Psychanalyse de bazar

 

La psychanalyse devient un phénomène de société. Elle est partout : dans les médias évidemment et jusque dons nos conversations les plus quotidiennes.

Serions-nous donc tous devenus des malades mentaux ? La vie moderne, avec ses contraintes nouvelles et ses dérèglements accélérés, fait-elle de nous des êtres plus fragiles et vulnérables qui ont besoin du soutien de la psychanalyse, quand nos grands-parents pouvaient s'en passer ou régler le problème avec les prothèses collectives traditionnelles de la religion ? Ou bien serions-nous devenus plus attentifs à notre « bien-être psychique », corollaire du « bien-être » physique promu, lui, à grands renforts de milliards, par la machine publicitaire ?

Et si cet attrait pour la psychanalyse relevait aussi de notre besoin de tout interpréter et de tout ramener à nous. Une forme de pensée magique où, avec quelques principes simples, tout deviendrait immédiatement lisible. Une façon d'abolir, à la fois, l'opacité des êtres et leur liberté. De restaurer, en un grand monopoly familial, des règles qui permettent de ramener le monde au creux de la main : « Il a des difficultés à apprendre à lire. C'est normal, un père trop absent et une mère envahissante !... Il ne parvient pas à se détacher de son groupe de copains. Rien d'étonnant : des rapports fusionnels d'enfant unique avec ses parents !... Il adore l'eau. C'est parce qu'il veut retourner dans le ventre de sa mère !... C'est une élève studieuse qui veut réussir en classe : elle doit imiter sa mère pour expier la trahison du père ! »

Le paradoxe, c'est que tous ceux qui profèrent, à tort et à travers, de telles explications ne se rendent pas compte qu'ils sont des arroseurs arrosés : « Tu interprètes mon travail scolaire à partir de mon rapport avec mon père. Mais pourquoi mon père ? Est-ce que cela n'est pas le signe de tes propres problèmes ? Et si c'était de ton propre père qu'il s'agit en réalité ?... Tu vois dans mon comportement professionnel une forme de compensation sexuelle. Mais qu'est-ce qui t'en donne le droit ? Ne serait-ce pas plutôt toi qui es un obsédé sexuel ?... Tu considères mes goûts musicaux comme une manière de revenir à un stade de fusion avec ma mère. Ta mère, toi même !... » On ne le lui fait pas dire !

C'est que la psychanalyse n'a rien à voir avec un système d'interprétation en prêt-à-porter de tous les comportements humains. La psychanalyse est affaire de professionnel. D'un professionnel évite tout diagnostic rapide. Qui prend les précautions nécessaires pour ne pas plaquer sur ses patients ses propres fantasmes. Freud, en réalité, n'est pas venu apporter un système d'interprétations... Il en existait déjà bien avant lui, en particulier dans la pensée magique. Freud est venu sceller l'interdit d'interpréter en dehors d'une formation et d'in accompagnement spécifiques. La première leçon de Freud est : « Interprétation : attention danger ! » Ne jouons pas avec la psychanalyse. Au risque d'en être nous-mêmes les jouets.