Versions originales…

Point n’est besoin d’être un spécialiste de l’éducation pour être informé du lamentable niveau des Français en langes étrangères. Alors que la plupart des habitants des autres pays européens maîtrisent deux langues, voire trois, nous peinons à bafouiller quelques mots d’anglais ou d’espagnol pour nous faire comprendre… et sans toujours y parvenir ! Et, malgré nos efforts dans ce domaine, nous ne progressons guère. Si l’on excepte les étudiants qui ont la chance de bénéficier d’échanges internationaux, pour les autres les progrès tardent à se manifester. Les jeunes de vingt ans n’ont pas plus de facilités à communiquer dans une autre langue que leurs parents de cinquante. Et il y a fort à parier que l’enseignement des langues étrangères à l’école primaire ne modifie pas sensiblement la situation : il permettra de préparer l’enfant à une plus grande ouverture d’esprit, de lui donner confiance en lui, mais, si l’on en croit les professeurs de langue du second degré, il n’y a rien là qui soit décisif…

Il faut, bien évidemment, que l’Éducation nationale fasse un effort particulier et prenne, enfin, au sérieux cette question : les laboratoires de langue sont encore bien trop rares chez nos et les classes sont trop chargées pour permettre une véritable expression orale de tous. On serait surpris si l’on totalisait le temps de parole d’un élève pendant les cours de langue tout au long des sept années du secondaire : d’après les études sur la question, il va de quatre à cinq heures - dans les meilleurs des cas… et les plus rares - à quelques toutes petites minutes !

Mais, à côté des efforts de l’École, il faudrait aussi une mobilisation des médias. Sait-on, par exemple, que l’habileté linguistique des élèves du Nord de l’Europe est due, en partie, au fait que 80% des programmes étrangers y sont diffusés en version originale sous-titrée ? Ainsi, un élève danois ou finlandais peut-il regarder dans sa semaine  plusieurs feuilletons américains en anglais, des films en français, des reportages en allemand… sans compter, bien sûr, les émissions dans sa langue maternelle. Très vite, il se familiarise avec d’autres univers linguistiques tout en s’entraînant – et c’est loin d’être négligeable ! - à lire les sous-titres.

Et qu’on ne dise pas qu’il s’agit là d’une mesure coûteuse ! Il est beaucoup moins cher de sous-titrer une version originale que de la doubler ! C’est simplement une décision à prendre. Une décision qui nécessite une concertation entre le ministère de l’Éducation nationale et le Conseil supérieur de l’Audiovisuel. Une décision qui suppose que ce dernier prenne enfin au sérieux son rôle de régulation non seulement technique, mais social. Bref, c’est une affaire de courage politique…

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Philippe Meirieu vient de publier sur la télévision et son rôle : Une autre télévision est possible !, Éditions Chronique sociale, Lyon.