Le monde n'est pas un jouet, Paris, Desclée de Brouwer, 2004
Ce livre fait suite à Repères pour un monde sans repères dont il emprunte la forme et le ton. Mais il s'attache, plus particulièrement, à la question du jeu, de l'enfance à l'âge adulte. Il part d'un constat paradoxal : les adultes aujourd'hui jouent avec leurs semblables et les détruisent en des jeux particulièrement dangereux... alors qu'ils devraient, en bons éducateurs, montrer à leurs enfants que le jeu a ses régles, un espace circonscrit, des limites dont les joueurs doivent être conscients et qu'ils ne peuvent franchir. Comment se fait-il que nous en soyons arrivés là ? Nous jouons avec le monde, à nos risques et périls... avec un risque majeur : celui d'anéantir le monde sous nos caprices. La question du statut du jeu n'est donc pas une question anecdotique : elle fait le pont entre les balbutiements de la toute-petite enfance et les prétentions des politiques les plus puissants. Le jeu est devenu "la" question de nos sociétés contemporaines par excellence.

Le monde n'est pas un jouet. C'est ce qu'affirme avec force Philippe Meirieu, devant ce phénomène préoccupant qui tend à transformer notre univers en une gigantesque ludothèque. Partout, sous l'apparence de la dérision ou avec sérieux, on joue...   à la Bourse, à l'école ou à la guerre, à se séduire et à se détruire... Mais en laissant derrière soi de vrais cadavres et des êtres humiliés ou aigris. Car, si c'est en jouant qu'un enfant découvre le monde, c'est en jouant qu'un adulte le détruit. Serions-nous tous devenus des « enfants-rois », incapables de distinguer le jeu de la réalité, dévastant ce qui nous est donné ?

Il devient urgent d'accompagner enfants et adolescents dans leur approche du monde, pour les amener à découvrir la fragilité des autres et à résister à la tentation de la toute-puissance, pour les préparer à lutter contre l'hégémonie du jouet qui est aussi celle du mépris et de la violence. Des repères éducatifs clairs sont indispensables. Un projet politique aussi.

Philippe Meirieu nous guide dans cette démarche, à partir d'une série de réflexions. dont certaines ont été publiées dans l'hebdomadaire La Vie, entre 2002 et 2004. A travers de courts chapitres, il traite aussi bien de l'éducation du tout petit enfant que de la formation des citoyens, de la mode que de la télévision, des relations familiales que de l'éducation à l'environnement, de l'autorité des adultes que du rôle de l'école. Chacun et chacune y trouvera donc, tout à la fois, un écho à ses préoccupations, des outils de réflexion et des pistes pour l'action. Avec une idée-force, plus que jamais nécessaire : ne réduisons pas le monde à un jeu, un écran, un objet de convoitise, mais apprenons à y vivre ensemble et faisons en sorte qu'il dure plus que nous.