Cet ouvrage marque, à beaucoup d'égards, une inflexion décisive dans le travail de Philippe Meirieu. Il correspond à une période de réflexion nouvelle sur le champ de l'éthique, jusque là abordé latéralement, et qui, ici, devient central. Avec l'éthique, la question de "la place de l'autre" dans le processus éducatif devient primordiale : toute réduction techniciste, de la pédagogie comme de la didactique, apparaît comme une impasse et, paradoxalement, rejoint les "pédagogies de l'injonction" qui dénient au sujet toute place dans son propre développement. Ici, l'on trouvera un style nouveau, plus incisif, nourri de nombreuses références philosophiques et littéraires en notes. On retrouvera des thématiques habituelles, mais traitées sous un autre angle, d'un point de vue différent, ouvrant, en de courts chapitres, des perspectives nouvelles au lecteur. Philippe Meirieu s'est beaucoup impliqué dans ce travail et nul ne peut, à sa lecture, rester indifférent.

Chacun sait bien, même si on ne l'avoue guère, que la réussite de l'acte pédagogique ne tient pas seulement aux qualités strictement scientifiques et didactiques de l'enseignant. II n'est qu'à écouter les élèves eux-mêmes ou leurs parents, il n'est simplement qu'à nous interroger sur notre propre parcours scolaire pour nous en convaincre.

Et c'est d'abord cela que Philippe MEIRIEU prend le risque d'expliquer dans ce nouvel ouvrage. Il montre l'importance décisive des choix éthiques de l'éducateur, quand il se donne pour fin l'émergence de sujets libres, quand il oeuvre simultanément pour leur instruction et leur émancipation, quand il parvient à articuler le principe d'éducabilité et celui de liberté... Tout faire pour que l'autre apprenne et lui communiquer la conviction du possible, sans attendre, pour autant, la soumission et encore moins la réciprocité marchande. L'éducation est ainsi une aventure imprévisible, une histoire toujours différente a écrire, et dans laquelle l'éthique n'est pas une « nouvelle matière scolaire » ni même un « supplément d'âme », mais bien ce qui oeuvre, a travers l'ensemble des activités que l'éducateur organise.

À partir de cette approche, l'auteur rencontre un certain nombre de thèmes majeurs de la réflexion éducative : I'universalité de la culture, la formation a la citoyenneté, la discipline et les sanctions, la place de la didactique et des apprentissages méthodologiques, la formation des maîtres, le travail en équipe, etc. Mais il les traite de manière originale, en une trentaine de brefs chapitres où il s'efforce de faire apparaître les enjeux essentiels. Ainsi le livre peut-il se prêter à une multiplicité de lectures : certains le liront « comme un roman » - et sans doute, à bien des égards, en est-il un -, d'autres y trouveront un outil de retlexion individuelle ou collective, l'occasion de questionner leur activité, le moyen de faire le point sur bien des débats d'aujourd'hui.