SANCTUAIRE

Je voudrais montrer : 1) que l'Ecole est, à bien des égards, une institution construite pour résister aux pressions de l'environnement; 2) que la "clôture scolaire" craque aujourd'hui de toutes parts; 3) que, plutôt que de se crisper sur des modes de fonctionnement obsolètes, l'Ecole doit redéfinir ses fonctions essentielles et retrouver sa vocation première; 4) que, une fois cette vocation clarifiée, l'Ecole peut engager de nouveaux rapports avec son environnement en conservant, voire renforçant, sa spécificité, mais sans, pour autant, se "sanctuariser".

1) L'Ecole est, à bien des égards, une institution construite pour résister aux pressions de l'environnement.

Souvenons-nous, en effet, que, si l'Ecole a été créée, c'est bien parce que ce que nous nommons aujourd'hui "l'environnement", c'est-à-dire le tissus social lui-même ou encore "le milieu de vie", ne permettait pas d'apprendre avec toutes les garanties nécessaires. N'oublions pas que "l'encyclopédisme", aujourd'hui si décrié par certains, a d'abord été une formidable conquête : inscrit dans le courant de pensée inauguré par les Lumières au XVIIIème siècle, il prétendait permettre l'accés à tous à une rationalité capable de les délivrer de l'aléatoire de leur histoire. En proposant des contenus culturels extraits des champs sociaux où ils étaient apparus et présentés selon un ordre de complexité croissante, on garantissait, pensait-on, leur appropriation égalitaire. Tout cela s'inscrivait dans une philosophie générale qui est loin d'être absurde et qui affirme que l'Education impose une rupture avec les expériences immédiates, rupture sans laquelle l'individu risque fort de rester enfermé dans les contingences temporelles et les déterminations sociales.

Plus concrètement, il faut bien comprendre, me semble-t-il, que l'Ecole s'est constituée fondamentalement comme un lieu qui échappait aux pressions de "l'environnement". Elle s'est constitutivement voulue, tout d'abord, un lieu de promotion de l'universel contre toutes les spécificités du "local". Elle a été historiquement, au moins en France, une machine de guerre contre les particularismes de toutes sortes : contre les patois pour imposer une langue nationale, contre les cultures locales pour imposer des valeurs communes, contre les privilèges familiaux pour permettre un accès égalitaire aux fonctions sociales, contre les corporations pour imposer le pouvoir de la nation, contre l'inégalité des conditions d'apprentissage offertes par l'environnement pour imposer à tous un environnement également porteur des mêmes occasions d'apprentissage... Le fils d'ouvrier agricole, dont les parents analphabètes vivaient encore dans la superstition, qui ne disposait d'aucun livre ni journal, devait bénéficier à l'Ecole du même environnement que le fils de magistrat vivant en ville dans une famille vouée au culte de la Raison et disposant d'une immense bibliothèque... Et ce dernier devait pouvoir apprendre à l'Ecole, grâce à des leçons et lectures habilement agencées, les conditions de vie de son camarade paysan et quelques notions d'agriculture nécessaire à sa culture générale et à la constitution de "l'unité nationale".   Derrière ce "grand projet" se profilait une conception , à bien des égards légitime, de la culture comme "construction d'universalité", éradication de ce qui sépare les hommes et promotion de ce qui les unit, transmission à tous de ce que l'homme a élaboré de plus grand et de plus noble, libération de chacun de tout ce qui l'enferme dans sa situation particulière, borne son intelligence des choses et limite ses ambitions.

Mais, au delà de ce "grand projet", il faut bien comprendre aussi que l'Ecole s'est voulue, dès son apparition, un lieu de sursis à l'immédiateté de l'acte : on trouve dans les textes des fondateurs de l'Ecole, en particulier dans La grande Didactique de Comenius, cette idée très forte que l'intelligence est la capacité à surseoir à ses impulsions, à se mettre à distance des influences du milieu, des adhésions "naturelles" qui sollicitent le sujet, nous dirions aujourd'hui des "modes". C'est pourquoi une des tâches premières de l'Ecole est, précisément, d'apprendre à l'enfant à résister à toutes ces influences, de l'amener à examiner tout ce qui lui est dit, suggéré, imposé par son milieu ; c'est aussi d'apprendre à l'enfant à se méfier de lui-même et de ses impulsions, à mettre à distance son affectivité pour exercer sa raison. C'est dans cette perspective qu'il faut comprendre la plupart des rituels de l'école traditionnelle : ils sont là pour imposer à l'enfant une mise à distance avec lui-même et tout ce dont il est porteur, pour le contraindre à se dégager de tous ses soucis et de toutes ses préoccupations, de toutes les particularités qui encombrent son esprit... bref, pour le rendre disponible à l'exercice de l'intelligence spéculative.

Dans le même esprit, il faut comprendre la constitution de l'Ecole comme celle d'un lieu où l'on n'est pas soumis aux exigences de l'efficacité productive. En effet, dans la vie quotidienne, il faut être efficace, il faut faire face aux situations le plus vite possible et le plus économiquement possible, en dépensant le moins d'énergie possible, en perdant le moins de temps possible... Dans la vie quotidienne, il ne faut pas perdre du temps pour apprendre. Car, nous savons bien que l'apprentissage n'est jamais la solution la plus économique en face d'une situation. Il est toujours plus économique de se débrouiller pour ne pas avoir à apprendre, en faisant faire le travail par celui qui sait déjà le faire, en se procurant une solution déjà toute prête... ou en se déclarant incompétent ! Déjà, les "compagnons du tour de France" avaient remarqué qu'il était extrêmement difficile de satisfaire à la fois l'apprenti et le client : pour plaire au client, il faut travailler vite et bien, donc faire faire le travail par le spécialiste; mais, pour faire progresser l'apprenti, il faut lui confier des tâches qu'il ne sait pas encore faire, il faut accepter de perdre du temps avec lui, voire de gâcher du matériel. Ainsi, l'Ecole doit être un lieu où l'on ait le "droit à l'erreur", où l'on ait le droit de se tromper sans risquer d'être sanctionné comme on le serait dans "la réalité". Aussi étrange que cela puisse nous apparaître aujourd'hui, il est dans la nature même de l'Ecole d'être le lieu de l'erreur possible, le lieu de l'erreur bénéfique, le lieu où il faut se tromper beaucoup et comprendre ses erreurs pour ne plus se tromper quand on sort de l'Ecole.

Enfin, toujours dans la même perspective, l'Ecole s'est voulue d'emblée comme le lieu de l'apprentissage progressif et systématique. A l'extérieur, en effet, les problèmes se présentent de manière tout à fait aléatoire: le plus complexe anticipe le moins complexe, des problèmes que l'on sait résoudre reviennent inutilement, des problèmes qu'il faudrait apprendre à résoudre ne se présentent jamais... L'Ecole va remédier à cela en introduisant de la rigueur, en organisant les apprentissages de manière cohérente. Alors que l'environnement présente "le réel" de manière désarticulée et laisse chacun "faire le tri", l'Ecole articule les choses de manière à les rendre assimilables par tous.

Ainsi doit-on comprendre, au regard des quatre exigences que je viens de présenter, la nécessité de la "clôture scolaire" et ses aspects incontestablement positifs...

Mais on voit déjà, aussi, les difficultés et les dérives qu'une telle conception peut engendrer. Car, en extrayant les savoirs des situations sociales qui leur ont donné naissance pour les présenter de manière encyclopédique, on prend le risque de les définaliser complètement, de leur ôter tout sens et de ne les rendre   assimilables que par ceux qui veulent se les approprier pour "se distinguer" des autres. Dégagées de leur origine, les connaissances gagnent en rigueur mais perdent en signification, elles deviennent purement formelles et l'effort "didactique" se retourne ainsi contre ses finalités. C'est le phénomène qu'ont dénoncé tous les pédagogues de l'Education Nouvelle, proposant d'"ouvrir l'Ecole à la vie" afin que les apprentissages puissent s'effectuer selon une "logique naturelle", au fur et à mesure que les besoins d'apprendre apparaissent. Certes, ces pédagogues n'ont pas toujours bien repéré le caractère positif de l'inspiration de l'"école traditionnelle"; ainsi, ils ont parfois abandonné certains de ses éléments pourtant absolument essentiels et se sont laissés aller à des propositions naïves ou "spontanéistes", imaginant qu'il suffisait de mettre des enfants en situation d'activité pour qu'ils réinventent les savoirs les plus complexes et se les approprient de manière égalitaire... Mais ils ont eu l'immense mérite de dénoncer l'imposture de l'élève "sujet de droit" : en effet, en soulignant que c'est toujours un élève concret qui apprend et qu'il apprend avec ce qu'il est, même si cet apprentissage se donne pour fin de modifier le donné, ils ont rappelé une "évidence" avec laquelle l'éducation ne peut pas composer. Ne pas prendre en compte le sujet apprenant, ne pas tenir compte de sa culture, de ses intérêts, de ses stratégies d'apprentissage - et tout cela pour lui permettre d'accéder à l'"universel" - c'est couper les chemins qui mènent au but que l'on s'est donné.

De plus, nous savons mieux aujourd'hui que l'"élève de droit" de l'"Ecole républicaine" est, en réalité, un "élève de fait": celui qui réussit quand les savoirs se présentent comme des objets purement "didactiques" c'est celui qui est capable, en l'absence d'une finalisation par l'amont (situant ces savoirs comme des réponses à des problèmes qu'il a déjà rencontrés), de les finaliser par l'aval, en anticipant l'évaluation sociale qui en sera faite. C'est donc bien un élève en chair et en os, un élève disposant de capacités mentales connectées à des comportements sociaux bien identifiés... On a le droit de réserver la réussite scolaire précisément à ces élèves-là ; on a le droit aussi de sélectionner à l'école sur ce critère-là. Mais il convient alors de le dire clairement ! Si, en revanche, on se donne pour fin d'amener tous les jeunes à un niveau de connaissances générales et abstraites grâce auxquelles ils puissent comprendre et maîtriser les situations dans lesquelles ils seront insérés, alors on ne peut se contenter de pleurer la fin de la "clôture scolaire". Il faut, bien plutôt, s'interroger sur la manière dont l'Ecole peut, tout en prenant acte des évolutions sociales, se recentrer sur sa mission principale, retrouver à travers des formes nouvelles sa vocation première.

2) La "clôture scolaire" craque de toutes parts.

A bien des indices on peut, en effet, observer cette rupture. Les plus visibles - et ceux qui frappent le plus l'opinion publique - sont constitués par la montée de la violence sous toutes ses formes dans les établissements scolaires: l'établissement n'est plus un lieu à l'écart, séparé du reste du monde; il est traversé par tous les clivages sociaux et les manifestations anomiques ne s'arrètent pas à sa porte. De fait - et quel que soit le jugement que l'on peut porter sur ce phénomène - nos établissements sont "ouverts sur la vie". Dès lors, certains crient au complot et appellent de toutes leurs forces le retour au passé... C'es, à mon sens, qu'ils ne comprennent pas que les anciennes règles du jeu sont devenues caduques et que les nouvelles ne sont pas encore stabilisées. J'en voudrais pour preuve quatre éléments significatifs que je passerai en revue rapidement: le "retour" des parents, l'importance des médias, la pression des entreprises et les nouvelles exigences des élus.

On l'a vu, l'Ecole républicaine s'est voulue, très largement, "contre" les parents dont il fallait affaiblir l'influence, voire en délivrer les enfants. Certes, une école privée a toujours subsisté, certes des circuits parallèles de contrôle de l'école par les parents avaient été subtilement mis en place... il n'en reste pas moins vrai que, pour l'immense majorité d'entre eux, les parents n'entraient pas dans l'école et ne cherchaient pas à y rentrer. Ils ne contestaient jamais la compétence pédagogique des maîtres dont l'Etat garantissait en quelque sorte l'impunité sociale. Or, aujourd'hui, à la suite de développements historiques forts complexes et rapides, après une dure crise économique, les parents des pays développés comprennent de moins en moins pourquoi certains professionnels bénéficieraient de la plus totale impunité alors qu'eux-mêmes sont menacés du chômage. C'est ainsi que l'on voit se développer de plus en plus le consumérisme scolaire, ce que certains sociologues considèrent comme la montée de "stratégies privées" dans des "institutions à vocation publique": il s'agit d'utiliser l'école comme un service en mettant en concurrence les établissements entre-eux, en profitant des faiblesses du système, en tirant parti des incohérences structurelles, en s'efforçant de réussir le mieux possible au moindre coût.

Une telle évolution pose de sérieux problèmes sur lesquels nous n'avons pas, me semble-t-il, assez travaillé... Peut-être parce que nous autres enseignants, en tant que parents et quand il s'agit de nos propres enfants, nous participons très largement à cette évolution? Or, il y a là une série de questions à examiner: d'abord, il faut se demander si, sur le plan psychologique, il est bon pour un enfant d'être ainsi "pris en tenaille" entre son école et sa famille, avec le sentiment que le maître n'est que "le bras scolaire" (comme, jadis, on parlait du "bras séculier) de ses parents. Plus largement, sur le plan éducatif, ne doit-on pas considérer comme "salutaire" pour l'enfant l'existence d'un décalage entre sa famille et son école? N'est-ce pas grâce à ce décalage entre deux paroles que l'enfant peut oser la sienne et construire sa liberté? Par ailleurs, la poussée de l'influence des parents - que, je crois, chaque chef d'établissement peut constater - est-elle équitable socialement? On peut en douter: certains parents, de toute évidence, s'en tirent mieux que d'autres grâce à leur meilleure maîtrise des règles du jeu. Et le "retour des parents" dont j'ai parlé serait plutôt, en ce sens, l'arrivée de certains parents dont on peut craindre qu'ils vassalisent l'école pour servir leurs intérêts. Enfin, cette influence des parents met à l'ordre du jour une question essentielle et fort mal traitée dans nos pays, celle de l'évaluation des établissements. Sur quels critères, en effet, les parents se décident-ils? On sait qu'il existe une évaluation sauvage des établissements et l'on sait que, dans bien des endroits, circulent des chiffres qui sont de véritables tromperies: que dire, en effet, d'un pourcentage de réussite à un examen qui ne précise ni le taux d'élèves ayant effectué le cursus complet dans le temps prévu, ni le taux d'éviction, ni le niveau des élèves à l'entrée du cursus? Que dire aussi d'une évaluation des établissements qui s'en tient à des résultats strictement scolaires et ne prend en considération ni la formation à la vie sociale ni l'acquisition de l'autonomie personnelle dans le travail?... Vous voyez donc à quel point cette influence des parents dans l'Ecole pose des problèmes difficiles et, en tout premier lieu, au chef d'établissement... Il ne s'agit pas, bien évidemment, pour moi, de fermer purement et simplement la porte aux parents, mais il s'agit de construire un nouveau type de collaboration prenant acte des évolutions et respectant la spécificité des partenaires.

Dans un tout autre domaine, nous retrouvons d'ailleurs le même problème : il s'agit de l'irruption massive des médias et, plus particulièrement, de la télévision. Sur cette question, je serai très bref puisque les données sont présentes à tous les esprits : un enfant passe, en une année, plus de temps devant sa télévision que devant des enseignants. Les effets sont considérables, en particulier sur les attitudes et les structures mentales des élèves: ceux-ci prennent l'habitude d'une vision des choses très segmentée où l'on peut changer de programme dès que la séduction de l'image faiblit; ils ne sont plus entraînés à une vision linéaire et, quand ils arrivent à l'école, ont tendance à reproduire en classe les attitudes qu'ils ont chez eux devant leur poste. Sur ce plan, là encore, on ne peut se contenter d'invoquer le passé et de regretter le "bon vieux temps". Il nous faut trouver des modalités de collaboration efficace, par une formation, en classe, à un bon usage des médias et par une meilleure utilisation de ce qu'ils peuvent apporter de spécifique à la formation du jeune.

A côté des parents et des médias, nous voyons aujourd'hui croître la pression des entreprises sur le milieu scolaire. En effet, l'entreprise veut, de plus en plus, des individus capables d'assumer des responsabilités complexes, de travailler en équipe, de s'adapter à de nouveaux postes de travail, d'accéder rapidement à de nouveaux savoir-faire... Elle découvre, de plus, qu'elle ne peut former efficacement à des compétences professionnelles précises que des individus maîtrisant de solides connaissances générales, et cela est tout à fait nouveau pour elle. Tant que les entreprises pouvaient former elles-mêmes rapidement à peu près n'importe qui, elles n'exerçaient pas de pression importante sur le système scolaire, elles se satisfaisaient du mode de fonctionnement pyramidal et sélectif de l'institution scolaire: elles "récupéraient" les exclus sans trop de difficulté et embauchaient les autres, ceux qui avaient fait preuve de leur adaptabilité, au niveau de la maîtrise. Aujourd'hui, il y a de moins en moins d'emplois pour les exclus et les responsables économiques, qui ne font pas toujours cette analyse, incriminent la baisse du niveau scolaire! Faut-il céder à leurs injonctions? Là encore, il faut éviter les emballements et les phénomènes de balancier; là encore, il convient de définir les responsabilités et les exigences réciproques pour que la confrontation ne tourne pas au rapport de forces.

Enfin, je dirai un mot des exigences des élus en matière scolaire. Bien sûr, dans ce domaine, les différences sont considérables d'un pays à un autre. Mais il semble toutefois qu'un mouvement général se dessine pour une décentralisation progressive de plus en plus grande des pouvoirs de décision. Il n'est, bien sûr, ni de mon ressort ni de ma compétence de statuer sur le bien-fondé de cette évolution. J'observe toutefois que celle-ci s'effectue souvent de manière brutale et sans véritable analyse des situations éducatives qui sont toujours complexes. Le souci légitime de rapprocher les décideurs du terrain cache parfois des positions idéologiques ou des calculs politiciens. A mon sens, et c'est le seul point sur lequel je me sens le droit d'intervenir, la question essentielle des instances politiques habilitées à traiter des questions scolaires doit être examinée en se demandant quels sont véritablement les problèmes à résoudre et qui est le mieux armé pour les affronter: ce ne seront, de toute évidence, alors, pas les mêmes instances qui seront concernées par l'élaboration des programmes, l'emploi des personnels de service, l'organisation des procédures d'orientation, l'aide au travail personnel des élèves, la formation documentaire, etc. Une nouvelle fois, nous retrouvons l'impérieuse nécessité de fonder la confrontation des partenaires sur une définition claire de leur vocation réciproque et, pour ce qui nous concerne, de la vocation de l'Ecole.

Car, quand la "clôture scolaire" craque, quand des partenaires cherchent à y pénétrer, voire à y exercer le pouvoir, il y a deux attitudes aussi opposées que dangereuses: reconstruire désespérément les remparts au fur et à mesure que ceux-ci s'effritent pour se murer dans le passé... ou anticiper leur destruction pour se donner l'illusion de maîtriser l'avenir. A ces deux attitudes j'en préfère, pour ma part, une troisième: elle consiste à redéfinir son identité pour engager des rapports clairs avec les autres, des rapports qui ne soient régis ni par la peur d'être débordé ni par la démagogie qui consiste à organiser soi-même le débordement.

3) L'essentiel, pour l'Ecole, afin de pouvoir gérer ses rapports avec son environnement, est de se donner des finalités et une identité forte.

En effet, on ne peut engager sereinement le dialogue et la collaboration avec des partenaires que si l'on est soi-même relativement sûr de sa propre mission, que si l'on a confiance dans ses capacités pour la réaliser et que si l'on dispose d'un projet autour duquel les chefs d'établissements, les enseignants, les cadres pédagogiques et administratifs mais aussi - pourquoi pas? - les personnels de service puissent se retrouver. Or, à mon sens, et s'agissant de l'école "primaire" comme de l'école "moyenne" (et, sans doute pourrait-on étendre mon analyse aux lycées, au moins dans certains pays), les finalités sont claires: il s'agit de proposer aux élèves d'acquérir les savoirs, les savoir-faire et les savoir-être qui leur permettront de comprendre et maîtriser les situations personnelles, professionnelles et sociales dans lesquelles ils seront insérés. En d'autres termes, et pour faire image, un élève, à l'issue de la scolarité obligatoire, devrait pouvoir lire un quotidien de bon niveau et comprendre les informations qui sont présentées dans les différentes rubriques: en politique, économie, littérature, spectacles, etc. Il devrait pouvoir aussi traiter ces informations pour gérer correctement sa vie personnelle dans toutes ses dimensions et faire le plus lucidement possible les choix qui se présentent à lui.

Bien évidemment, je peux décomposer ces finalités en différents domaines et préciser qu'elles comportent, tout à la fois, la maîtrise de la langue française et d'une langue étrangère, l'aptitude au raisonnement et à la démarche expérimentale, la connaissance de l'environnement, de l'histoire et de la culture constitutive de la civilisation dans laquelle on évolue; mais elles comportent également, plus simplement mais tout aussi fondamentalement, la connaissance de tout ce qui permet de "gérer sa vie" sur les plans physique, matériel, financier, administratif, affectif, social, etc.

Ainsi formulées, ces finalités apparaîtront sans doute extrêmement ambitieuse et peu opératoires: tout le monde est bien d'accord sur elles mais personne ne sait très bien comment les concrétiser. C'est pourquoi je propose que l'on s'attache à définir les finalités de l'Ecole dans trois registres:   les attitudes transversales (qui doivent être visées à travers toutes les disciplines mais également à travers toute la "vie scolaire"), les capacités méthodologiques et les compétences disciplinaires.

Examinons d'abord les attitudes transversales : au risque d'apparaître naïf ou moralisateur, et quoique je sache bien que les élèves apprendront par expérience la nécessité des compromis et la violence des rapports de force, je crois que le système éducatif doit défendre et même promouvoir certaines valeurs nécessaires au fonctionnement d'une société démocratique et solidaire; or, ces attitudes sont rarement élucidées par les enseignants alors qu'elles devraient être véritablement l'objet d'un travail transdisciplinaire. Il s'agit d'abord des "attitudes intellectuelles" qui donnent véritablement corps à l'ensemble des savoirs scolaires: à quoi sert à un élève de maîtriser toutes les techniques de la contraction de texte s'il ne cherche pas à "être fidèle à la pensée de l'auteur"? A quoi sert à un élève de savoir organiser une expérience de physique s'il n'a aucune curiosité intellectuelle?   Quelle valeur a un travail de géographie qui n'est pas soutenu par un souci d'exactitude dans la description? Que dire d'un compte-rendu d'une expérience biologique qui dissimulerait délibérément une partie des observations effectuées? Pourquoi accumuler des connaissances historiques si on ne les utilise pas pour éclairer le jugement sur le présent et éviter de s'en tenir à des slogans simplificateurs? Nous sommes ici dans le registre des "attitudes transversales à dominante intellectuelle" dont on voit bien qu'elles réfèrent à des valeurs fondatrices d'une socialité démocratique. Mais, il s'agit, également, des "attitudes transversales à dominante sociale" qui permettent le développement harmonieux de la société civile elle-même:   ce sont, par exemple, la capacité à surseoir à ses impulsions violentes et à accepter une discussion argumentée, la détermination à ne pas chercher à obtenir l'accord de l'autre par la pression ou le chantage, à entendre sa différence sans, pour autant, l'approuver, etc. Bien évidemment, ces "attitudes" ne doivent, pas plus que les premières, faire l'objet de "cours" spécifiques... Mais les enseignants doivent s'interroger pour savoir celles qu'ils promeuvent réellement à travers leurs pratiques pédagogiques quotidiennes et se demander si elles sont en conformité avec les finalités du système éducatif et, plus généralement, le projet de société auquel ces finalités renvoient.

On peut donc proposer ici que l'équipe éducative de chaque établissement (enseignants, encadrement pédagogique et administratif, personnel de service) tente de faire la clarté sur ce domaine d'objectifs et se mette d'accord sur quelques objectifs prioritaires; il convient ensuite que cette équipe éducative s'interroge sur les pratiques pédagogiques à promouvoir pour atteindre ces objectifs avec les élèves. Mais il faut encore que ces objectifs soient clairement annoncés aux élèves afin que ceux-ci puissent avoir la possibilité d'analyser les pratiques pédagogiques de l'établissement et de faire des propositions. Enfin, je crois qu'il convient que ces objectifs ne fassent jamais l'objet d'une      évaluation directe sous une forme quelconque mais qu'on en fasse ressortir l'importance à l'occasion des seules évaluations légitimes dans les pratiques scolaires: l'évaluation des tâches.

En ce qui concerne les capacités méthodologiques, celles-ci doivent, dans la perspective d'une véritable démocratisation de l'enseignement, faire l'objet d'une formation systématique. Il ne peut être question, en effet, que des capacités aussi essentielles que "tenir un agenda ou un cahier de textes", "organiser un plan de travail", "apprendre un poème", "réviser un contrôle de mathématiques", "préparer un exposé oral d'histoire", "faire une fiche de lecture d'un article", "transposer sous forme graphique des données économiques chiffrées", etc. soient renvoyées à un apprentissage par le milieu familial ou social. Il convient donc de faire de ces capacités des objectifs tout à fait primordiaux.

Mais, sur cette question, on ne saurait ignorer les débats qui traversent la recherche psychologique et pédagogique: on sait, en effet, que certains chercheurs affirment l'existence de capacités générales automatiquement transférables d'un contenu à un autre, tandis que d'autres chercheurs considèrent que ces capacités sont spécifiquement liées à des contenus déterminés et constituent, en réalité, des sortes de "méta-connaissances" acquises dans chaque discipline (des sortes de "mode d'emploi" progressivement stabilisés des compétences disciplinaires).

Dans l'état actuel des choses et dans le cadre de cet exposé, il ne m'appartient pas de trancher dans ce débat. On peut, en revanche, faire un certain nombre de propositions "à titre conservatoire". D'une part, il est essentiel que, dans chaque discipline, on identifie les capacités méthodologiques qui sont impérativement requises pour réussir les travaux demandés; ensuite, il convient que, également dans chaque discipline, on engage les processus de formation nécessaires pour que tous les élèves maîtrisent ces capacités méthodologiques; d'autre part, il peut être utile que les enseignants des différentes disciplines s'interrogent a posteriori pour savoir s'il existe des capacités méthodologiques effectivement communes; enfin, s'ils utilisent, dans un travail d'équipe, la notion de "capacité interdisciplinaire" pour donner cohérence à    leur action commune, il convient qu'ils s'astreignent à incarner chacune de ces capacités dans chaque discipline d'enseignement et ne supposent pas le transfert automatique d'une discipline à une autre.

Les compétences disciplinaires constituent les objectifs spécifiques poursuivis dans le cadre de chaque discipline. Pour que ces objectifs soient opérationnels et incarnent les finalités générales affectées à l'Ecole, il importe de les définir en référence aux problèmes que l'on veut que les élèves sachent résoudre au sortir de celle-ci. C'est à partir de ces problèmes et de leur analyse que, dans chaque discipline, on pourra inventorier les notions à connaître et les procédures à maîtriser.

La notion de "problème" doit être ici distinguée de la notion de "tâche": en effet, si ce qui est le plus facilement identifié par l'élève est la "tâche" qui lui est demandée et sur laquelle il sera évalué (la leçon à apprendre, le texte à rédiger, l'expérience scientifique à réaliser, etc.), ce qui est important pour lui c'est d'apprendre, à l'occasion de ces tâches scolaires, à identifier des problèmes qu'il sera capable de retrouver ailleurs et pour lesquels il pourra utiliser ou construire des outils adaptés (sans disposer nécessairement des aides et repères spécifiques au contexte scolaire ou de formation). C'est dans la mesure où l'Ecole permet à l'élève d'effectuer des acquisitions de ce type qu'elle est réellement émancipatrice: elle ne forme pas seulement alors à la "réussite scolaire" mais à la capacité d'assumer une vie personnelle, professionnelle et sociale réussie.

Concrètement, il sera nécessaire que chaque discipline s'interroge donc sur les problèmes qu'elle peut apprendre aux élèves à résoudre et sur la contribution qu'elle peut apporter ainsi à leur formation? Bien évidemment, le terme de "problème" ne doit pas être pris dans un sens exclusivement technique ou matériel; dans le sens où il est entendu ici, on peut légitimement parler de "problèmes" que viennent résoudre la littérature, l'histoire, la biologie, etc. Une fois ce travail d'identification des "problèmes" effectué, on construira des programmes selon des progressions rigoureuses... Mais il importe que, dans le travail pédagogique, les apports notionnels et procéduraux soient toujours référés aux problèmes qu'ils permettent de résoudre.

Pour avancer sur cette voie, pour que l'Ecole soit réellement capable de poser ses finalités comme référent ultime de ses activités, il reste, vous le voyez, un immense travail à faire... un travail dont l'importance ne vous échappe pas et un travail qui n'est, en rien, "innocent". En effet, faire porter la réflexion sur les objectifs fondamentaux de l'Ecole c'est, en réalité, affirmer la priorité des objectifs sur les structures et dire, par là, que si les structures actuelles ne permettent pas d'atteindre les objectifs que l'on s'est fixés, alors il faut changer de structures. Je crois, pour ma part, qu'une grande partie des résistances   que l'on rencontre aujourd'hui quand on veut travailler sur les finalités de l'Ecole tient au fait que chacun sent bien que si on précise ceux-ci on risque de découvrir que les modes de fonctionnement actuels ne favorisent pas l'atteinte de ces finalités, voire empêchent de les poursuivre... Il faut alors reconsidérer ces modes de fonctionnement en acceptant tout simplement le principe que les structures de l'Ecole sont au service de ses objectifs de formation et non l'inverse. Ce qui importe, on ne le dira jamais assez, c'est la formation des jeunes et non leur scolarisation. S'il s'avère que les modalités actuelles de leur scolarisation sont un obstacle à leur formation, alors, il faut changer ces modalités. C'est un peu ce que je voudrais vous proposer dans la quatrième partie de mon exposé.

4) A partir d'une clarification de ses finalités, l'Ecole peut engager de nouveaux rapports avec son environnement.

Il y aurait, ici, beaucoup à dire et je me contenterai d'évoquer deux thèmes qui me tiennent à coeur : d'une part, la reconsidération de la place de l'Ecole dans le processus d'apprentissage lui-même, et d'autre part, le repositionnement de l'Ecole par rapport à ses partenaires, et j'évoquerai plus particulièrement les familles et le tissus associatif.

Si l'on considère, en effet, le processus d'apprentissage lui-même à partir des connaissances que nous en avons aujourd'hui, il me semble qu'il convient que l'Ecole passe de l'organisation de procédures à la responsabilité d'une dynamique. En d'autres termes, l'essentiel de son travail n'est peut-être pas dans la reproduction de modalités particulières de transmission des savoirs mais dans l'invention   et la coordination de modalités efficaces d'appropriation de ces savoirs. Sa véritable responsabilité n'est pas, dans ce domaine, de tout faire (quitte à mal le faire ou à n'être efficace que pour une toute petite partie des savoirs et un petit pourcentage des élèves); sa véritable responsabilité est de s'assurer que tout soit fait pour que les élèves atteignent les objectifs qu'elle s'est fixés.

Pour clarifier ce point, je poserai cinq questions, certes un peu provocatrices, mais qui se voudraient surtout provocatrices à la réflexion. Première question :   que veut-on vraiment ? Que les enseignants enseignent ou que les élèves apprennent? Les deux, sans aucun doute... Mais on conviendra que l'enseignement n'a de sens que s'il est au service des apprentissages. Deuxième question : comment apprend-t-on ? Pour faire simple, disons que l'apprentissage s'effectue quand le sujet est placé dans une dynamique articulant une tâche mobilisatrice, un obstacle rencontré dans l'exécution de cette tâche, la transformation de cet obstacle en objectif d'apprentissage, la recherche de ressources permettant d'atteindre l'objectif et, donc, de lever l'obstacle pour réaliser la tâche. Troisième question : que peut proposer l'Ecole pour mettre en place chez les élèves une telle démarche ? Jusqu'à présent, en réalité, la plupart des démarches éducatives s'attachaient à fournir des ressources sans se soucier ni de l'obstacle que ces ressources permettaient de franchir ni des tâches mobilisatrices qui permettaient de faire émerger les obstacles... l'Ecole s'obstinait donc à fournir des réponses à des questions qu'elle ne prenait pas la peine de poser. Or, pour moi, aujourd'hui, c'est l'ensemble du processus d'apprentissage dont l'Ecole doit assumer la responsabilité. Quatrième question : qu'est-ce que cela signifie concrètement pour l'Ecole ? D'abord une redéfinition de ses responsabilités et un travail très important à faire autour de la notion d'"objectif-obstacle". Ensuite, sans aucun doute, des renoncements et des délégations : il y a des lieux, des collaborations avec des partenaires, des rencontres avec l'environnement qui peuvent être des occasions extraordinaires de mobiliser des élèves sur des tâches et de faire émerger des obstacles qui donnent sens au savoir... Pourquoi les négliger ? Enfin, on voit bien que, dans cette perspective, le métier d'enseignant lui-même va changer : il ne sera plus un distributeur de savoirs mais le responsable d'une démarche d'apprentissage : il pourra solliciter des partenaires de l'environnement pour donner du sens à ce qu'il doit enseigner, mais aussi il pourra renvoyer les élèves vers des personnes ou des lieux-ressources de l'environnement scolaire pour apprendre auprès d'eux à surmonter des obstacles qu'il aura contribué à identifier et à transformer en objectifs. Cinquième question : cette redéfinition des responsabilités de l'Ecole entraîne-t-elle une diminution de son importance dans nos sociétés ? Non, bien au contraire. Simplement l'Ecole devient responsable de processus et non de procédures. Elle est chargée d'impulser des dynamiques au lieu d'imposer des méthodologies "qui ont fait leurs preuves". Elle est responsable des apprentissages effectués par les élèves au lieu d'être le garant de leur docilité. Elle évalue son efficacité aux savoirs réellement acquis au lieu de l'évaluer à sa capacité à reproduire le modèle traditionnel du gardiennage au moindre coût...

Pour y parvenir, vous observez qu'il nous faudra modifier radicalement nos rapports avec nos partenaires, sortir de rapports de méfiance et de rivalité pour aller vers des rapports de collaboration. Or, précisément, les résultats des recherches que nous connaissons aujourd'hui sur la réussite scolaire, professionnelle et humaine montrent, à l'évidence, que cette collaboration est possible à partir du moment où chacun des partenaires se donne pour objectif, dans son domaine propre et avec sa spécificité, de contribuer à la construction de l'intelligence des élèves.

En effet, si l'on cherche les conditions qui favorisent la réussite d'un sujet et que l'on s'intéresse plus particulièrement au comportement de l'"environnement éducatif", on découvre vite qu'il existe des comportements plus formateurs que d'autres ; ainsi un enfant réussira mieux si on l'aide à explorer une question   plutôt que de simplement l'informer sur des programmes qu'il doit assimiler ; il réussira mieux si on l'encourage à anticiper les conséquences d'une action future plutôt que de lui expliquer directement ce qu'il faut faire; il réussira mieux si on l'aide à vérifier lui-même les résultats de ses actions plutôt que de juger extérieurement de leur validité ; il réussira mieux si on le fait reformuler et s'expliquer plutôt que d'adopter ou rejeter brutalement son point de vue. Or, vous voyez bien que ces attitudes ne sont en rien spécifiques de l'Ecole... chacun des partenaires de l'éducation de l'enfant peut les avoir dans sa sphère propre: les parents en faisant de chaque situation de la vie quotidienne une occasion de réflexion... plutôt qu'en s'obstinant à contrôler les devoirs du soir ! Le tissus associatif et culturel en proposant des activités multiples où l'enfant puisse faire l'expérience de la responsabilité et de l'action réfléchie... plutôt qu'en s'obstinant à singer l'Ecole ! Et l'Ecole elle-même, bien sûr, en introduisant systématiquement des phases de travail personnel et collectif, en multipliant les exercices d'entraînement et les réflexions méthodologiques, en se dirigeant vers une pédagogie plus contractuelle, en associant les élèves à la gestion de leur scolarité, en introduisant une véritable formation au choix, choix de ses méthodes de travail, choix de ses supports, choix de ses options, choix de ses orientrations...

Ainsi, il n'est pas trop fort de dire que tous les éducateurs de l'enfant peuvent être, chacun à leur place, "professeurs d'intelligence". Au fond, c'est peut-être là le seul véritable critère pour permettre une collaboration positive entre l'Ecole et son environnement : que chacun s'interroge sur ce qu'il peut mettre en oeuvre pour susciter la réflexion, donner à penser, à inventer, à comprendre... et que l'Ecole s'efforce d'être le véritable maître d'oeuvre des dynamiques d'apprentissage, occupant ainsi, en matière éducative, un rôle tout à fait essentiel dans son environnement.

En conclusion, je voudrais revenir à la question centrale : l'Ecole n'est-elle pas menacée de perdre sa vocation culturelle propre ? Ne risque-t-elle pas de laisser échapper cette aspiration à l'universalité dont nous avons vu qu'elle était fondatrice pour elle ? Je ne le crois pas. Mais à condition que nous définissions l'universalité à laquelle il faut former nos élèves comme un projet à leur soumettre et non comme un absolu auquel il faudrait les soumettre. La différence, pour moi, est essentielle... c'est dans cette différence que réside l'appel à la liberté de l'autre qui est, je crois, le principe fondateur de toute éducation.

                          Philippe MEIRIEU