Tout cours est un premier cours
D’une certaine manière, et même quand, comme moi, on devrait être rodé depuis bien longtemps, tout cours est un premier cours. Les débutants pourraient s’imaginer qu’avec l’âge et l’expérience, l’inquiétude s’estompe et qu’on peut fonctionner « à la routine ». Qu’ils se détrompent : s’il y a bien des routines qui se mettent en place petit à petit et qui permettent, parfois, de passer « en pilotage automatique », on ne peut jamais se départir tout à fait de ce petit pincement, de cette interrogation fondatrice, qui font le « bon professeur » : « Mais est-ce que, là, mes élèves me comprennent bien ? Est-ce qu’ils vont réussir à faire ce que je leur demande ? Est-ce qu’ils vont apprendre ce que je veux qu’ils sachent ou sachent faire ? » Un « bon cours » ne peut se passer de cette tension qui nourrit la créativité pédagogique et empêche de s’enkyster dans la plainte : « Je ne comprends pas qu’ils ne comprennent pas ! »
Pour autant, il ne faudrait pas croire que l’on peut se contenter d’improviser en comptant sur l’anxiété de bien faire. La prise de décision, toujours nécessaire pour gérer en temps réel une situation d’apprentissage, requiert que l’on ait bien préparé les choses en amont. Et pas seulement en se demandant : « Qu’est-ce que je vais leur dire ? »… mais en anticipant et en s’interrogeant : « Quels dispositifs vais-je mettre en place pour qu’ils fassent tous « dans leur tête » ce qui va leur permettre de comprendre ? ».
Et une telle interrogation nécessite une véritable formation. On est d’autant plus efficace qu’on dispose, dans sa « panoplie pédagogique », d’une réserve de « bonnes pratiques » : il y a des conditions indispensables pour que le travail se passe bien. Autant les connaître pour les mettre en œuvre. Il y a des vigilances à avoir et des observations à faire pour ne laisser personne au bord de la route. Autant disposer de quelques informations pour cela. Il y a des règles à respecter pour éviter les dérapages et ne pas se laisser enfermer dans le dilemme « répression ou dépression ». Autant y avoir réfléchi un peu.
Tout l’intérêt de cet ouvrage est de constituer une trousse à outils… et non un livre de recettes. Il comprend un ensemble de remarques et de propositions parmi lesquelles tout enseignant pourra choisir ce qui lui est utile. Il fournit un « filet de sécurité » sans obérer la liberté pédagogique du professeur. Il aiguise la lucidité et nourrit l’inventivité sans enfermer dans un modèle unique. Il est ainsi un excellent ouvrage de « formation initiale », mais aussi un bon moyen de se ressourcer en « formation continue ». Il peut être utilisé seul, pour préparer un cours, ou travaillé en groupe pour réfléchir sur ses pratiques, les éclairer et les enrichir. Autant dire que c’est un bon « point de départ »… pour une formation pédagogique tout au long de la vie !
Philippe Meirieu
Professeur à l’université Lumière-Lyon 2
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