GPS social… Avec le recul, on découvrira que l’arrivée du téléphone portable a constitué une véritable « révolution culturelle », modifiant radicalement nos comportements et bouleversant totalement nos modes de vie. Cet outil est, en effet, un véritable « GPS social » permettant de localiser presque instantanément toutes les personnes que l’on connaît. D’ailleurs, on ne dit plus « Allo ! », mais « T’es où ? ». Et, si l’on a coupé l’appareil, on commence par se justifier, avant même qu’on vous le demande : « Excuse moi, je n’ai pas pu te répondre… J’étais en train de faire mes courses ou mon repassage, occupé à écrire une lettre importante, à lire un article ou à jouer avec mon chat… ». Mais, en réalité, on ne dit pas vraiment cela, parce que, dans ces situations, on répond quand même. Et, même, il n’est pas rare de voir, dans des réunions importantes, des personnes dont l’attention est pourtant requise, manipuler leur téléphone – souvent un appareil très sophistiqué avec agenda et messagerie électronique incorporés – puis sortir pour passer un coup de fil… Nous nous habituons ainsi à être « sonnés » quoi que nous fassions, à vivre talonnés en permanence par des appels, à renoncer à pouvoir nous adonner calmement à des activités personnelles, à devoir nous justifier de notre absence de réponse à n’importe quel moment de la journée. Nous nous comportons avec notre portable comme les domestiques de jadis, censés n’avoir aucun moment d’intimité, toujours disponibles aux injonctions de leurs maîtres, guettant le moindre signe pour accourir et se mettre aux ordres. Plus encore, nous étalons le peu d’intimité personnelle qui nous reste aux oreilles de tous : on assiste ainsi à des scènes de ménage dans la rue, à des déclarations d’amour ou de rupture dans le métro, à des discussions professionnelles dans les supermarchés. Nous en venons à oublier que d’autres nous entendent et sont ainsi convoqués comme témoins de toute notre vie. Les pédopsychiatres, de leur côté, notent avec effarement les dégâts du portable. Les enfants assistent très tôt, en effet, à des conversations susceptibles de les ébranler gravement : on oublie qu’ils sont tout à côté quand on raconte nos difficultés sentimentales ou, même, quand on confie à un ami nos inquiétudes sur le niveau scolaire, voire intellectuel, de nos rejetons. Sans compter que les enfants n’entendent ainsi qu’une moitié de la conversation et spéculent indéfiniment sur ce qui leur a échappé. Enfin, quand le portable sonne, nous oublions tout le reste : il se donne comme une priorité absolue. Nous interrompons toute discussion, même si elle est essentielle. Tant et si bien que, récemment, alors que j’étais reçu par quelqu’un qui ne cessait de regarder son portable pendant que je lui parlais, j’ai très vite mis fin à notre conversation… pour sortir et l’appeler sur son portable ! |