Soins ou santé ? Alors que la question du financement de la sécurité sociale revient au devant de la scène, il faut se demander si, dans le domaine de la santé, il n’est pas temps de changer nos conceptions et notre mode de fonctionnement. L’assurance-maladie est, en effet, une formidable invention fondée, à l’origine, sur une solidarité totale : de chacun selon ses moyens, à chacun selon ses besoins. Mais, au fur et à de l’apparition de nouveaux traitements, plus efficaces mais plus coûteux, et de l’allongement de la durée de la vie, le système s’est enrayé : les cotisations ne suffisent plus pour couvrir le coût de tous les remboursements. Et, comme, la sécurité sociale honore toutes les factures, elle s’endette inéluctablement. Régulièrement, on tente des remises à plat et l’on aboutit toujours, peu ou prou, aux mêmes solutions : diminuer les remboursements, augmenter les cotisations… Que les médecins se mettent de la partie et fassent valoir une baisse de leurs revenus, et la difficulté se fait quadrature du cercle : comment revaloriser le travail des personnels de santé, maintenir un bon niveau de remboursement sans augmenter les cotisations ? Il faut des arbitrages et le politique tente, selon les circonstances, de donner satisfaction aux uns ou aux autres : ces dernières années, ce sont les spécialistes qui ont été gâtés (un cadeau de près de 10 milliards d’euros), pendant que les généralistes étaient assez largement abandonnés (à peine 500 millions d’euros), et tandis que les infirmières, elles, étaient totalement oubliées. Aujourd’hui, devant le déficit abyssal, ce sont probablement les patients, et peut-être les entreprises, qui vont payer. Et nous ne sommes pas sûrs que cela suffise ! Dans ces conditions, il faudrait peut-être se souvenir de ce qu’on raconte sur la médecine orientale de jadis : les médecins y auraient été payés non pas en fonction des actes de soin, mais en fonction de leur capacité à accompagner suffisamment bien les malades pour qu’ils puissent, précisément, se passer de soins. En réalité, il faudrait passer de la conception et de l’expression obsolètes de l’ « assurance-maladie » à une véritable « assurance-santé » capable de prendre en charge, de manière globale, la santé des personnes en intégrant, bien sûr, la prévention. Pourquoi ne pas réfléchir à une formule qui rembourserait les efforts que l’on fait pour ne pas être malade : l’inscription à un club de randonneurs aussi bien que les médicaments contre le cholestérol ou des cours de relaxation aussi bien que des somnifères ! Évidemment, la chose n’est pas facile et pourrait mener à bien des abus… Mais on devrait, au moins, inscrire une somme significative pour la prévention dans le budget de la sécurité sociale : dépenser un peu plus pour, à terme, dépenser beaucoup moins. Ce ne serait peut-être pas un si mauvais calcul… |