Frankenstein pédagogue, Paris, ESF éditeur, 1996
Convaincu des apports possibles de la littérature et du cinéma pour comprendre "la chose éducative", Philippe Meirieu explore minutieusement les mythes qui constituent notre mémoire collective : Pygmalion, le Golem, Pinocchio, Frankenstein... jusqu'à Jules Verne, H.G. Wells, Fritz Lang et Robocop. Et il découvre là toujours le même scénario : en voulant "fabriquer" celui qui nous arrive, on court à l'échec... et il faut faire son deuil de ce désir, accepter qu'on ne peut modeler l'autre, pour accéder à la véritable "action éducative". Cette action n'est pas action directe sur le sujet, mais création obstinée des conditions de son éveloppement. Paradoxalement, il faut "faire avec... " et "faire comme si..." pour faire vraiment, pour transmettre la culture à ceux qui auront à se faire eux-mêmes. Rien de très extravagant, pourtant, dans cette démarche qui peut s'incarner au quotidien dans la classe et dans "le moindre geste" de tout éducateur.

Notre histoire semble hantée par le mythe de la fabrication d'un homme par un autre homme. Pygmalion, le Golem, Frankenstein et Pinocchio sont des exemples de cette étrange rêverie sur l'éducation qui se poursuit aujourd'hui à travers les récits et les films de sciences-fiction...

C'est à partir de l'histoire de Frankenstein et de sa créature que Philippe Meirieu interroge cette représentation de l'éducation comme projet de toute maîtrise de l'autre, de contrôle total de son destin.

Il montre qu'une telle perspective conduit tout droit à l'échec et à la mort et il affirme que le pédagogue doit renoncer au dessein de "fabriquer l'autre" pour s'attacher aux conditions qui lui permettent, comme l'affirmait déjà Pestalozzi en 1797, de "se faire oeuvre de lui-même".

Pour cela, plusieurs concrètes sont avancées. Elles constituent autant de moyens d' "éduquer sans fabriquer" et font de cet ouvrage un véritable "petit traité de pédagogie" destiné à tous ceux qui veulent faire oeuvre éducative.