Pourquoi lier l'histoire et l'actualité de la pédagogie ?

Si j’ai intitulé le site que j’ai décidé d’ouvrir il y a près de trois ans maintenant « Histoire et actualité de la pédagogie », c’est que j’avais le sentiment qu’il existait un véritable besoin dans ce domaine. En effet, on trouve quelques sites spécialisés consacrés soit à l’histoire de la pédagogie en général, soit à certaines figures ou courants marquants de cette dernière… On trouve également des sites consacrés aux recherches, débats et pratiques pédagogiques aujourd’hui : ils sont, en général, très réactifs et permettent de suivre l’actualité…

Or, ma formation, mes travaux et mes engagements m’ont toujours amené à tenter de lier, soit conjoncturellement, soit plus structurellement, l’histoire et l’actualité de la pédagogie. En effet, je définis cette dernière comme l’effort pour inventer des pratiques permettant de dépasser, dans la temporalité, les oppositions théoriques qui saturent les débats éducatifs : opposition entre la nécessité d’un enseignement systématique des savoirs, d’un côté, et l’importance de  l’engagement de l’élève dans leur construction, de l’autre ; opposition entre l’affirmation de l’autorité comme instance structurante pour l’enfant, d’une part, et la volonté de ne pas confondre éducation et fabrication, de l’autre ; opposition entre le besoin de traiter chacun en fonction de ses besoins spécifiques, d’une part, et l’intérêt de lui permettre de rencontrer l’altérité et d’interagir avec la différence, etc…

Les grandes figures de l’histoire de la pédagogie ont été confrontées à ces dilemmes et ont tenté de les dépasser. Elles nous aident donc, d’abord, à les identifier et à les comprendre. Elles nous aident aussi à ne pas nous résigner à une sorte d’oscillation psychotique entre des extrêmes qui s’opposent. De même et a contrario, les débats d’aujourd’hui nous renvoient-ils à des questions qu’il faut situer dans leur complexité, faute, sinon, d’en rester au niveau de la polémique. Car l’amnésie pédagogique qui menace les enseignants et les éducateurs peut avoir de graves conséquences, tant identitaires qu’en matière de déperdition de toute une expérience sédimentée depuis des siècles.

C’est pourquoi on trouve sur mon site aussi bien des références « savantes » à des textes de notre patrimoine que des prises de position très actuelles sur l’actualité… les deux se nourrissant réciproquement. On trouve aussi, en tension, des témoignages, des propositions, des outils pour la classe et la formation, des perspectives et des rapports élaborés pour tenter de faire progresser le système éducatif. On trouve également des cours pour tenter de creuser les grandes questions éducatives, un « petit dictionnaire » des concepts importants pour y voir clair, des ouvrages recommandés, etc. Textes, films, émissions de télévision et de radio, enregistrements de conférences permettent d’avoir des éclairages complémentaires et d’associer une vision précise des pratiques et des modèles théoriques…

Car le propre de la pédagogie est de récuser l’opposition stérile entre théorie et pratique en éducation : les pédagogues, confrontés à la nécessité d’une action risquée mais sensée le savent et ils sont invités, bien sûr, à enrichir ce site.

Philippe Meirieu