Philippe Meirieu

Education :

Rallumons les Lumières 

Enfance, école, politique de jeunesse, éducation populaire, médias : résister et reconstruire     

 

Editions de l'Aube, 2024

Parution le 26 août 2024

Mon introduction (très personnelle) en avant-goût...

Adolescent, mes parents me prédisaient que je finirais bien par devenir raisonnable. Ils étaient persuadés que j’abandonnerais, un jour ou l’autre, mon idéal romantique d’une société plus juste et solidaire pour convenir, avec eux, que les humains étaient des êtres fondamentalement égoïstes, mus par un désir irrépressible de dominer leurs semblables, que des chefs charismatiques devaient absolument conduire à la baguette.

Ils avaient admiré Pétain, préféré Salan à de Gaulle avant de rallier ce dernier quand la crainte de la chienlit l’avait emporté sur la nostalgie de l’Algérie française. Ils m’avaient élevé dans un catholicisme conservateur où la charité des uns devait garantir la soumission des autres afin que rien ne vienne troubler l’ordre établi. Ils détestaient les communistes qu’ils considéraient comme des sortes de brutes insensibles aux valeurs fondatrices de la civilisation : le respect de la nature qui a fait des forts et des faibles et assigne à chacun une place qu’il doit occuper sans rechigner ; le culte de l’héritage que la République a bafoué en décapitant la royauté ; l’attachement pieux aux traditions locales qui les faisaient, tout naturellement, préférer la sœur à la cousine, la cousine à la voisine et la voisine à l’immigré.

J’avais avec eux des discussions épiques qui se déroulaient selon un rituel immuable. À mes emportements humanistes et à ma confiance dans la promesse d’un monde meilleur, ils répliquaient systématiquement par un procès en incompétence : je ne savais rien de la réalité ; il suffisait de regarder autour de moi pour conclure que j’avais tort ; le comportement des humains démentait impitoyablement mes injonctions idéalistes ; ma foi dans les pouvoirs de l’éducation allait bientôt se heurter au principe de réalité et j’allais vite déchanter.

Je leur répondais en énumérant fièrement quelques-unes des grandes conquêtes éducatives que je venais à peine de découvrir : Jules Ferry et l’instruction obligatoire, Jean Zay et les colonies de vacances, l’Éducation populaire avec ses cercles d’étude et ses ciné-clubs que je fréquentais alors assidûment, l’aventure du Festival d’Avignon auquel je venais de participer ou encore les « républiques d’enfants » dont j’avais appris l’existence par le Courrier de l’UNESCO. J’aimais aussi me référer au film d’Arthur Penn, Miracle en Alabama, que je considérais alors comme un chef-d’œuvre et qui montrait bien, à mes yeux, le pouvoir de l’éducation. J’allais même – comble de la provocation ! – jusqu’à leur dire mon admiration pour le protestantisme dont je venais de découvrir, grâce aux rencontres œcuméniques auxquelles je participais, le combat pour donner aux fidèles un accès direct à la Bible, les libérant ainsi de l’emprise des clercs. Je déroulais ainsi régulièrement sous leurs yeux le chemin qu’il fallait suivre, selon moi, pour conduire tous les humains à leur émancipation… Les discussions s’éternisaient parfois et s’envenimaient souvent, jusqu’au couperet final : inutile de poursuivre, la vie allait me dresser.

La vie ne m’a pas fait changer d’avis et mon père, sur le tard, m’avoua à demi-mot qu’il regrettait ses propos. Pourtant, j’ai le sentiment d’entendre encore ses mots résonner aujourd’hui… et pas seulement dans mes souvenirs. Pas seulement, non plus, dans la bouche de groupuscules identitaires admirateurs du Maréchal. Mais au Parlement où les députés d’extrême droite ne cessent de prôner un recours martial à l’autorité au nom du « bon sens », comme sur les antennes et dans les médias de la droite ordinaire où dominent la dénonciation du laxisme et la nostalgie des temps mythiques « où l’on pouvait encore se faire obéir ». Je crois même percevoir des accents du même ordre dans les arguments d’interlocuteurs que je croyais acquis à l’humanisme et qui s’avèrent étonnamment sensibles aux discours qui prônent aujourd’hui « la fermeté de la répression » comme seule réponse possible aux désordres du temps.

Pour tous ceux-là, au bout du compte, la lutte contre les inégalités par l’éducation serait, tout à la fois, illusoire et perverse : elle ferait fi de la répartition naturelle des « dons » et n’engendrerait qu’un dramatique nivellement par le bas. Pour eux encore, seules la peur de la sanction et la menace de l’exclusion pourraient mettre au travail des enfants ou des adultes naturellement enclins à la « flânerie systématique », comme disait Taylor, le promoteur de « l’organisation scientifique du travail ». Pour eux, enfin il suffirait de « restaurer l’autorité » pour résoudre tous les problèmes éducatifs, mobiliser les élèves sur les apprentissages, faire adhérer les citoyens aux valeurs de la République, se débarrasser, une bonne fois pour toutes, de toute forme d’incivilité et remettre, enfin, la France sur ses rails. Aux recherches et propositions qui entendent se confronter quelque peu avec la complexité, ils répondent toujours, comme mes parents jadis et de manière tristement prévisible : « Vous êtes de dangereux idéalistes. Il est temps de prendre la mesure des choses et de revenir à ce qui a fait ses preuves. La bienveillance et la compassion, ça suffit ! Les bonnes intentions ne font pas une politique, seules la fermeté et la contrainte sont efficaces. Ce sont elles qui restaureront la paix sociale et permettront l’émergence des véritables élites dont le pays a besoin. »

La table des matières...

Illusions de jeunesse ?

Les droites et l’éducation : une vieille histoire !

On éteint les Lumières !

C’est la faute à Rousseau !

« Libérer, protéger, unir » : chiche !

École : des remèdes pires que le mal !

Il y a bien une alternative !

De Hanouna à Condorcet… revenir aux fondamentaux !

« Nous sommes embarqués ! Il faut choisir. »

Recensions, entretiens et émissions...

"Les Matins de France Culture", le lundi 2 septembre, débat sur le "phénomène des dys" et ce qu'il nous apprend sur l'éducation et l'école aujourd'hui

Présentation du livre et débat avec Philippe Némo dans LE MONDE : "Que faire de l'école ? Entre institution et libéralisation, le débat est ouvert."

Podcast de l'émission "Pas si simple" proposée par RCF : "L'école peut-elle éduquer aujourd'hui?" 

Enregistrement vidéo du podcast proposé par RCF :  "L'école ne sait plus éduquer?"

Entretien sur le livre dans "Le grand JT de l'éducation" sur SQOOL TV (à 7' 50 du début)

Entretien sur le livre dans l'émission "Enlivrez-vous" de RCF Belgique

Entretien sur le livre dans VEN (Vers l'Education Nouvelle) : "Autoritarisme, obscurantisme : Philippe Meirieu sonne l'alerte"

Entretien dans la presse quotidienne régionale : "L'éducation efficace joue sur la confiance et non sur la peur"

Entretien dans FENETRES SUR COURS (Snuipp) : "Parier sur l'éducation et rester fidèle aux idéaux des Lumières"

Entretien avec Djéhanne Gani dans LE CAFE PEDAGOGIQUE du 26 août 2024

Entretien dans EJE, n° 109 : "Apprends-moi à être libre" : les enjeux de l'éducation

Entretien vidéo à TV5 MONDE le 17 août 2024 pour présenter l'ouvrage

Recension par Richard Etienne pour le CRAP-Cahiers Pédagogiques

Recension dans DIALOGUE (Groupe Français d'Education Nouvelle) par Laurent Carceles

Recension dans ADMINISTRATION ET EDUCATION, par Alain Boissinot

Recension dans ALTERNATIVES ECONOMIQUES

Recension par Pascal Bouchard sur le site TOUT'EDUC

Recension par Claude Lelièvre sur MEDIAPART

Recension par André Robert dans L'OURS

Recension par Olivier Ivanoff dans VERS L'EDUCATION NOUVELLE

Recension dans l'EDUCATEUR par Etiennette Vellas

Recension par Martine Boncourt, PEDAGOGIE FREINET.

"Philippe Meirieu, hérault de la pédagogie", dans SCIENCES HUMAINES

Citation par Gurvan Le Guellec dans LE NOUVEL OBS 

Recension en Suisse italienne par Adolfo Tomasini : "Educare in tempi oscuri"