Cercle vicieux…

Le phénomène n’est pas nouveau, mais il a tendance à s’étendre : fatigués dès notre réveil, nous absorbons une bonne dose d’excitant – du café le plus souvent – et, le soir, dans la foulée d’une journée sur les chapeaux de roue, nous ne parvenons pas à retrouver le calme nécessaire au sommeil… Nous prenons donc des tranquillisants ou des somnifères qui rendent notre lever du lendemain d’autant plus difficile.

Les enfants et les adolescents vivent, à leur manière, le même cercle vicieux : ils se couchent de plus en plus tard – fixés à la télévision, à l’ordinateur, au téléphone portable – et ont de plus en plus de mal à se lever le matin. Ils n’émergent alors que grâce à l’excitation que leur procure le café ou, tout simplement, parce qu’ils n’ont que leurs nerfs pour les réveiller. Impossible, en effet, d’être lucide et en bonne forme quand on manque de sommeil… On peut, en revanche, chercher dans sa fatigue même de quoi stimuler son activité : dans le brouillard mental qui nous envahit, on se focalise sur un détail et on s’exaspère soi-même autour de cela pour avoir quelque chose à saisir, une bouée pour ne pas sombrer dans l’inconscience ou tomber dans la somnolence. Il faut s’agiter intérieurement sur quelque chose pour ne pas se rendormir.

Ainsi l’excitation que l’on observe chez tant d’enfants aujourd’hui – qu’on dirait montés sur ressorts dès le matin – n’est-elle que le corollaire de leur fatigue. Certains d’entre eux, d’ailleurs, passent brusquement du survoltage à la prostration, comme si, après un temps d’investissement de toute leur énergie dans « n’importe quoi », ils ne pouvaient que basculer dans « le rien » ! Arrivés en fin de journée, ils s’affalent devant la télévision et la regardent bêtement… en mesurant, bien souvent, la stupidité de ce qu’ils voient, mais en trouvant là un moyen bien commode pour faire baisser leur tension intérieure. Quelques-uns, un peu plus tard, vont se planter devant l’ordinateur et laisser fonctionner l’hypnose : figés devant l’écran, incapable de détacher leurs yeux des images, ils ne parviendront pas à s’arrêter d’eux-mêmes pour aller se coucher. C’est normal : la fatigue et l’excitation mêlées anesthésient toute volonté. On devient incapable de prendre la moindre décision. Le temps ne passe plus : c’est une sorte d’extase technologique !

Nous ne mesurons pas assez l’importance de ces phénomènes et leur montée en puissance. Nous cherchons en vain à lutter contre ses conséquences – en nous excitant nous-mêmes et en criant inutilement sur les enfants – sans nous attaquer aux causes… Au moment où le débat fait rage sur la semaine scolaire de quatre jours, il serait temps – enfin ! – de prendre au sérieux la question de l’organisation de la journée scolaire. Faute de quoi, nous condamnons nos enfants au cercle vicieux du café et des somnifères.