Contre l’individualisme : l’accompagnement individualisé des élèves !

 

Notre société voit, de toutes parts, monter les demandes individuelles de services à la personne : chacune et chacun veut, plus que jamais, qu’on réponde à ses besoins le plus vite possible. Dans ces conditions, le risque est grand, en matière d’éducation, d’une dilution de nos institutions dans une somme de prestations de toutes sortes, offertes par une multitude d’acteurs ou vendues par des officines qui spéculent sans scrupules sur l’angoisse des familles. Le risque est grand, même, de vider la classe de sa substance et de se contenter d’une pédagogie approximative et à bon marché… sous prétexte qu’il existe, à côté, des dispositifs susceptibles de récupérer les élèves en difficulté ou en échec !
Pour autant, il ne faudrait pas oublier que les institutions, aussi efficaces soient-elles, ne peuvent se passer de l’investissement des citoyens. Il ne faudrait pas oublier, non plus, que l’éducation n’est pas seulement l’affaire de l’école, mais bien celle de la société tout entière. Il ne faudrait pas oublier, enfin, que tous les enfants n’entrent pas dans la vie avec les mêmes atouts. C’est pourquoi les actions proposées par l’Association de la Fondation des Etudiants pour la Ville (AFEV) sont si précieuses. Loin de toute dérive marchande, à mille lieux d’une posture de concurrence avec l’école, en conscience de la nécessité de respecter les prérogatives de chacun, l’AFEV porte un projet ambitieux et éminemment nécessaire : permettre à des étudiants volontaires et bénévoles d’accompagner des enfants dans leur scolarité mais aussi dans leur développement intellectuel, sur le plan de leurs méthodes de travail, de leur accès à la culture et à l’autonomie.
Contre tous les individualismes, l’AFEV propose la solidarité. Solidarité entre étudiants et élèves. Solidarité entre générations. Solidarité entre des personnes aux origines et trajectoires diverses.
Contre toutes les formes de séparation, l’AFEV s’obstine à relier : relier l’enfant à l’élève et l’élève à l’enfant, pour que chacun puisse, tout à la fois, arriver en classe riche de son histoire et comprendre les exigences du travail scolaire. Relier l’élève à l’école, pour que le travail demandé par les professeurs fasse sens et soit vécu comme un défi pour progresser et se construire. Relier l’élève à la culture, pour que le monde ne soit plus opaque, pour que chacun puisse donner des formes symboliques à ce qu’il ressent et vit, pour qu’il partage son expérience avec d’autres. Relier l’école et les parents, pour que la réussite scolaire ne soit plus réservée à ceux qui ont trouvé leur panoplie de bon élève au pied de leur berceau. Relier l’école à la ville, pour que tous les élèves puissent bénéficier des ressources de l’environnement et trouver leur place dans la Cité. Relier l’École au monde pour que chaque jeune puisse découvrir la richesse de l’altérité et dépasser le conflit des intérêts individuels afin de construire du « bien commun ».
Au sens le plus noble et le plus beau du terme, l’action de l’AFEV est politique. Elle propose aux étudiants de se rendre utile… pour que chaque enfant, chaque adolescent, chaque adulte sache qu’il est indispensable dans la construction d’un monde plus juste. Et puisse y apporter sa contribution.

Philippe Meirieu