Le chaudron...

Quelques semaines après les graves agressions dont ont été victimes plusieurs professeurs, la surchauffe médiatique sur les violences scolaires semble apaisée. Mais cela ne veut pas dire, évidemment, que la question soit résolue. Même s'il ne faut pas oublier que la plupart des violences physiques entre personnes interviennent dans le cadre familial et non scolaire, même s'il ne faut pas ignorer les initiatives extraordinaires qui ont lieu dans des établissements parfois très difficiles et qui ne font pas la une des journaux... il faut reconnaître que beaucoup d'écoles sont aujourd'hui de véritables chaudrons en ébullition où l'accident peut survenir à chaque instant.

Tout commence par une multitude de petits incidents qui « pourrissent la vie » des classes : affaires oubliées, retards systématiques, prises de parole intempestives... Parce qu'ils ne sont pas vraiment traités, ces incidents s'accumulent jusqu'au moment où la marmite est pleine et le couvercle saute. C'est l'explosion, avec les violences verbales qui se répondent, la surenchère des défis réciproques. Entre l'agresseur et l'agressé, c'est le face à face. Parfois le corps à corps. Et les autres, tout autour, reconstituent mentalement l'arène du cirque. Il faudra un vainqueur et un vaincu. Quelqu'un devra mourir... symboliquement évidemment. Il sera humilié, exclu, moqué. Bref, quelle que soit l'issue, l'éducation sera perdante.

Cette situation est due, très largement, à la montée de la tension qui caractérise aujourd'hui l'école : les relations s'y dégradent, l'atmosphère y est électrisée et la moindre étincelle - qui serait passée inaperçue ou aurait été gérée sereinement dans d'autres conditions - peut être fatale. Certes, cette montée de la tension est due, très largement, à des causes sociales : la situation des familles, la ghettoïsation des quartiers, la toute-puissance du modèle du « maillon faible », la montée de la tribalisation sous toutes ses formes. Mais cela ne signifie pas que l'école ne puisse rien faire : elle peut - elle doit - être une institution qui fait baisser la tension entre ses membres . Et faire baisser la tension interne est une tâche, certes difficile, mais possible. Toutes les institutions s'y sont employées depuis toujours, avec les mêmes méthodes ou presque : ménager des « sas de décompression », concevoir des espaces qui imposent en eux-mêmes de changer de comportement, organiser le temps afin de ramener chacune et chacun vers sa propre intériorité, proposer des activités qui fassent sortir les êtres de la gesticulation, donner à chaque être une place pour qu'il ne veuille pas prendre toute la place... Bref, concevoir des médiations qui cassent l'agglutinement, structurent les rapports, amènent les élèves à penser. La pédagogie ne parle que de cela. Mais, malheureusement, on ne parle plus beaucoup de pédagogie.