Les pédagogues et les neuroscientifiques se méfient parfois les uns des autres. Ont-ils raison de le faire ? Serait-il imaginable qu'ils s’articulent et se complètent ? Le cas échéant, comment pourraient-ils le faire au bénéfice des apprenants et de leurs apprentissages ? Toujours, les titres simplistes et réducteurs ainsi que les oppositions brutales font vendre.
Et puis après ? Réunir Philippe Meirieu, professeur émérite à l'Université Lumière Lyon II, à l'ADN viscéralement pédagogique et Grégoire Borst, professeur de psychologie et de neurosciences cognitives du développement à l'Université Paris Cité, Directeur du Laboratoire de Psychologie du Développement et de l'Éducation de l'Enfant (CNRS), ce n'est pas parier sur un affrontement au cours duquel l'un ou l'autre chercherait le K-O debout de son adversaire ; c'est au contraire alimenter l'ambition de questionner les possibles pour peut-être tendre enfin, avec toute la prudence et toute l'humilité qui s'imposent, vers une école dont l'adjectif « égalitaire » se confirmerait dans les faits.
Cela étant posé, quelles sont réellement les disciplines en présence ?
La réponse paraît simple : les pédagogies et les neurosciences.
Certes mais :
- que sont les pédagogies et les neurosciences ?
- comment s'envisagent-elles respectivement ?
- que peuvent-elles bien redouter l'une de l'autre ?
- ont-elles raison de nourrir ces craintes, sont-elles fondées ?
- bien plus fondamentalement, comment peuvent-elles s'articuler ?
- bref, n'existe-t-il, dans leurs relations que des oppositions et des prises de position radicales ou peuvent-elles se rencontrer au service d'une école égalitaire dans les faits et non plus dans un qualificatif auquel il est parfois difficile de croire encore ?
Deux enseignants-chercheurs ont relevé le gant de ce défi qui emprunte la forme d'une « disputatio » au semble le plus noble du terme.
Avec l'espoir de s'engager mieux encore dans un cheminement commun qui parvienne à déjouer la formule selon laquelle l'école cesserait de "fonctionner comme un hôpital qui renverrait chez eux les malades et soignerait les gens en bonne santé".
La rencontre entre Grégoire Borst et Philippe Meirieu a pris la forme de trois débats organisés à la Haute École Provinciale du Hainaut Condorcet en collaboration avec l'asbl Éducation et Famille - Université de Mons, à l'Institut pour le Développement de l'Enfance et de la Famille (IDEF) au nom de l'Observatoire de la Résilience Boris Cyrulnik à Sambreville et à l'EAFC Namur-Cadets.
Nous remercions très sincèrement leurs équipes respectives pour la qualité remarquable de leur accueil et le professionnalisme de leurs équipes respectives.
Les pages suivantes rapportent fidèlement les échanges intervenus entre Grégoire et Philippe avec une réelle volonté de s'écouter vraiment et de construire du commun au bénéfice des apprenants.
Elles témoignent également d'un véritable souci de partage avec chaque lecteur, à rebours d'un vocabulaire et d'une technicité mais aussi d'un esprit polémique qui caractérisent parfois les débats entre spécialistes, au risque de priver un public non averti d'informations essentielles pour bien comprendre les enjeux fondamentaux de l'éducation.
Le débat qui vous est présenté dans ces pages n'adopte jamais la forme d'une joute. Il n'articule pas des positions, encore moins des oppositions, figées. Mieux, il vous propose une réflexion partagée, par pallier ; un discussion de fond qui ne fait pas l'économie, parfois, de quelques allers et retours pour préciser et souligner encore les vécus et les propositions desquels s'origine une réflexion toujours poussée plus loin sous la houlette de deux Sisyphe amoureux de leur rocher commun, de leur démarche partagée mêlant amélioration continue et pratique réflexive.
Sur la forme, tout lecteur attentif des ouvrages de de Grégoire Borst et de Philippe Meirieuretrouvera leur souci de la notion précise, de l'explication détaillée, de l'aller-retour permanent entre pratique, réflexivité et théorisation.
Sur la forme toujours, nous assumons le choix d'avoir respecté la dynamique de débats s'affinant et s'approfondissant au fur et à mesure de ce qui ont été les trois premières rencontres successives de ces deux remarquables auteurs.
Sur le fond, Philippe et Grégoire interrogent sans a priori ni ménagement les piliers et les fondamentaux de la seule garantie dont toute démocratie peut réellement se prévaloir : l'éducation.
Jean-François Horemans & Alain Schmidt