Les premiers matins du monde Gigi Bigot à partir d'un conte des Indiens Cherokee |
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C'est le premier matin du monde. C'est le premier rêve. Le premier matin du monde. La lumière se lève et joue comme un enfant. Elle danse, elle file, se faufile, fait des galipettes. Et comme tout un chacun, comme vous, comme moi, elle cherche à se réaliser… Elle cherche, elle trouve : elle devient transparence… Et la transparence commence son règne dans l'univers. Elle explore, elle expérimente tous les jeux de couleurs. Et voilà qu'à son tour, elle se met à rêver, à s'emplir du désir d'autre chose. Elle qui était si légère, si impalpable, elle rêve d'être lourde, d'être grosse. Elle rêve du caillou et le caillou apparaît. C'est le troisième rêve. Le troisième matin du monde. La fleur pousse, sort sa tête, la tourne de tous les côtés, se balance, s'étire, essaye des couleurs, invente des parfums et comme tout le monde, elle cherche à se réaliser. Elle cherche et elle trouve. C'est l'arbre. Et l'arbre à son tour règne sur le monde. Il enfonce ses pieds dans la terre, s'enracine, touche le ciel avec sa tignasse. Alors, forcément, la tête dans les nuages, il se met à rêver. Lui, si ancré, il rêve de se déplacer, de passer partout, partout comme… comme… comme un ver de terre. C'est le quatrième rêve. Le quatrième matin du monde. Lui, le ver de terre, ce moins que rien, ce petit minus, après avoir joué sur la terre et sous la terre, après avoir creusé des tunnels, franchi des bosses et des creux, lui aussi cherche à se réaliser. Pourquoi pas ? Il tâtonne. Il essaye. Il tente. Nous sommes le cinquième rêve. Le cinquième matin du monde. En marche vers le cinquième accomplissement. Allez, en route ! Puisque dans la transparence cohabitent tous les jeux de lumière. Puisque dans chaque caillou au bord du chemin dort un cristal. Puisque dans le plus petit brin d'herbe sommeille un baobab et dans le moindre ver de terre se cache une baleine. Alors dans chaque homme… |