et privés sous contrats, associés au service public de l’éducation.

Cela permettra d’éviter un séparatisme idéologique, permettant de dépasser les clivages parfois caricaturaux entre établissements publics réservés à des « élites sociales » et privés sous contrat dans des territoires abandonnés de la Républiques et inversement. Des critères de mixité sociale, documentés, chiffrés adossés à une refonte de la carte scolaire afin d’éviter son contournement systématique malgré son assouplissement au fil du temps, à la mise en œuvre d’une autonomie maîtrisée et décentralisée doivent aboutir à une réforme profonde et juste du système éducatif.

Ainsi, la une base théorique de moyens attribués aux établissements, pourrait se voir modulée selon l’atteinte de critères mesurés de mixité fondé sur les taux d’élèves de boursiers, la photographie sociale des familles à travers un IPS renouvelé et adapté aux territoires. Un système de bonus-malus pourrait ainsi voir le jour créant un fond de moyens dits « de solidarité » accompagnant une autonomie décentralisée en lien avec les collectivités territoriales responsables de chaque niveau d’établissement. Cela permettrait aussi de lutter contre les inégalités territoriales. Une réforme en profondeur de l’école est possible pour peu que l’on ne renonce pas à une école comme pilier essentiel de l’émancipation, de transmission des savoirs et de construction d’une citoyenneté éclairée.

Le 29 août 2024

Encore du silence avant le rush de la rentrée…


Comme chaque fin d'été, je mets un peu d'ordre sans « ma cabane », celle qui me sert de havre de paix durant ces quelques semaines de pause estivale. Pas de devoirs de vacances, mais simplement quelques ouvrages que je n'ai eu le temps de lire au cours de l'année scolaire achevée, des activités en famille...prendre le temps, du temps ; pour soi et les autres, ce que l'on aime. Un chef d'établissement est aussi et probablement davantage attaché à l'humain, par goût, par son éducation, par ses rencontres au quotidien avec les élèves, étudiants, collègues, parents, acteurs du secteur associatifs, élus...
Oui, sur cette « table ronde des rencontres » dans mon bureau, se trouvent des ouvrages de Dolto, Rufo, Meirieu, Montessori, Luxembourg, D’Ormesson ou De Hennezel…et ainsi que sur la toréro Lea Vicens. De quoi rassurer, nourrir, me rassurer, me nourrir, moi qui peste sur cette paresse intellectuelle qui est le poison de nos décideur politiques…

C’est aussi l’occasion d’agencer autrement les murs de mon bureau, de « ma cabane » : Victor Hugo et un extrait de sa lettre à Juliette Drouet, la Rose et le Réséda d’Aragon ou encore une photo magique et d’une humanité rare de 2 frères au sens propre et figuré réalisée par un artiste et ami basques Zigor ; aussi quelques playlists aussi bien de jazz, du festival Ravel, de variété ou de heavy métal de Gojira...et en fond, un air de Traviata interprété par l’exceptionnelle – et très engagée - Soprano franco-américaine Erminie Blondel, venue en mai dernier faire entrer l’Opéra au lycée…Certes, le silence enveloppe le lycée et ma cabane pour quelques heures encore….Mais nourri de ce que je suis devenu au fil du temps, tout simplement un chef d’établissement….convaincu que l’éducation est la mère des batailles…

Dans un coin de ma tête, les dossiers de la rentrée, déjà « ouverts » à la fin de l'année passée... Une rentrée singulière, sans pilote politique, des réformes rejetées mais en pause, des outils pédagogiques en attente, des kits de cours d’empathie : des noms « barbares » pour beaucoup, et parfois absconds même pour moi-même, alors que cette année, c'est ma vingtième cinquième rentrée comme chef d'établissement !

J'ai, il y a quelques jours – le 19 août - repris le chemin de mon bureau. Un établissement « sans élèves, collègues, parents, sans vie » a autant de sens qu'une boulangerie sans pain ou qu'un journal sans lecteurs ! J'ai repris le chemin avec une forme « d’appétit », un soupçon d’énergie, en me disant que l'essentiel, était de rester fidèle à mes convictions selon lesquelles l'école est le lieu par excellence de l'accompagnement de l'émancipation des citoyens en devenir que nous contribuons à former...Les conditions de travail des collègues enseignants et personnels administratifs et techniques doivent être à la hauteur de la mission, les parents bientôt accueillis, les acteurs et partenaires respectés et écoutés.

C'est tellement davantage l'école, les écoles dans la République ! C'est l'Histoire que nous poursuivons à la suite de tous les éducateurs du siècle des Lumières, et pour n'en oublier aucun, je n'en citerai donc aucun ! Cette responsabilité confiée est écrasante, mais aussi tellement enthousiasmante par ce qu'elle implique pour demain, pour la société de coopération pour laquelle je m'investis chaque jour, que cette forme de bonheur « égoïste » m'envahira lorsque le premier élève franchira le 2 septembre, le portail du lycée !

Je ne suis pas fatigué, ni encore tout à fait las ! Mais tellement rassuré parce-que que les nouvelles et nouveaux collègues enseignants seront à la hauteur : à la fois de la situation, mais aussi à hauteur « d’homme » !

J'ai en mémoire ces dizaines de « Frédéric, d’Axel, de Patxi » qui ont croisé mon chemin, élèves dits « à besoins particuliers », qui obtiennent leur Certificat de Formation Générale – CFG - ou bien trouveront leur voie dans des dispositifs adaptés mais de plus en plus fragilisés ! S'il y a de la noblesse à accompagner un(e) élève qui a 18 de moyenne en classe de terminale générale, il y en a tout autant à offrir une attention aux plus fragiles.
Cela en dit aussi long sur le regard de la société sur « les fragilités » en son sein ! Oui, une société fondée sur la coopération a plus de valeur pour moi que celle fondée sur la concurrence qui vise à écraser le plus faible, même si ses tenants parlent de la réguler – pour rendre la douleur moins intense certainement !
Je m'étais promis de ne pas écrire un texte engagé, mais je suis incorrigible ! Choisir d'être au service de l'école, c'est s'engager ! Je demeure un fervent partisan de ces pédagogues qui croient en cette école émancipatrice, créatrice, innovante, accueillante ; cette école qui donne une chance à chacune et chacun pour que dans un « temps long de l'Histoire», la misère – expression si juste utilisée par ATD Quart-Monde et Geneviève Anthonioz De Gaulle, sous toute ses formes ne soit pas une violence de plus!

L'école n'est jamais aussi elle-même que lorsqu'elle est fidèle à ses missions dont la transmission des savoirs demeure le cœur, au service d'une société solidaire. Parce que le défi majeur est maintenant de passer d’une école pour tous à une école pour chacun où la mixité sociale bien pensée et construite sera un moteur de la réduction des inégalités scolaires puis sociales ; où l’insécurité pédagogique reliée à la liberté du même nom sera promue ; où une école de la diversité prendra le pas sur celle de l’uniformité et de l’uniforme, d’une autonomie maitrisée adossée des coopérations en réseaux. Je serai au rendez-vous de cette rentrée !

Le 21 août 2024

Une rentrée si singulière… 

Revenons quelques semaines en arrière ! Les élections européennes ont constitué un premier tremblement de terre de part et le taux de participation et des résultats à la fois calamiteux pour la majorité présidentielle et très bons pour le rassemblement national et encourageants pour la gauche sociale-démocrate. La dissolution et les résultats des élections législatives qui ont suivi ont été une réplique au moins aussi forte que le premier choc.

Trois blocs, de taille à peu près équivalente, mais chacun loin d’une majorité relative pouvant être toutefois convenable pour envisager de gouverner sans trop d’encombres. Habituellement, l’été est propice à évoquer la rentrée : sociale, politique et cette qui est un rite, la rentrée scolaire. Depuis maintenant quelques semaines, au-delà du couvercle que jouent les JO 2024 et leur exceptionnelle réussite populaire, sportive et en termes de cohésion, le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes, ne décide de rien…ou parfois sous couvert de mesure techniques travaille à un budget « hors sol ».

Est-ce à dire que la haute fonction publique est aux manettes, palliant le vide démocratique résultant de l’absence de décision du Président Macron de nommer un premier ministre et un gouvernement ? Comme si le temps n’était ni précieux, ni si rare au point de gaspiller cette ressource comme si elle était renouvelable. La paresse intellectuelle qui a été au cœur des politiques éducatives depuis des années n’est pas près de céder la place à de vraies réformes s’appuyant sur un corpus idéologique solide.
Des propositions ont été faites durant la campagne législative : gratuité des fournitures scolaires, mutualisation des moyens selon des objectifs de mixité sociale puis d’autres visant à structurer une école du tri par la mise en place d’un examen d’entrée en 6ème, l’orientation précoce des collégiens, l’éloignement des élèves violents et accueillis dans des structures coercitives et ce jusqu’à 16 ans, mise en place de groupes de niveaux rebaptisés groupes de besoins…

J’ai pris soin de présenter un bouquet de propositions qui pour bon nombre se verront heureusement pas le jour, mais qui pour d’autres entreront en vigueur comme le résultat d’un déni démocratique et d’un coup de forcé éducatif adossé à un fumeux choc des savoirs ! Pas plus que celle de l’approfondissement de la liberté pédagogique, d’un véritable moratoire des fermetures de classes en milieu rural ou bien d’un approfondissement des moyens et démarches pour une école pleinement inclusive.

L’indigence et l’irresponsabilité au plus haut sommet de l’Etat font que le système éducatif est pris en otage ! Peut-on imaginer une rentrée sans lettre d’une ou d’un ministre à ses personnels ? Peut-on imaginer un budget impréparé, ou simplement une reconduction de celui de 2024 ? Peut-on imaginer des décisions techniques, de fonctionnaires assurant la gestion courante d’un bien commun non adossé à des choix politiques ? Le système éducatif est à la croisée des chemins.

Des choix politiques clairs doivent être mis en œuvre, non pour corriger à la marge des incohérences passées, mais assumer une transformation réelle afin de relever les défis de l’organisation du système éducatif, de l’autonomie des établissements, de la mixité sociale et de la répartition des moyens, de la laïcité, de la formation des professeurs, de la transmission des savoirs, de l’orientation des élèves, de l’autorité. Cette liste est longue mais n’est le fait que de l’absence de réflexion et de choix au regard des insuffisances révélées par exemple dans les classements internationaux PISA. La rentrée se fera, certes, mais en ayant refusé de considérer l’urgence de ce que constitue le plus important des investissements d’avenir, l’école.

Il est temps de s’attaquer en profondeur à un système qui sous couvert de bonnes intentions fondées sur l’égalité des chances a été aussi producteur d’inégalités sociales. Le petit poucet du système éducatif, l’enseignement agricole, a lui aussi des vertus qui pourraient donner un nouveau souffle au système éducatif dans son ensemble. Michel Rocard, en 1984, a eu cette fulgurance de comprendre qu’un enseignement mettant l’établissement au centre, fondé sur un contrat décliné en missions, donnant une autonomie certes encadrée mais déconcentrée et à la main des équipes, était une voie permettant de fédérer les intelligences.

Laboratoire du système éducatif, lieu de mixité et d’inclusion, d’excellence, d’innovation pédagogique, l’enseignement agricole pourrait constituer un point de départ utile pour que notre école dans son ensemble soit celle de la réussite, de l’insertion sociale et professionnelle. Si la massification et la démocratisation ont conduit à la construction de citées scolaires « impersonnelles », la taille des établissements constitue, comme leur mise en réseaux, des atouts incontournables. La République ne peut ignorer que l’école a besoin de respirer avec son environnement, au cœur d’un éco-système qui fasse de chaque établissement scolaire un acteur vivant. C’est cela la véritable école de la confiance ! Bonne rentrée à chacune et chacun…