REMEDIATION Le développement des dispositifs de « remédiation » est, aujourd’hui, considéré comme « la » solution contre l’échec scolaire et fait l’objet d’annonces régulières… Première conséquence : l’empilement de ces dispositifs leur fait perdre progressivement toute lisibilité. Comment les familles peuvent-elles comprendre à quoi correspond exactement les programmes de réussite éducative, le soutien personnalisé, l’accompagnement éducatif, l’aide aux devoirs, les études dirigées, les stages de remise à niveau pendant les vacances ? Quelle fonction pour chacun de ces dispositifs ? À qui s’adressent-ils exactement ? Avec quels critères et quels objectifs précis ?... Le moins que l’on puisse souhaiter, c’est que chaque école soit en mesure de fournir aux familles un tableau précis indiquant clairement, pour chaque dispositif, les élèves concernés, les modalités de travail, les échéances (s’agit-il de dispositifs ponctuels ou pérennes ?), les responsables institutionnels, les évaluations éventuelles et, surtout, les résultats attendus. On pourrait même envisager que, sur cette cartographie, on fasse figurer des suggestions moins directement « scolaires », mais qui peuvent constituer de précieux détours permettant à des élèves de découvrir l’attrait des activités culturelles, le goût de l’effort et les exigences du « vivre ensemble ». Cela serait, d’ailleurs, dans son élaboration, un bel outil de concertation et de coordination des différents partenaires éducatifs… et, dans son utilisation, une médiation précieuse pour le dialogue avec les parents. Mais, pour autant, cette inflation de dispositifs qui viennent s’ajouter à la « classe normale » ne doit pas exonérer l’École du travail de différenciation au sein de la classe. Il serait particulièrement dangereux, en effet, de considérer que, dès lors qu’il existe des « structures de récupération », on peut développer, dans la pédagogie scolaire quotidienne, une progression linéaire, systématiquement collective, avec une évaluation-couperet qui permettrait d’orienter les élèves en difficulté ou en échec vers des systèmes de rattrapage… dans lesquels on ne sait jamais, d’ailleurs, si l’effet de stigmatisation ne va pas neutraliser l’aide apportée. Il faut rappeler, à cet égard, que la différenciation pédagogique dans la classe elle-même reste un projet pédagogique infiniment plus ambitieux et cohérent que la prolifération des systèmes de remédiation. En mettant l’hétérogénéité au service de l’entraide, en développant des méthodes – comme celle des « brevets » chez Freinet ou celle des « ceintures de judo » chez Fernand Oury – permettant à chaque élève d’apprendre à s’auto-évaluer, à se donner des défis et à mettre ses compétences au service du collectif, elle constitue un modèle social bien plus prometteur que le triage et l’orientation permanente dans le labyrinthe des dispositifs de « retraitement ». Par ailleurs, la différenciation pédagogique entendue comme utilisation d’une variété de méthodes et réflexion métacognitive avec les élèves sur la manière la plus efficace pour eux de travailler et d’enrichir peur panoplie intellectuelle, promeut l’ouverture et la découverte de l’altérité quand le traitement sériel isole et enferme… Il ne faut, certes pas, boycotter toutes les formes de soutien – au risque de les laisser dériver vers du bachotage ou de l’occupationnel –, mais il faut aussi – et obstinément – repenser le cœur du pédagogique : la structure même de la classe et le modèle de transmission que l’on y promeut. |