Vidéosurveillance

 

Un peu partout voit-on fleurir aujourd'hui des caméras de surveillance... Le public, semble-t-il, les plébiscite. Et pourtant, il serait, sans doute, infiniment préférable d'embaucher et de former des personnes chargées d'assurer, tout à la fois, l'accueil, le renseignement, l'entretien et la sécurité des visiteurs ou des clients. Le garde-champêtre de jadis, le gendarme qui, aujourd'hui, surveille la plage assurent la sécurité sans être perçus comme de simples outils de répression. Ils incarnent le bien commun et sont acceptés par tous. Leur fonction policière s'inscrit dans un service au public beaucoup plus large...

Mais nos sociétés, toujours plus inquiètes et crispées, isolent de plus en plus la fonction de surveillance et de répression. Elles multiplient les vigiles et installent un peu partout des systèmes de vidéosurveillance. Ce ne sont plus seulement les banques et les parkings qui sont concernés, mais, bientôt, des quartiers entiers de nos villes, la totalité des transports en commun, l'ensemble de nos structures de loisirs et d'enseignement. Partout des caméras épient nos moindres faits et gestes, faisant bientôt de la terre tout entière, grâce aux satellites, un seul et unique studio de télévision.

Il y a, évidemment, une dimension totalitaire - très souvent évoquée et abondamment exploitée par la littérature - de cet espionnage permanent : big brother n'est pas loin et, avec lui, la disparition de toute vie privée : nous finirons tous par exécuter, en rangs serrés et dans les lieux dévolus à cet effet, les mêmes actes « policièrement corrects »...

Mais, nous n'en sommes pas là, heureusement ! Pourtant, la vidéosurveillance fait quand même des ravages : elle déresponsabilise les habitants et les acteurs sociaux qui se voient déchargés, de fait, de toute implication dans le respect des règles de vie commune. Elle crée des zones protégées des intrusions de la violence, qui coexistent avec des zones de non-droit et engendrent inévitablement des conflits avec elles. Elle développe toute une fantasmatique collective de la ville-jeu où l'on rêve, plus ou moins consciemment, d'installer, comme dans les jeux vidéo, des pièges à hors-la-loi et des armes commandées à distance pour se débarrasser des « envahisseurs ». Elle alimente la conception de plus en plus répandue de la « ville calme », ville-banque, ville-musée et ville-magasin, protégée derrière des vitrines blindées et où la vie authentique ne pénètrera plus guère... Et puis - il faut bien le reconnaître - la vidéosurveillance développe l'imagination des délinquants : loin de se résigner, ils cherchent, bien souvent, à tromper les caméras ou à commettre leurs forfaits ailleurs.

Méfions-nous des fausses solutions. Pratiques à court terme. Rentables électoralement. Qui caressent dans le bon sens l'individualisme ambiant. Mais qui dépensent des sommes bien plus considérables que n'en coûteraient des actions de prévention. Et qui préparent, en sous-main, une société mortifère.