Illusions olympiques

 

Au risque d'apparaître jouer les provocateurs, je souhaite ardemment que, le 6 juillet, la candidature de Paris pour les Jeux olympiques de 2012 ne soit pas retenue.

Certes, on nous dit que la candidature de Paris est la mieux placée et la plus convaincante... Mais on peut quand même espérer ! On n'est pas obligé de se résigner à voir notre capitale envahie par les sponsors de toutes sortes, livrée aux marchands du temple et aux forces de l'ordre réunis, interdite d'accès à l'immense majorité de la population, pendant que quelques privilégiés pourront s'ébattre sous l'oeil de milliers de caméras de surveillance et de centaines de caméras de télévision du monde entier. On peut encore espérer que Paris ne devienne pas, pendant quelques jours, la capitale de la dope et de l'hypocrisie. Qu'elle ne succombe pas, sidérée, à l'idéologie généralisée du maillon faible, qu'elle ne soit pas submergée par un nationalisme primaire, exactement à l'opposé des valeurs de solidarité que la France a réussi parfois, depuis la Révolution, à incarner dans l'histoire.

Je sais bien que les arguments en faveur des J.O. semblent imparables : 42 000 emplois créés et pérennisés ; la construction d'infrastructures considérables qui pourront être utilisées ensuite ; une augmentation, d'après les spécialistes, de la pratique sportive de 6 % ; l'accueil de millions de touristes supplémentaires et une amélioration sensible de l'image de la France à l'étranger. Mieux encore : comme à Barcelone, les Jeux pourraient être l'occasion d'une mobilisation populaire et fraternelle de la population qui se trouverait, enfin, unie dans une grande fête ! Avec, au service de tout cela, un effort considérable du pays, de plus de 4 milliards d'euros !

Mais c'est cela justement qui m'inquiète : est-il bien raisonnable d'investir plus de 4 milliards d'euros dans un grand show sportif politico-médiatique, quand les besoins, un peu partout, sont immenses ? Quand il manque à peine mille euros à un petit club sportif de banlieue pour survivre ? Quand quelques millions d'euros permettraient à une multitude de groupes de jeunes d'engager et de mener à bien des projets artistiques, culturels ou dans le développement durable ? Quand tant d'associations sont étranglées et doivent quêter des subventions de misère pour survivre ? Ne pourrait-on pas abandonner, pour une fois, le spectaculaire au profit d'une aide systématique à de petits projets qui permettrait d'irriguer le tissu social français, aujourd'hui anémié, et de donner un coup de pouce à tous les militants découragés ? Pourquoi courir après « l'évènementiel », quand les mêmes sommes pourraient, bien réparties sur tout le territoire, créer autant d'emplois et permettre aux citoyens de redevenir acteurs dans la Cité ?

On rétorquera qu'après tout, les deux choses ne sont pas incompatibles et qu'on pourrait avoir, à la fois, les J. O. à Paris en 2012 et une relance forte des initiatives citoyennes. Que l'un n'empêche pas l'autre... Chiche !